par Cheryse » 15 Août 2022 19:47
Salut ! Désolée, j'ai totalement loupé le coche pour le lancement du RP...
(Aussi, j'ai un doute sur la couleur, signalez-le-moi si c'est trop clair.)
Estelle
Il faisait noir. Elle n'entendait rien. Et sa tête était comme alourdie par du coton plaqué au fond de l'arrière de son crâne. Surtout, elle avait mal, terriblement mal. Elle était paralysée. Tout son corps la lançait, tétanisé comme s'il avait subi un insoutenable traumatisme, mais elle n'appréhendait pas le moins du monde ce que cela pouvait être ou d'où cela pouvait venir. Elle ne savait même as si cela provenait de l'extérieur ou d'elle-même. Ce désordre confus de sensation venait, traversait, allait dans son être. Assaillie, elle n'arrivait pas à bouger. Alors, elle tenta infructueusement d'endiguer ce flux sensoriel. N'obtenant aucun succès, elle commença à paniquer et sa respiration s'accéléra. Dès lors, elle chercha à au moins à retrouver le contrôle sur sa respiration. Dès qu'elle finit de suffoquer des quelques dernières bribes d'air qui s'échappait précipitamment de ses poumons, elle se crispa à l'aide de sa paralysie pour retenir son souffle juste quelques seconde afin de reprendre sa respiration quand elle l'aurait décidé. Elle inspira. Elle inspira un grand coup, une grande bouffée d'air, une trop grande peut-être, sans doute, parce qu'elle se remit à suffoquer. Elle n'avait pas respirer que de l'air, c'était sûr. Quelle était cette odeur ? Pas agréable en tout cas. Âcre. Elle n'y était pas préparée. Elle l'avait déjà sentie et comprenait seulement qu'il s'agissait de l'une des 1001 sensations qu'elle avait ressenti plutôt. Toutefois, le choc de cette gorgée d'oxygène clairement impur, après le premier effet brutal et plus intense que tout le reste, avait eu l'étrange bienfait de tempérer sa crise. A présent, à peine apaisée, la douleur continuait d'onduler dans sa tête, dans son tronc et dans ses membres. Les larmes lui montaient au visage et elle les retenait. Elle ne devait pas pleurer, se disait-elle. Ne pleure pas. Ne pleure pas. Ne pleure pas. Sinon, ça va être pire. Elle supporterait encore moins l'humidité et le sel de ses larmes sur ses joues. Alors qu'elle frémissait dans l'expectative, elle sentit une brise, une des rares sensations qui n'était jamais éprouvante, légère balayer avec entêtement son visage ainsi que le dessus de ses mains. Elle remua à peine le bout des doigts, que sous ses paumes, les grains fins d'une terre sèches, roulaient. Elle avait réussi à bouger ! Et elle commençait à discerner ce qu'elle ressentait. La douleur s'amenuisait sans jamais tout à fait disparaître, restant latente. Mais, sinon... Que faisait-elle étalée à même le sol ?
Son second mouvement fut une grimace lâchée rien qu'à l'idée de toute cette poussière, mêlée à ce qu'il semblait être du sable, dont elle n'arriverait pas à se débarrasser de sitôt sur ses mains et qui, lorsqu'elle se lèverait, se mêleraient à ses cheveux, retomberaient peut-être jusque son cuir chevelu. Rien que cette idée l'amenait à gémir de déplaisir. Cependant, ce qui la harassait déjà, ce qu'elle comprenait maintenant qui lui était parvenu en tout premier lieu, c'était le harcèlement de l'odeur. C'était cette odeur apporté par le vent qui soufflait si bas si lentement, mais déjà tellement suffisant. C'était une odeur sulfurée et acide. Oh, miséricorde... Ça ressemblait trop fort aux signes avant-coureurs de ce qu'elle appelait un "rêve acide", un cauchemar récurrent. Bon... Au moins, si elle rêvait, cela expliquait pourquoi elle était couché au niveau du plancher des serpents. D'autant plus qu'elle n'arrivait pas à se remémorer ce qu'elle faisait avant. Ce fait avait tout l'air de confirmer sa théorie. Elle n'était pas pressée de se lever, encore moins en connaissance de cette situation, mais plus vite ce serait fait, plus vite ça se finirait. Elle aurait bien porté les mains à son visage pour faire filtrer progressivement la lumière jusqu'à ses paupières afin d'ouvrir ses yeux en douceur... Cependant, la terre, qui se mettait à coller à ses doigts humidifiés par la moiteur du malaise, l'en dissuadait. Elle se contenta de serrer ses mains en poing de frustration et pour se donner du courage.
Ses cils se retirèrent avec prudence de ses globes oculaires. La luminosité toujours trop forte, comme toujours l'aveugla. Pourtant elle laissa s'écarquillés désespérément ses yeux de stupeur. Ce qui était à l'origine de cet ébahissement était la couleur du ciel. Quoi ? Le ciel... Co-comment le ciel était-il mauve...? Elle perdit le contrôle de son sang froid et Estelle se redressa de tout son dos, précipitée en position assise sans prendre garde à sa migraine naissante. Mauve ?! Elle cherchait un soleil couchant. En vain. Mauve ?! Il en était de même pour un levant. Sans résultats. Le seul soleil qu'elle trouvait était un pâle disque maladif que même elle pouvait regarder droit dedans, à travers le masque de cet air lourd et vicié. Puis, à quoi pensait-elle ? Cette teinte de violet était trop claire et terne pour être de ceux des voûtes célestes des bords du jour. Qu'y pouvait-elle ? C'était son premier réflexe de songer à cela, mais elle oubliait déjà qu'elle se trouvait dans un rêve. Et définitivement, ce n'était pas un rêve acide. Le ciel d'un rêve acide était à jamais jaune et rien que jaune, tout à l'inverse de celui qu'elle avait au-dessus d'elle. Ceci constaté, maintenant qu'elle y pensait, en regardant attentivement une nouvelle fois autour d'elle, elle réalisa qu'elle se situait au beau milieu d'un paysage désolé.
Oh mon Dieu... Comment se sortir de là ? Elle commença par se balancer sur ses pieds pour se lever, car elle n'osait ni utiliser ses mains ni toucher davantage ce sol. Jetant un oeil à son allure, elle se rendit compte qu'elle avait été parfaitement étalée sur le dos comme si on l'y avait déposée doucement et ce seulement depuis peu car l'avant de ses vêtements était immaculé et l'arrière à peine taché. Alors qu'elle se frottait les mains loin d'elle, tout en réfléchissant, elle observait les arbres morts, noircis par un feu trop puissant ou une moisissure ancienne, elle ne savait pas trop. Il n'y avait pas la moindre végétation, du moins dans son environnement proche. Elle avait lu quelques petites choses sur l'orientation, mais ce n'était pas l'absence d'une mousse qui allait lui permettre de déterminer les points cardinaux autour de l'endroit. Et cela faisait encore trop peu de temps qu'elle contemplait ce qui l'entourait pour déterminer la direction qu'empruntait la course du soleil.
Elle essaya aussi de se souvenir de ses cours de géographie du lycée tout en doutant de ce qu'elle pourrait réellement en tirer. Alors qu'elle pensait la tête levée cherchant à voir où se rendait le soleil, elle perçut une infime pente sous la plante de ses pieds, à travers les semelles de ses ballerines. Elle choisit de diriger son chemin vers son aval. La montée n'était pas assez abrupte pour obtenir un point d'observation en la remontant. Par contre, par pur espoir et une hypothèse un peu bancal, Estelle tâchait de se convaincre qu'avec un peu de chance la légère descente était assez pour trouver une rivière en bout de route. Puis, il s'agirait de longer la rivière. Selon son cours de géo' au lycée, les humains ça aime l'eau et ils prennent les bords de rivière pour endroits privilégiés d'implantations de leurs villes. Donc elle devrait tomber tôt ou tard sur des habitations. Du moins, elle l'espérait. Elle se mit alors à marcher.
Par ailleurs, Estelle ne comprenait pas vraiment pourquoi elle mettait tant d'ardeur à se sortir du pétrin, plutôt que de se contenter, comme d'habitude de subir et d'attendre que le cauchemar passe. Bientôt ce ne fut plus ça qui l'inquiétait le plus. Jusqu'ici, ça n'avait été qu'une question de fond, un bruit de fond dans ses pensées et dans le paysage, ou plutôt, justement, son absence dans le paysage. Depuis le tout début, il n'y avait pas un seul bruit. L'unique son qu'elle entendait était celui de ses chaussures s'écrasant dans le sol stérile et dès qu'elle s'arrêtait, c'était comme si une angoisse la rattrapait.
Elle aimait le silence, mais elle n'aurait jamais cru vivre cela et le penser - peut-être fallait-il le vivre pour le penser - mais même tapage d'arrière-plan discret et insupportable de la ville lui manquait. Au moins, se rassurait-elle, la nappe qui séparait terre et ciel distillait tant les rayons de l'astre diurne qu'il ne lui était pas trop nécessaire de plisser les yeux pour avancer et non plus de porter en casquette ses mains souillées. Néanmoins, ce qui restait difficilement supportable était l'odeur sure et pulvérulente, et elle ne pouvait se soulager qu'en froissant du nez sur sa tête qui déclinait sous le mal crânien qui pointait.