« - Eh, t'as pas l'droit de faire ça ! s'exclama Doliko Junior en faisant un croche-pied à son adversaire qui l'évita de justesse.
- Toi non plus, s'écria Mystopaze Junior, qui venait de faire exactement la même chose quelques secondes plus tôt.
- Ah, je vous ai bien eus ! rigola soudainement Xingyiquan Junior qui avait profité du fait qu'ils ne se préoccupent pas de lui pour les faire tomber en les poussant par-derrière sans qu'ils le voient. »
Les deux Lunaplushies le fusillèrent du regard dans une synchronisation parfaite. Xingyiquan J. les regarda avec un sourire en coin, tout en haussant les épaules d'un air de dire "ce n'est pas de ma faute". Au sol, ses deux frères ne payaient pas de mine. Leur pelage était tout ébouriffé et ils étaient à bout de souffle. Xingyiquan J. l'était aussi, quoiqu'un peu moins, et il se mit à sourire franchement, de joie cette fois. Que c'était bon de jouer avec ses frères ! Ces derniers lui rendirent son sourire, toujours un peu frustrés de s'être fait battre par leur cadet. Ils n'avaient rien vu venir, occupés qu'ils étaient à se chamailler. Néanmoins, ils étaient bons joueurs et force était d'admettre que leur frère avait été le meilleur sur cette partie. Il savait tirer parti d'une quelconque faiblesse, en l'occurence de leur distraction. Il analysait toujours tout méticuleusement et était d'une intelligence redoutable. Ses aînés ne faisaient pas le poids face à lui, et ils le savaient. Son manque de force était compensé par son intelligence. Soudain, une voix forte retentit et ils sursautèrent à l'unisson.
« - Les enfants ! Vous avez fini de jouer ? demanda leur grand-père Gabriel, surnommé Old Gab' par tous - à l'exception de ses petits-enfants.
- Oui, Grandpa Gab' ! s'écrièrent ces dernirs en chœur.
- Alors venez, c'est l'heure de la sieste.»
Ils accoururent dans le salon, en se bousculant au passage, continuant leurs chamailleries incessantes. Lorsqu'ils l'atteignirent, leur grand-père les attendait au seuil de la porte, une tasse de thé encore fumante à la patte. Le corbeau Jack, son ami, était perché sur son épaule et, à la façon dont il les regardait, inquisiteur et soupçonneux, semblait leur reprocher leur comportement. Comment avait-il pu savoir qu'ils se chamaillaient encore, s'était demandé Xingyiquan J. Sûrement parce que nous passons nos journées à le faire, pensa-t-il soudainement en souriant avec malice. C'était évident.
Le vieux Lunaris s'écarta pour les laisser entrer et ses trois petits-enfants s'installèrent sur le tapis situé au centre de la pièce. Old Gab' s'en approcha et s'assit dessus, poussant les trois Lunaris Juniors à reculer jusqu'au bord du tapis.
«- Merci. Je vais plutôt m'allonger, finalement. Ce sera plus simple pour la sieste, sourit-il tout en se couchant, calant sa tasse de thé entre ses pattes avant.
- Mais... on n'a pas envie de dormir, nous ! s'exclama Mystopaze J.
- Eh bien, pourquoi êtes-vous venus, dans ce cas ? Ne vous avais-je pas prévenus que c'était l'heure de la sieste ?
- Si, mais... on espérait que tu nous raconterais une histoire pour dormir, lâcha Doliko J. d'une petite voix.
- Oh non, je suis fatigué. Je dois m'occuper de vous, et ce n'est pas de tout repos. Laissez un vieux Lunaris tel que moi faire sa sieste en paix, murmura Old Gab'.
- Mais, Grandpa Gab', nous ne t'avons pas embêté cet après-midi !
- Certes non, et je vous en remercie, mais les autres jours oui, et la fatigue s'accumule. Et puis, il faut que je me repose, comme chaque jour, vous savez.
- Justement, si on ne t'a pas fatigué aujourd'hui, pourquoi tu dois faire ta sieste quand même ? le questionna Mystopaze J. d'un air perplexe.
- Eh bien... tu n'as pas entendu ce que je t'ai dit ? Bon... parce que je suis vieux et je me fatigue vite, voilà. Maintenant, endormez-vous, conclut leur grand-père, pressé de faire sa sieste.
- Non, on veut notre histoire ! s'exclamèrent-ils.»
Mais Jack leur lança un regard noir - ce qui, pour un corbeau, était assez facile - qui les fit taire. Sauf que... les trois enfants se regardèrent d'un air complice, et soudain, ils s'élancèrent sur leur grand-père, faisant s'envoler le corbeau qui s'était posé sur sa patte. Ils n'était pas bien grands, pas encore, mais Old Gab' étant allongé sur le tapis, ils lui arrivaient au menton. Alors ils se mirent à le chatouiller un peu partout et à lui donner des grands coups de langue sur son visage, qu'ils atteignaient tant bien que mal en sautant. Leur grand-père ne pouvait éviter tous leurs assauts, si bien qu'il céda finalement, après de longues minutes de lutte. Ses petits-enfants reculèrent alors à nouveau vers le bord du tapis, un sourire satisfait sur leur visage. Old Gab' posa sa tasse au centre du tapis puis se leva tout en maugréant, mécontent de ne pouvoir dormir de suite. Il attrapa un livre au hasard dans la petite bibliothèque du salon, puis revint sur le tapis. Il s'allongea de nouveau, ajusta ses lunettes sur son museau, et commença à lire. Le livre s'intitulait "Sept histoires de Gothicat World" et était un recueil de contes qui racontaient les célèbres histoires d'héros de leur monde, tels que Super-Americat, Kaori l'enchanteresse, le gentleman Garibaldi, etc. Mais il avait à peine entamé sa lecture que Doliko J. montra son mécontentement en soupirant bruyamment et en grognant.
«- Qu'y a-t-il ? demanda Old Gab', l'exaspération se lisant sur son visage.
- Bah on les connaît déjà leurs histoires ! On en veut une qu'on n'a jamais entendu ! réclama le jeune Lunaris.
- Bon, bon. Vous savez que vous m'en demandez beaucoup, n'est-ce pas ?
- Oui, mais c'est juste pour aujourd'hui !
- D'accord... alors... installez-vous confortablement, ça risque d'être long, les prévint-il tout en déposant le livre à côté de sa tasse de thé. Je vais vous raconter comment tout a commencé... »
Il regarda ses petits-enfants, qui eux-mêmes le fixaient avec de grands yeux, la tête penchée vers lui. Cette histoire inédite avait piqué leur intérêt. Il débuta alors son récit...
C'était il y a des années. Je ne saurais vous dire combien exactement, ma mémoire est quelque peu défaillante à mon âge... Quoiqu'il en soit, j'étais jeune, beau, vigoureux, et surtout, j'avais soif d'aventure. C'est ce qui m'a poussé à partir de chez moi, à quitter ma famille, néanmoins le temps pour moi de voyager comme je le souhaitais. Mes parents ne s'y opposèrent pas, comprenant mon besoin de goûter à la liberté et de vivre par moi-même. C'est ainsi que je quittai Gaïara, contrée où nous vivions, mon sac à dos sur les épaules et une carte de Gothicat World dans ma gueule. Mon itinéraire était tracé à l'encre de baies bleues - je ne connais pas leur nom : je partais de Gaïara, puis je rejoignais Renarhim en passant par le pont ; arrivé là-bas je revenais sur mes pas et me dirigeais vers Aquahana, grâce à un passeur qui me transporterait sur son bateau, ensuite je longeais les côtes bordant Gaïara pour atteindre Elonia ; je remontais toute cette contrée pour arriver à Infermo ; de là, je traversais Sandisia pour enfin me retrouver à Aydo'h. Et bien sûr, pour revenir, je parcourais à nouveau les déserts de Sandisia afin d'arriver à Gaïara. Ainsi, j'aurais vu tout le monde de Gothicat World. Je pensais que ce serait mon seul grand voyage, mais je ne me doutais pas que ce ne serait que le début d'une longue série !
Je passai donc par Renarhim en premier. Je rencontrai des créatures de l'Ombre, tels que de fourbes démons, des Snotts tous plus fous les uns que les autres, ayant pour seul but de vous emmener avec eux dans les méandres de leur esprit dérangé, des Lunaris, vendeurs d'âmes pour celles et ceux qui ont perdu la leur dans les ténèbres, mais également des Marcheurs de la Mort, dont je vous épargnerai les détails, mes chers enfants. Vous penserez donc que Renarhim n'était une contrée souhaitable à personne, du moins aux créatures aspirant à la Lumière. Avec sa nuit, noire comme le néant, dans laquelle il fallait prendre garde à ne pas s'y perdre, elle avait tout pour qu'on ne veuille pas y habiter. Alors, je partis rapidement de cette contrée, préférant ne pas m'attarder car je savais que les ténèbres allaient m'engloutir si je restais plus longtemps. Mais, alors que je faisais le chemin du retour, je rencontrai une étrange créature dont je n'avais jusqu'alors eu connaissance que vaguement. En effet, c'était une vampirine, avais-je constaté lorsque je l'avais vu. Je ne connaissais pas ces créatures, aussi m'en méfiais-je. La vampirine s'était approchée de moi, et instinctivement, j'avais eu un mouvement de recul.
«- Pourquoi as-tu peur, jeune Lunaris ?
- Eh bien... je... euh... avais-je bégayé.
- Tu as peur que je te morde ? Ne t'inquiète pas, je suis une vampirine mais si je n'ai pas une dent contre toi, je ne te ferai rien, avait-elle dit avec un sourire qui dévoilait sa dentition pointue.
- Je suis ravi de le savoir, dans ce cas. Si vous voulez bien m'excuser... lui avais-je dit tout en me poussant légèrement sur le côté pour l'éviter.
- Tu sais, je vois bien que tu as peur. De moi, ou plutôt dirais-je... de Renarhim ? avait-elle deviné. Comment je le sais ? Je sais lire sur les visages, mais ton attitude te trahit aussi.
- Eh bien, effectivement. C'est pourquoi je vais continuer mon voyage dans d'autres contrées. Maintenant, j'aimerais partir, s'il vous plaît.
- D'accord. Mais, jeune Lunaris, ne juge pas trop vite. Renarhim n'est pas que noirceur... il faut savoir chercher sa Lumière pour la trouver.»
Et sur ces paroles mystérieuses, la vampirine s'écarta largement de moi, me laissant le champ libre pour m'en aller. Je ne bougeai pas et la fixai d'un air perplexe, cherchant à comprendre le sens de ses paroles, mais elle se contenta de me regarder avec un sourire énigmatique. Je décidai finalement de ne pas trop m'attarder, et, lui adressant un signe de tête, je partis sans plus attendre. Néanmoins, ses paroles continuèrent de résonner dans ma tête, me préoccupant tout le temps que dura mon retour vers Gaïara. Mais je dus me consacrer pleinement à mon voyage lorsque j'arrivai sur les côtes de l'Estuaire du vent. J'y réfléchirais plus tard, la nuit tombait et il fallait absolument que je trouve un abri. Je jetai un regard en arrière, et n'entrevis que les silhouettes des imposants arbres. Ces derniers cachaient le soleil, qui déjà n'éclairait pas tellement à cette heure tardive : la lumière qui me parvenait n'était que très faible. Sans plus tarder, je me décidai finalement à me mettre à couvert parmi les arbres. La pénombre ambiante qui s'accroissait grandement au fil des minutes me motiva à installer mon abri le pus rapidement possible. Ainsi, je m'installai et dormis d'un sommeil profond jusqu'au lendemain matin.
Lorsque je me réveillai, le soleil était à peine levé. Néanmoins, je n'étais pas fatigué, je décidai donc de revenir sur les berges de Gaïara pour y retrouver mon passeur. Avant de partir, j'avais en effet pris soin d'en contacter un afin d'être sûr de pouvoir aller sur Aquahana. J'atteignis l'eau d'un bleu profond en quelques minutes puis scrutai les alentours pour trouver mon passeur. La créature qui avait accepté de m'y emmener s'appelait Icebreaker, un Neptulys, et m'avait précisé qu'il serait sur une barque de taille moyenne, au bois blanc. Je le repérai assez rapidement, étant le seul bateau ici. Je m'approchai donc, et le saluai.
«- Bonjour, Icebreaker, je suis Gabriel.
- Bonjour Gabriel. Je ne me présente pas, tu connais déjà mon nom, sourit-il.
- En effet, répondis-je avant de m'interrompre, ne sachant quoi faire ou dire.
- Et bien ? Ne reste pas là ! Allez, monte, et donne-moi ton sac, je vais le mettre en sécurité, m'enjoigna-t-il tout en prenant le sac que je lui tendais.
- Merci de m'emmener à Aquahana, au fait, le remerciai-je une fois monté à bord.
- Pas de problème. Allez, accroche-toi, on s'en va !»
À peine eut-il prononcé ce dernier mot que le bateau démarra soudainement et partit en trombe. Je ne m'y attendais pas, ainsi je fus violemment projeté en arrière et faillis basculer par-dessus bord. Je me rattrapai in-extremis en plantant mes griffes dans le bois de la barque. Icebreaker me regarda avec un sourire aux lèvres, un brin moqueur, quand son regard dériva sur mes pattes, et plus précisément sur mes griffes enfoncées dans la barque. Il se précipita pour dégager mes deux pattes avant et me foudroya du regard.
«- Quoi ? J'ai failli tomber dans l'eau.
- Failli n'est pas, jeune Gabriel. Et regarde, tu as fait des trous dans ma belle barque ! J'y tiens, tu sais. Tu n'as pas intérêt à me l'abîmer encore plus que tu ne l'as déjà fait, me prévint-il avec un regard d'avertissement.
- Eh bien, je vois que tu es soulagé que je ne sois pas tombé dans l'eau, ironisai-je. Ne t'inquiète pas, je ne vais rien faire à ta barque chérie.
- J'y compte bien ! Et puis ça ne m'aurait fait ni chaud ni froid si tu étais tombé, ça aurait juste posé problème au niveau du paiement, puisque tu ne me l'as pas encore versé, ajouta-t-il avec une voix neutre.
- D'accord, donc je suis juste de l'argent à tes yeux. C'est bon à savoir... n'empêche qu'on ne se connaît pas, mais tout de même, un peu de considération !
- Je ne vois pas pourquoi je m'occuperais de toi alors que, comme tu l'as si bien dit, on ne se connaît pas.
- D'accord, ça fait toujours plaisir... mais, dis-moi, comment as-tu démarré le bateau ? Il n'y a pas de moteur, remarquai-je soudainement.
- Magie magie ! se moqua Icebreaker.
- Non, mais sérieusement, comment tu as fait ?
- C'est ce que je viens de te dire. La magie.
- Mais... je n'ai jamais vu de créature avec des pouvoirs magiques, lâchai-je en le regardant d'un air sceptique.
- En voilà une. Ta première ! Moi, je suis né avec un pouvoir : je maîtrise l'eau.
- Eh c'est trop stylé ! m'exclamai-je. C'est comme ça que tu as fait démarrer le bateau, alors ?
- Bien vu, Sherlock.
- Sherlock ? C'est qui ?
- Ah, tu n'as pas la référence. Laisse tomber.
- Quoi ? Mais non, dis-moi ! insistai-je, curieux d'en savoir plus.»
Malheureusement, il ne fut pas de cet avis. Icebreaker se retourna pour se mettre dos à moi, et n'ajouta rien de plus. La discussion était finie. Alors, ne le connaissant pas, je préférai ne plus rien dire, si bien que le temps passa dans un silence de plomb, et la nuit commençait déjà à tomber. N'ayant rien pour me permettre de rester éveillé, je m'endormis sans m'en apercevoir. Je ne m'en rendis compte que lorsque je fus réveillé en sursaut par un vacarme incroyable. À peine avais-je ouvert les yeux que je fus aveuglé par un flash qui m'enleva temporairement la vue. Après quelques secondes, lorsque je pus voir autre chose que du blanc, je fus confronté à un noir absolu, tranché par moments de fils blancs aussi soudains que rapides et qui fendaient le ciel tels... des éclairs, réalisai-je enfin. Alors je regardai autour de moi, et malgré le fait qu'il faisait encore nuit, je pus voir la mer déchaînée, grâce aux éclairs qui illuminaient le ciel régulièrement. La tempête faisait rage, l'orage grondait, et la barque tanguait fortement sous la violence des vagues. J'essayais de me redresser, mais c'était peine perdue, impossible d'esquisser le moindre mouvement sans devoir se cramponner à la barque pour ne pas tomber par-dessus bord. J'étais malmené par l'Estuaire du vent, qui portait bien son nom en cet instant : le vent sifflait dans mes oreilles, et soulevait de gigantesques vagues qui me terrifièrent. Allais-je finir englouti par l'une d'entre elles ? Je me trouvais au milieu de nulle part, isolé de tous. ...De tous ? Non, pas vraiment. Icebreaker ! Son nom m'apparut soudainement et je le cherchai frénétiquement du regard. Il n'était pas sur l'embarcation, alors, il ne pouvait être que dans l'eau. Je ne m'inquiétais cependant pas pour lui, s'il avait le pouvoir de maîtriser l'eau, il n'aurait aucun problème. Désormais, c'était plutôt pour moi que je m'inquiétais, car je ne savais pas comment, ou plutôt si j'allais m'en sortir. Je n'avais plus qu'à attendre que la tempête passe, mais c'était plus facile à dire qu'à faire ! Le vent se mit à doubler d'intensité, les éclairs frappaient de plus belle la surface de la mer qui, elle, n'arrêtait pas de faire des vagues de plus en plus grandes. Soudain, une rafale de vent plus forte que les précédentes souleva la barque qui se retourna en un rien de temps. Je réussis à attraper mon sac in extremis avant de finir immergé sous l'eau, dont les courants m'emportèrent au loin. Bientôt, je fus en manque d'oxygène, ma vue se brouillait, mes poumons me brûlaient et je n'aspirais qu'à une chose : de l'air. Ce besoin irrépressible s'imposa dans mon esprit, et je ne pensais plus qu'à ça. Respirer, je devais respirer. Alors je tentai de remonter à la surface tant bien que mal, agitant mes pattes frénétiquement, mais n'ayant pas beaucoup nagé dans ma vie, je ne savais pas réellement comment m'y prendre. Il m'était de plus en plus difficile de rester conscient, j'avais la tête qui tournait, et je ne demandais qu'à inspirer de l'air. J'avais la désagréable impression que je n'avançais pas, tandis que les secondes s'égrenaien. En effet, le temps, lui, n'attendait pas, et mes poumons en feu ne le pouvaient pas non plus. Alors, dans un ultime effort, je battis des pattes avec l'énergie du désespoir, et j'arrivai enfin à sortir la tête hors de l'eau. Je voulus inspirer pour faire rentrer l'air salvateur dans mes poumons, mais toussai à la place, crachant au passage de l'eau que j'avais malgré moi avalé. Après une quinte de toux assez virulente, je pus enfin respirer à mon aise, et accueillis avec délivrance l'air dans mes poumons brûlants. J'attendis un peu le temps que je me remette de ce séjour peu enviable sous l'eau, puis, je me risquai à regarder autour de moi. Ce que je vis me désespéra : je ne distinguais plus la barque, et il n'y avait plus que la mer autour de moi, à perte de vue. L'angoisse de mourir là, noyé et seul, monta en moi comme une flèche, et la panique suivit rapidement. Je ne pouvais rien faire, à part nager jusqu'à n'en plus pouvoir. C'était ma seule solution. Ainsi, je m'y attelai en ménagant mes forces, néanmoins cela était dur pour moi qui n'avait que peu nagé dans ma vie. Rapidement, je fus essoufflé, et quelques temps après, maintenir la tête hors de l'eau devint un supplice. Je n'arrivais plus à tenir, et la tempête qui faisait toujours rage me compliquait la tâche. Je regrettai à ce moment mon pelage qui me tirait vers le bas - j'en avais l'impression en tout cas. J'étais soudainement devenu lourd, mon corps était engourdi, et, épuisé, je me sentis tomber à nouveau dans l'eau. Mais cette fois, je savais que je n'aurais pas la force de remonter. Alors, résigné à mon sort, je me laissai couler, de plus en plus profond, où l'eau devenait chaque mètre plus bas plus froide encore. Je perdis connaissance.
Lorsque je me réveillai, il faisait à nouveau chaud. Je ne pensais pas pouvoir sentir à nouveau la chaleur, et même être vivant. D'ailleurs, comment était-ce possible ? Etonné, j'ouvris les yeux, et tombai sur Icebreaker, le visage à quelques centimètres du mien.
« - C'était moins une, mon petit Lunaris. Tu as failli mourir noyé !
- Failli n'est pas, Icebreaker, lui rétorquai-je comme il me l'avait dit, quelques heures plus tôt. Au fait, quel jour est-on, dis-moi ? lui demandai-je.
- Tu es resté toute la nuit inconscient. Ça fait un jour que nous sommes partis de Gaïara. Au moins, nous sommes à Aquahana désormais !
- C'est toi qui m'as sauvé ?
- Oui, tu croyais que c'était qui ? Un Minousha peut-être ?
- Merci ! C'est juste que comme je suis resté longtemps dans l'eau, je ne pensais pas que tu étais encore là, lui avouai-je.
- Si, mais tu vois, j'étais un peu dans la tempête, moi aussi. Pour te retrouver, c'était pas facile ! J'ai beau maîtriser l'eau, je ne fais pas le poids face à une tempête et à une mer déchaînée, maugréa-t-il.
- Bravo pour m'avoir retrouvé, dans ce cas. Au fait, où est mon sac ?
- Je l'ai perdu, et il était pas avec toi en tout cas. Désolé.
- Oh...ce n'est pas grave, mais je ne sais pas comment je vais faire pour continuer mon voyage, sans mes affaires...»
Le Neptulys sembla soudainement soucieux, puis il partit, me laissant seul. Je le hélai, lui demandai où il allait, mais il ne me répondit pas. Il disparut de mon champ de vision, et je ne pus rien faire d'autre que l'attendre, en espérant qu'il reviendrait. Ce qu'il fit, mais il était désormais accompagné d'un corbeau qui volait au-dessus de lui.
« - Pourquoi vous m'avez laissé comme ça ?
- Pour lui : c'est mon fils, me répondit-il en désignant le corbeau qui venait de se poser devant moi. Nous ne savons pas pourquoi, sa mère et moi, avons conçu un corbeau alors que nous sommes des Neptulys, mais cela importe peu, nous l'aimons comme il est. Enfin bref, il s'appelle Jack, et il ne rêve que de parcourir le monde depuis son plus jeune âge. Je pense qu'il est maintenant assez grand pour le faire, son tour du monde. Ce serait bien si vous le faisiez ensemble.
- Je... pourquoi pas, après tout, ça me fera un compagnon. Bonjour, Jack, le saluai-je.
- Il ne peut pas parler, sauf par télépathie, si tu l'autorises.
- Bonjour Gabriel ! Merci de me laisser venir avec toi ! Je n'attendais que ça, de pouvoir voyager, lui dit Jack d'un ton enjoué, quelques secondes après que son père ait parlé. En plus, j'ai pris un sac où on peut mettre absolument tout dedans, c'est comme s'il n'avait pas de fond ! J'ai pris de la nourriture, une carte du monde, de quoi dormir, et plein d'autres choses utiles.
- Super, tu as tout prévu ! En plus je n'ai plus mes affaires, alors ça tombe bien. Et puis je sens qu'on va bien s'entendre tout les deux, ajoutai-je avec un clin d'oeil.
- Bon, puisque tout est réglé, je vais m'en aller. Gabriel, pas besoin de payer, au fait, prendre Jack avec toi sera mon prix, et tu as intérêt à me le ramener, en un seul morceau. Veillez bien l'un sur l'autre ! Et, Jack, surtout, ne fais rien d'inconsidéré, par pitié, lui demanda-t-il avant de partir, connaissant le caractère intrépide de son fils. Je vous ramènerai à Gaïara lorsque vous serez prêts.»
Le corbeau me fit donc visiter Aquahana, et nous devînmes rapidement amis. Je lui parlai de mon aventure à Renarhim, de ma traversée de l'Estuaire du vent en compagnie d'Icebreaker, de ma vie à Gaïara ; il me parla quant à lui de sa vie à Aquahana. Puis, nous revînmes sur le continent grâce à son père, où les contrées d'Elonia, Sandisia, Infermo et Aydo'h nous attendaient. Nous fîmes néanmoins un détour par Gaïara car Jack ne l'avait jamais visitée et souhaitait la voir. Cela fait, nous sortîmes des forêts de la contrée, et nous fîmes face au long chemin qui nous attendait vers Elonia, dont les rochers volants se voyaient déjà de Gaïara.
« - Tu es sûr de vouloir aller à Renarhim en dernier ? questionnai-je Jack.
- Oui ! Le meilleur pour la fin. Et puis, il faut trouver cette Lumière dont la vampirine a parlé, tu ne crois pas ? Je sens que ça va nous prendre du temps de toute manière...
- C'est vrai. Alors, va pour Elonia ! m'exclamai-je tout en regardant les roches volantes de la contrée du vent.»
J'avais été servi avec l'Estuaire du vent, et j'espérais que le vent là-bas serait plus clément. J'entrainai Jack avec moi, et nous nous élançames vers Elonia, sourire aux lèvres. L'aventure ne faisait que commencer.
« - Et voilà ! Vous savez maintenant comment j'ai rencontré mon ami Jack ici présent, lâcha Old Gab' tout en jetant un coup d'oeil au corbeau qui avait écouté attentivement l'histoire. S'ensuivirent de nombreuses autres aventures, que je vous raconterai un autre jour...
- Oh non, encore une autre, s'il te plaît ! s'exclama Doliko J.
- Non, l'histoire a assez duré comme ça. Maintenant, je veux vraiment faire ma sieste. Dormez, vous aussi.»
Les trois Lunaris Juniors soupirèrent, mais il capitulèrent, fatigués malgré eux, et s'endormaient. Old Gab', lui, porta sa tasse de thé à la gueule, en but une gorgée. Mais il avait refroidi, et le vieux Lunaris ne l'aimait pas comme ça. Tant pis, il en ferait un autre. Il la posa à nouveau sur le tapis et plaça sa tête sur ses pattes avant. Il s'endormit presque aussitôt.