★ Chapitre 2 – Lunya ★
[Hyova, Royaume de Milovenia]
[De nos jours]Je suis là, seule, debout au milieu d'un halo de lumière resplendissant. Tout autour, il n'y a que des ténèbres, je ne peux rien voir.
J'entends alors un murmure à peine audible. Puis un autre. J'en cherche la provenance. À droite. Non, à gauche. Je me mets à courir, espérant me rapprocher mais il semble s'éloigner, inaccessible. C'est alors qu'un vent violent se lève, sorti de nul part. Les bras devant mon visage et les jambes écartées, je lutte pour garder l'équilibre.
La bourrasque est de plus en plus forte et les chuchotements ne s'arrêtent plus, tout autour de moi. Mes pieds commencent à se décoller du sol et mon cœur s'accélère. J'aimerais appeler à l'aide mais aucun son ne sort de ma bouche. C'est alors que je perçois enfin un mot, un seul : Lunya.
— Nilah ! Debout ma belle ! hurle ma mère depuis le bas de l'escalier.
Je me réveille en sursaut.
C'est pas vrai, encore ? Depuis le jour de mes dix-huit ans, il y a trois mois, je fais ce même rêve chaque fois que je ferme les yeux, encore et encore comme si j'étais censée en comprendre le sens.
Je regarde mon portable. Il est 8 heures ! C'est beaucoup trop tôt !
Je me tourne et lève la couette jusqu'à me couvrir la tête. Je commence à me rendormir quand j'entends des bruits de pas se rapprochant.
— Allez ma belle, c'est le grand jour, lève toi.
Elle ouvre en grand mon volet et commence à tirer sur ma couette pour me l'enlever. Je tire fort de mon côté en grognant.
— Mamaaaan ! Je n'ai pas assez dormi, laisse-moi tranquille s'il te plaît !
— Tu avais promis de choisir une académie avant la date butoir. C'est aujourd'hui et tu n'as toujours pas choisis. Le lycée est peut-être terminé mais pas les études.
— Et tu es obligée de me lever si tôt pour choisir une école ?
— Tu n'as pas daigné te renseigner, sur aucune d'entre elles, de toutes les vacances. Rattraper ça en une journée demande forcément de se lever tôt.
— C'est bon, j'arrive ...
Ma mère finit par lâcher la couette et sortir de ma chambre avec un air victorieux.
Je me redresse lentement, en bâillant et en me frottant les yeux.
J'enfile ma robe de chambre, attrape mon téléphone et descends prendre le petit déjeuner avec mes parents.
— Elle est en viiiiie !
— Oh ça va papa ...
Mon père éclate de rire, fier de lui. Moi, je suis trop dans le brouillard pour trouver ça drôle.
Je m'installe face à mon chocolat chaud et envoie un texto à ma meilleure amie.
"Hey Ju' ! Ça te dis de venir m'aider à choisir une académie ?"
Vu l'heure, je ne m'attends pas à une réponse tout de suite. Elle doit sûrement encore dormir, la chance.
Ma mère étale des brochures devant moi.
— Tiens ma belle. Si tu as besoin d'aide ou si tu veux avoir notre avis, n'hésites pas.
— Mmh ... dis-je en tournant ma cuillère dans mon mug.
— Laisse lui le temps de se réveiller chérie, ricane mon père.
Ma mère quitte la pièce à reculons en levant les mains comme pour indiquer une reddition. Mon père se tourne alors vers moi.
— N'en veut pas à ta mère, elle s'inquiète juste pour ton avenir.
— Je ne lui en veux pas. C'est moi, j'ai pas assuré. J'ai eu des semaines pour choisir et je ne l'ai pas fais. Je n'ai pas arrêté de repousser en espérant avoir un déclic mais ça n'a pas été le cas, je ne sais toujours pas ce que je veux faire plus tard.
— Ne te mets pas la pression, ça viendra. Les classes sans filières sont faites pour ça. Ça va te laisser une année supplémentaire pour y penser.
Mon portable se met à vibrer sur la table.
"Carrément ! Je finis de manger et j'arrive !"
Super, je n'avais vraiment pas envie d'y réfléchir toute seule et encore moins avec mes parents. Ils auraient passé des heures à me raconter leurs souvenirs dans leurs propres académies.
— Merci papa, je t'aime, dis-je en l'embrassant sur la joue.
Je dépose ma vaisselle dans l'évier et monte prendre une douche, ça devrait me réveiller.
Les yeux fermés et l'eau chaude coulant sur mon visage, je repense à mon rêve. Je me pose tellement de questions. Pourquoi toujours le même ? Pourquoi depuis mon anniversaire ? Que signifie "Lunya" ? Pourquoi la voix qui murmure me semble si angoissante et si apaisante à la fois ? Ça me prend tellement la tête et surtout, ça me fait passer de très mauvaises nuits.
Une voix provenant du couloir me ramène à la réalité.
— Nilah ? T'es là ?
— Juliette ? Tu es déjà arrivée ? Je sors de la douche et j'arrive.
Je finis de me rincer, me sèche et m'habille en vitesse. Puis je rejoins mon amie dans ma chambre, assise sur mon lit, en train de feuilleter les brochures que j'avais posées là.
— Il y en a pas mal dis donc, dit-elle en relevant la tête vers moi.
— Je sais, à croire que ma mère a pris les brochures de toutes les académies du royaume.
— Peut-être, va savoir, ricane-t-elle.
Je me dirige vers la fenêtre et y pose mon épaule pour regarder dehors. Pendant que j'observe au loin, Juliette énumère les noms des écoles et leurs villes.
— Académie Fandra, à Lopenia ... Académie Tridiel, à Obelyn ...
Je continue à admirer la vue tout en l'écoutant. En baissant alors mon regard, j'aperçois quelqu'un, là, debout dans la cours. Il me tourne le dos, je ne vois pas son visage et il est habillé tout en noir. Flippant. Que fait-il planté là, chez moi ?
Je m'apprête à ouvrir ma fenêtre pour lui demander de partir quand je m'arrête net en entendant la dernière phrase de mon amie.
Je me tourne vers elle, un peu sonnée.
— Qu'est-ce que tu viens de dire ?
— Académie Isla, à Lunya. Qu'est-ce que tu as ? Tu es toute pâle.
Sa réponse me fait l'effet d'une douche froide. Lunya, ce mot qui hante mes rêves depuis des mois, est en fait le nom d'une ville. Comment est-ce possible ? Je doute que ce soit une coïncidence.
Je jette un coup d'œil à l'extérieur. Personne. L'homme a disparu. Mais qu'est-ce qu'il se passe ?
— Nilah, tu es sûre que ça va ?
Je viens m'asseoir à côté d'elle et décide de tout lui raconter. Mon rêve qui revient sans cesse, les murmures, le seul mot audible : Lunya.
— Pourquoi tu ne m'en parles que maintenant ?
— Parce que jusqu'à aujourd'hui ça n'avait aucun sens. Mais maintenant ...
— Maintenant c'est différent ...
— C'est peut-être un signe, peut-être que ça veut dire que je suis censée me rendre dans cette ville ?
— Les rêves qui se répètent pendant des mois, ça n'a rien de naturel. Ce n'est pas une coïncidence si ce nom t'es donné encore et encore. Mais ça ne veut pas dire que c'est forcément une bonne chose.
— Tu penses que ça pourrait être une mise en garde ? Comme pour me prévenir de ne jamais mettre les pieds là-bas ?
— Peut-être, répond-elle en lisant la brochure.
— Qu'est-ce que ça dit ?
— C'est une bonne académie, une bonne réputation et de bons résultats. Grand terrain, mixité des étudiants. En fait, ça ne dit rien de spécial.
Les pensées se bousculent dans ma tête. Suis-je censée y aller ? Ou est-ce tout le contraire ?
— Ça ne me rassure pas ton histoire. Je ne le sens pas. Dommage que tu ne puisses pas venir dans la même école que moi.
— Tu as choisis une académie réservée aux séraphins, je ne suis qu'une humaine.
— Je sais bien, marmonne-t-elle.
— Je comprends, ne t'inquiète pas. C'est ton rêve depuis toute petite de rejoindre une école qui forme des séraphins guerriers. Tu veux entrer dans l'armée et combattre comme tes ancêtres du temps de la grande guerre.
— Aujourd'hui nous sommes en temps de paix mais si un jour une nouvelle guerre éclate, je serais prête, dit-elle avec des étoiles dans les yeux. Avec la chute, nous avons perdu notre longue vie pour une vie aussi courte qu'un mortel mais pas notre esprit combatif.
— Je t'envie. Moi, je ne sais toujours pas ce que je veux faire de ma vie. Je n'ai aucun objectif.
— Ne désespère pas, tu n'es pas la seule dans ce cas là, rassure-toi.
Je sais qu'elle a raison et que ce n'est pas si dramatique. Maintenant que j'y pense, j'ai peut-être justement trouvé un but. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que ce n'est pas un hasard. Peut-être que c'est justement là-bas que j'aurais une révélation. De toute façon, qu'est-ce que je peux bien faire d'autre ?
Je me lève et avance jusqu'à ma fenêtre.
— Aujourd'hui, j'ai littéralement un rêve à poursuivre moi aussi, dis-je en regardant le ciel.
Je me retourne vers Juliette, sûre de moi.
— C'est décidé ! Je vais à Lunya. J'intègre l'académie Isla.
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