Les inséparables
Une jeune biche jaune et violette s'assit dans sa chambre et alluma la lumière de son bureau. Depuis longtemps, elle avait trouvé son domaine, son moyen de s'évader. Elle se plongea dans l'écriture et, s'apprêtant à tremper sa plume dans l'encrier, entendit une voix familière parvenir à ses oreilles. Elle se doutait que sa meilleur amie allait encore la surprendre tant elle y était habituée. Elle soupira en se retournant vers l'oiseau tout fou, sautillant comme une pile électrique qui piaillait : "Mais quand vas-tu arrêter d'écrire ces poèmes ? Je veux jouer moi !" C'était toujours le même refrain barbant. La biche aux arabesques souffla encore une fois et répondit à son amie aux plumes verdoyantes : "Je suis désolée, mais j'ai besoin de me distraire..." Elle se replongea à nouveau dans ses poèmes, et son amie repartit, déçue, mais toujours aussi surexcitée. Sylloo reprit sa plume qu'elle trempa dans son encrier avant de l'essuyer sur le papier sur du papier buvard. Elle ferma les yeux et se remit à écrire, s'appliquant dans ses rimes croisées, césures et alexandrins.
Les jours passèrent, les poèmes se multiplièrent, tout comme les multiples tentatives d'Automn Romance de faire sortir son amie de ses rêveries. Mais cela devint presque impossible. Sylloo maigrissait de plus en plus, ne s'alimentant presque plus. L'oiseau sentit qu'elle risquait de perdre son amie à tout moment. Elle lui apporta chaque jour de la nourriture et de l'eau que la biche avalait goulument, sans pour autant reprendre du poids. La jeune Fleetiwik désespéra et partit dans la forêt pour y passer la nuit. Elle ne put s'empêcher de pleurer en repensant à la perte imminente de son amie. Ses plumes blanchirent sur les bords. Elle se réveilla à l'aube, assoiffée. Une fois sa vision rétablie, elle se dirigea péniblement vers une flaque d'eau pour se désaltérer, ce qui la revigora. Ses forces lui revinrent. Elle regarda autour d'elle. Dans cette clairière percée par les premiers rayons dorés du soleil, l'oiseau se regarda dans la flaque avant que son regard ne se dirige vers une rose solitaire. Elle en coupa la tige et la garda dans le bec. Avec la rosée reflétant les couleurs de l'aurore sur ses pétales pourpres, la fleur paraissait presque irréelle. Automn Romance se dirigea vers la maison de Sylloo, où elle la découvrit, plus maigre encore que la veille, plongée dans ses poèmes devenant de plus en plus triste. Elle ressentit une profonde douleur au fin fond de son cœur pour sa meilleure amie, vers laquelle elle se dirigea en sifflotant. Les paupières de la biche s'ouvrirent enfin. La vision de Sylloo redevint nette après un certain laps de temps, et la biche découvrit son amie, sifflotant un air triste entre les épines de la tige vert foncée. Les yeux de Syllo s'écarquillèrent et son sourire revint. Elle prit délicatement la rose de son amie avant de la mettre dans un verre d'eau fraîche. Elle ne put se retenir de pleurer et murmura à l'oreille de l'animal à plumes : "Merci pour tout ce que tu as fait pour moi, je m'étais égarée trop loin. Merci de me l'avoir fait réaliser. Merci pour tout." Ses yeux se remplirent de larmes qui coulèrent le long de ses joues creuses avant de tomber sur l'aile droite du volatile qui s'apprêtait à dire : "Alors, on joue ensemble maintenant ? C'est ça, être amies, non ?" La biche acquiesça, mangea et repartit dans la forêt avec son amie, plus vivante et heureuse que jamais. Elles dansèrent ensemble durant toute la journée, avant de partager un excellent repas fait par leurs soins durant l'après-midi, puis dormirent côte-à-côte. Sylloo grandit et regagna rapidement son poids normal, et ne se sépara plus jamais de son amie dont elle garda toujours une grande estime. Jamais elle n'oublia ces longs et heureux moments passés ensemble, qu'elle racontait quelques fois dans ses poèmes plus courts et plus gais que jamais.