« LEYANS !!! Je te trouve enfin ! »
Le lunaris vit arriver Écume, elle criait en bondissant vers lui. En réponse, un « CHUT ! » général monta de partout dans les archives, ce qui eu pour effet de calmer immédiatement l’excitation la minoushate. Mais elle ne laissa pas parler Leyans pour autant, et recommença tout de suite à chuchoter :
« Il faut absolument que je te raconte plein plein de choses ! J’espère que tu as du temps, parce que même si tu n’en as pas, je vais t’en prendre beaucoup !
Pour commencer, je suis allée m’inscrire hier, et honnêtement, c’était pas une partie de plaisir. J’arrivai toute trépignante devant Reiyel, tellement j’étais contente d’entrer enfin à l’académie. Il avait le nez dans ses papiers, alors il ne m’accorda pas un regard et lança juste :
- Vous êtes… ?
- Très joyeuse d’être ici ! répondis-je avec candeur, sans comprendre vraiment sa question.
- Votre nom. répliqua-t-il sèchement en me fusillant du regard. Je n’ai pas de temps à perdre avec des petites plaisanteries, ça ne m’amuse pas franchement de faire ces inscriptions, alors si chacun pouvait les rendre plus faciles, ça serait bien.
- Oh, euh, pardon, bredouillai-je, je m’appelle Écume…
Enfin, je te passe les formalités, mais ayant mal commencées, tu te doutes bien qu’elles n’ont pas très bien continué. Et tu sais quoi ? Je me suis inscrite dans la section des guérisseurs !
Une fois libérée de ce traquenard, je rentrai chez moi pour préparer toutes mes affaires. Ce fut une véritable chasse au trésor, sauf que je n’avais aucun indice pour retrouver mes affaires dans tout mon capharnaüm, ce fut donc un peu moins amusant. C’était même franchement désespérant, à la longue...
La nuit venue, j’eus du mal à m’endormir, j’avais trop hâte, et en même temps un peu peur : et si tous les professeurs étaient comme Reiyel ? Et si j’étais une mauvaise apprentie gardienne ? Et si je pensais à autre chose au lieu de me mettre la rate au court bouillon, est-ce que je pourrais dormir ? Absolument.
J’ai donc fini par dormir.
Tu me suis toujours ? »
Perché sur une échelle, perdu dans les étagères un peu au-dessus d’Écume, Leyans eut un petit grognement approbatif. Il était en équilibre précaire, avec quelques livres coincés entre le poitrail et le menton. Aussi, elle ne chercha pas à lui extorquer une réponse plus constructive, et reprit son récit :
« Le lendemain matin, je pris la route de l’Académie avec ma sacoche. C’est assez pratique, comme j’habite à Aëlwin, je peux facilement aller à l’académie à pattes. Mais pour rien au monde je n’aurais raté l’opportunité de dormir à l’Académie ! Aurai-je le même lit qu’une gardienne célèbre ? Assurément ! J’avais vraiment hâte de découvrir mon dortoir, où devaient m’attendre le reste de mes affaires, que mes parents avaient apportés hier soir.
Toutes les rues autour de moi avaient comme une nouvelle saveur, je posais un regard neuf d’apprentie gardienne sur ces bâtiments, mes pattes d’apprentie gardienne parcouraient le sol, ma fourrure d’apprentie gardienne ondulait au vent, je sentais les odeurs comme une apprentie gardienne, et… »
« Écume, l’interrompit Leyans, je crois que tu as beaucoup dit apprentie gardienne, là.
- C’était pour être sûre que tu aies bien compris que j’étais à présent une a-ppren-tie-gar-di-enne. »
Il grommela.
« Bref, reprit-elle, je voyais même que les gens me regardaient avec plus d’intensité, se retournant même sur mon passage. Flattée de cette attention, c’est la tête haute et le pas fier que je parcourus les dernières ruelles. Juste avant de tourner et d’arriver sur la place de l’académie, je vérifiai que j’étais bien présentable.
Réflexe salutaire…
Au milieu de toute l’effervescence de mon réveil, j’avais oublié de retirer mon bonnet de nuit. Ainsi, ce n’était pas la tu-sais-quoi qu’ils regardaient tous, mais les petits motifs de lipicus nuageux de mon bonnet. Cramoisie de honte, je m’empressai de le fourrer dans ma sacoche, en espérant qu’aucun professeur (ou même élève) ne m’ait vue ainsi.
La façade de l’académie, claire est haute, était superbe avec la lumière matinale. Et encore une fois, tous ses bâtiments m’ont impressionnés, tu comprends bien comme j’avais hâte de tous les découvrir !
- Écume, la coupa gentiment Leyans, tu sais que je connais l’académie.
- Je sais, mais c’était vraiment super beau ! On nous a fait entrer par niveaux, c’est donc avec ma classe que je suis rentrée dans une salle. Assurément, je les ai immédiatement dévisagés, toi compris, pour savoir à côté de qui j’allais m’asseoir. Parce que je crois que la première personne à côté de qui tu t’assois est vraiment déterminante pour toute la suite de ta scolarité. Enfin, Leyans, ne me regarde pas avec des grands yeux de soucoupe, c’est vrai ! Et puis tu devrais être immensément flatté !
Enfin, j’exagère peut-être un peu. Mais bon, ça reste important.
Leyans, pourquoi tu lèves les yeux comme ça ? Dis tout de suite que je t’agace.
- Mais non, la rassura-t-il en riant, c’est juste que tu t’enthousiasme d’un rien. Mais continue, ça m’intéresse ! »
Elle reprit son souffle un instant pour faire durer le suspense, relativement peu haletant ceci dit.
« Je me suis donc assise à côté de toi et de Colofull. Je suis un peu déçue, nous avions à peine commencé à discuter que le terrible Reiyel survint. Je me ratatinai aussitôt, et nous échangeâmes un regard plaintif et entendu avec Colofull : lui aussi avait dû passer par le cerbère des inscriptions. Le flamiris prit la parole :
- Je vous souhaite la bienvenue à l’Académie. Vous marchez sur les traces des vaillants gardiens d’Aëlwin, sachez que c’est un grand honneur qui vous est fait. J’espère que vous en serez à la hauteur, en tout cas je ne doute pas que nous sauront faire de vous des élèves disciplinés. Vous remarquerez que je ne suis pas votre professeur principal, vous le retrouverez plus tard dans la journée. Pour le moment, les professeurs Myka, Mehiel, Sianshi et Rakiel vont vous prendre en charge par section pour une plus ample présentation.
Il nous divisa donc entre les apprentis archivistes, combattants et guérisseurs. Malheureusement, Colofull ne fait pas partie des guérisseurs mais des combattants, nous ne nous retrouverons que plus tard.
J’emboîtai le pas du professeur Sianshi, le minousha chargé de la section des guérisseurs. Il amena sa petite troupe jusqu’à la salle des herboristes, aux étagères chargées de bocaux et ingrédients en toute sorte, et aux grands plans de travail. Malgré l’âge apparent de certains éléments, pas un grain de poussière ne traînait, et même une mouche détective n’en aurait pas remarqué !
- Je prends le relai de Reiyel, commença Sianshi, pour vous souhaiter à nouveau la bienvenue à l’Académie, dans la meilleure section qui soit – en toute impartialité bien sûr. En tant que guérisseur, notre devoir est de garantir le bien-être de chacun. Il ne faut pas négliger notre mission bienfaisante, elle est nécessaire à nos combattants ! J’espère que nous passerons de bons moments, parce que quitte à être ensemble, autant faire ça dans une bonne ambiance ! Mais je ne doute pas que tout ira pour le mieux.
Il enchaîna sur un rappel de l’Origine des gardiens, dans une atmosphère bien meilleure que lorsque Reiyel parlait. Tu ne peux pas savoir à quel point j’étais rassurée que mon professeur soit plus gentil que ce flamiris ! J’espère que tes professeurs sont aussi bien que lui.
Sianshi nous présenta rapidement les différentes catégories d’ingrédients, certains étaient inoffensifs, d’autres étaient dans une armoire fermée à clé. J’étais franchement curieuse de voir ce qu’il y avait dedans, et je pense que je n’étais pas la seule. En effet, le minoushas l’ouvrit et en sortit un gros bocal plein de fumée noire. En regardant bien, j’aperçus des sortes de formes de fantômes qui trépignaient dans tous les sens, provoquant même quelques éclairs à l’intérieur.
- Ce sont des esprits de l’orage, expliqua notre professeur, si j’ouvrais le bocal, en quelques minutes à peine, ça serait le déluge dans l’académie, et croyez-moi, vous n’avez pas envie que ça arrive. Ils n’ont servi qu’une seule fois, lorsqu’un de mes anciens élèves à découvert la potion de boue continue, encrassant ainsi tout le bâtiment du sol au plafond. Mais les esprits sont aussi allés rincer nos voisins de façon plutôt amusé… euh, désagréable. Et pourtant ce ne sont pas les pires de nos ‘‘ingrédients’’, alors vraiment, n’allez pas chercher par ici sans autorisation.
Il nous plaça ensuite par groupe autour des plans de travail, et nous expliqua ce que nous allions faire :
- J’aimerais tout de suite commencer par une petite potion simple pour vous mettre dans le bain. C’est un potion d’énergie. A petite dose, elle va simplement vous revigorer un peu, voire agir comme un petit remontant pour des fleurs. Mais avec une forte concentration – ce que nous ne testerons pas – elle peut même restaurer toutes les forces d’une vendeuse en papeterie pendant la période de pré-Noël.
Des soupirs admiratifs montèrent des rangs des élèves à ces dires.
- Il vous faudra un milpertuis entier, une once de poudre de perlinpinpin, et trois fleurs de liseron. Les ingrédients sont simples, vous les trouverez soit dans les étagères basses, soit dans la serre, près de l’entrée.
Sans vraiment attendre l’avis de mes coéquipiers, je me précipitai vers la serre, avant de voir que tous les élèves avaient eu la même idée que moi. Comme une seule créature, nous nous stoppâmes net en découvrant la serre. La structure en verre en elle-même était déjà très belle, mais la multitude de plantes en tout genres était fascinante. Partout, des couleurs se mélangeaient en un ensemble hétéroclite mais harmonieux.
Petit à petit, je sortis de ma contemplation pour chercher le milpertuis et le liseron. Ils furent plutôt faciles à trouver : il y avait déjà un attroupement d’apprentis devant les plants désirés.
En rentrant au laboratoire, je finis de préparer la potion avec mon groupe. Ce n’était pas très compliqué, il suffisait de tout mettre dans un petit chaudron, la poudre se liquéfiait avec la faible chaleur du brûleur et les plantes y infusaient, puis on filtrait le tout pour ne garder que le liquide.
Pour tester son efficacité, nous devions le verser dans un pot ou siégeait une unique marguerite un peu mal en point. Sous les yeux écarquillés de mon équipier oryals, notre coéquipière stoufix versa avec minutie une petite goutte sur la plante. Voyant que cela n’avait aucun effet, elle renversa toute notre fiole dessus.
Avec un bruit misérable, la fleur se ratatina puis tomba sur son terreau, définitivement très très mal en point. Nous échangeâmes un regard gêné. La potion n’était pas si facile, finalement.
Après de nouvelles explications de la part du professeur et un nouvel essai, le résultat fut meilleur. Il nous sembla que la fleur était légèrement plus en forme. Vraiment très légèrement, mais quand même. Ce n’était pas trop négligeable. »
Leyans pouffa de rire, avant de la laisser continuer :
« Le cours s’acheva, enchaînant avec une petite visite des autres endroits des bâtiments, dont les archives, ou encore la salle d’entraînement – je me demande d’ailleurs comment ils font pour rester en bon état, heureusement que les guérisseurs sont là. C’est à ce moment-là que j’ai retrouvé Colofull, qui m’a expliqué que tu étais resté dans les archives, parce que tu avais du rangement à faire.
Nous décidâmes d’aller visiter les jardins suspendus. Cet enchevêtrement de cordes et de plateformes est vraiment fascinant, je te conseille d’y aller une fois tes rangements terminés ! »
Leyans eut un gémissement plaintif. Il semblait encore en avoir un peu à faire.
« J’ai pu montrer, plutôt fièrement je l’avoue, les liserons à Colofull, il y en avait quelques uns. J’ai essayé de prendre un ton savant, mais je crois que je n’ai pas choisi la plante la plus impressionnante.
Ensuite, alors que nous commencions à jouer au minousha et à la souris dans le jardin - le potentiel des plateformes est incroyable – je fis tomber un petit pot de fleur pas encore planté, qui alla s’écraser sur l’herbe, quelques mètres plus bas. Nous nous empressâmes de descendre. Les morceaux du pot sont maintenant enterrés dans un coin discret et ombragé des jardins, je te montrerai, mais tu gardes le secret, hein !
- Bien sûr, lui assura-t-il avec espièglerie tout en haussant la voix, personne ne saura que tu as cassé un pot du jardin suspendu et que tu l’a lâchement enterré en bas dans un coin discret et ombragé !
- Chut ! Murmura-t-elle en regardant autour d’elle, paniquée. Bref, après avoir bien joué au minousha et à la souris en lieu sûr, je suis venue te trouver, je me disais que tu aurais besoin de compagnie ! Et donc, me voici ! Heureusement, nous avons encore un petit temps de pause avant le déjeuner et les cours communs.
- Eh bien ! Ça tombe bien, j’ai presque fini mes rangements. Le temps est passé plus vite, merci pour ton récit. Tu verras, j’ai aussi plein de choses à te raconter !»
Une fois le dernier livre installé, les deux créatures, nouvellement amies, se dirigèrent vers les dortoirs (et vers de nouvelles aventures, assurément).