La voyageuse avait décidé de fouiller la forêt de fond en comble pour trouver un abri, une vielle cabane de bucheron, une caverne inoccupée ou… un château en ruine ? La jeune fille se frotta les yeux, incrédule. Devant elle se tenait un croisement incongru entre une montagne et un château médiéval. De là où elle était, elle voyait une bouche gigantesque au fond de laquelle dansait quelques lueurs, un pic triangulaire percé d’ouvertures en hauteur.
La voyageuse resta un instant interloquée sous l’averse. Cet endroit n’était manifestement pas naturel et elle voyait même une source cristalline tomber d’une fenêtre. A travers une autre, il lui semblait avoir un aperçu d’un ciel étoilé. Son hésitation fut vite rincée par la douche froide qui continuait à lui tomber dessus. Entre une nuit sous les nuages ou la visite d’un lieu inconnu mais sec… Elle s’avança sans hésiter, pour une fois qu’une nuit à la belle étoile serait à l’intérieur.
Avançant avec précaution, elle tendait l’oreille pour percevoir le moindre son, anticiper les attaques potentielles. Le lieu était étrange et semblait inachevé. Elle pénétra lentement dans un couloir obscur, juste assez grand pour elle mais aux angles polis avec attention pour que la pierre étincelle sous les reflets de la lueur qui provenait de la fin du hall. Elle aurait sans doute dû être effrayée par le lieu dégageait une atmosphère de bienveillante, le sol était égalisé pour que les pas soient facilités et le bruit de l’eau qu’elle avait vu couler faisait une douce mélodie.
La voyageuse aurait pu demeurer ici pour la nuit mais sa curiosité la poussa à avancer jusqu’à la lueur qu’elle voyait au bout du couloir. Elle pénétra dans un silence respectueux dans une salle majestueuse. De loin en loin, une torche était plantée dans la paroi dont la lumière n’était pas naturelle. Il ne s’agissait pas de flammes mais d’un feu magique dont la couleur changeait régulièrement. Il n’y en avait pas assez pour illuminer tout l’espace mais la voyageuse pouvait voir par intermittence de hauts murs aux pierres travaillées. Des sculptures inachevées décoraient les parois, représentant pour la plupart des créatures ailées à la posture altière. D’autres piédestaux encore vides parsemaient l’espace pentagonal de cette salle.
La voyageuse fit le tour de la salle, plus curieuse qu’apeurée désormais. Il se dégageait de ce lieu incomplet une allure de majesté qui la rassurait. Ceux qui avaient construit cet endroit ne pouvait pas être mauvais. Elle se servit de son propre matériel et planta quelques torches supplémentaires, qui paraissaient bien ternes par rapport aux lumières magiques mais faisait l’ouvrage attendu. Devant la lumière plus vive, elle se rendit compte que la paroi était constellée de pierres précieuses. Un instant tentée d’en voler une, elle se détourna rapidement. Elles paraissaient fondues dans la paroi, comme incrustées par un feu plus brûlant que le soleil.
Elle s’installa dans un coin, roulée en boule dans sa couverture pour passer la nuit, au pied d’un bloc de pierre géant au milieu de la salle dont ne sortait pour le moment que deux ailes écailleuses finement ouvragées. Elle épousseta un peu le sol encore couvert de débris de pierre pour s’allonger confortablement et ferma les yeux.
Au matin, elle fut réveillée par un rayon de soleil qui lui chatouilla la paupière. La lueur matinale éclairait la pièce depuis une haute ouverture qu’elle n’avait pas remarqué de nuit. La lumière magnifiait la salle, faisant irradier les murs et dévoilant trois escaliers au nord, ouest et est. La voyageuse rassembla ses affaires et se préparait à repartir. Après tout, elle ne connaissait pas ceux qui avait construit ce lieu surprenant et ne savait rien de leurs intentions… Tout en se disant cela, elle se dirigeait vers l’escalier principal, dont les marches étaient curieusement larges pour ses pieds. La petite fouineuse ne put résister à l’envie de chercher plus avant ce que recelait ce lieu incroyable.
Elle grimpa jusqu’à l’étage et ausculta les lieux. En face de lui, une pièce gigantesque avec des rayonnages montant jusqu’au plafond. Si pour le moment, ils étaient vides, la voyageuse pouvait presque sentir l’odeur du papier et de l’encre. Comme un flash de ce qu’il allait advenir de cette pièce, elle voyait presque les rayonnages se remplir, des parchemins recouvrir les murs vides et des formes aériennes parcourir l’espace environnant.
Elle fit quelques pas de recul, estomaquée par ce qu’elle voyait et ce qu’elle pensait avoir vu. Elle avait encore deux autres pièces à visiter mais si elles recelaient de telles splendeurs… De plus, de nombreuses excavations prenaient naissance sur la mezzanine et seraient probablement des couloirs sous peu.
Elle ne put s’en empêcher et se dirigea vers sa droite. Si elle ne faisait pas erreur, c’était de là que sortait cette source qui l’avait tellement intriguée la veille. Elle avait hâte de voir l’origine d’une eau qui semblait si pure et chantait si gaiement. De toute façon, il lui fallait remplir sa gourde… Lorsqu’elle entra dans la pièce, elle avait beau s’attendre à un spectacle formidable, elle fut stupéfaite et resta immobile quelques secondes. Si le reste du bâtiment semblait inachevé, cette pièce paraissait complète. La lueur de l’aube baignait la salle d’une lumière féérique et réveillait toutes les plantes qui y vivaient.
La surface toute entière du sol et d’une bonne partie des murs était couverte de plantations diverses, de nombreuses fleurs dépliaient leurs pétales et l’œil de la voyageuse était attiré partout à la fois. D’une mousse vert clair, une source limpide naissait et courait au milieu de l’herbe avant de se jeter par la fenêtre. Sur la muraille, là où la végétation formait un cadre verdoyant, une fresque courait, représentant une foule de Flamiris, de toutes les formes et couleurs. On voyait même des dessins d’œufs ou de bébés dans un coin autour duquel poussaient des fleurs d’un blanc pur qui s’enroulaient autour des gravures.
La source creusait un bassin peu profond dans lequel la voyageuse trempa ses pieds avec délectation. Des nénuphars flottaient ici et là et ce qu’elle prit dans un premier temps pour des libellules voletaient tout autour. En regardant de plus près, elle vit qu’il s’agissait de minuscules dragons aux ailes translucides qui s’attelaient à polliniser toute cette verdure.
L’eau chantait agréablement, le soleil la berçait, aussi la jeune fille se rendormit-elle quelques heures.
Quand elle se réveilla de nouveau, elle avait faim et voulut aller chercher dans son sac de quoi se restaurer. Mais avant de redescendre, il restait une salle à visiter, une salle dans laquelle elle avait vu briller des étoiles… Elle poussa les battants de bois ouvragés et passa la tête. Elle fut un instant éblouie par les lumières et cligna des yeux pour percevoir plus précisément ce qu’il y avait autour d’elle. Incrédule, elle ne put qu’admirer les lieux. Le ciel entier semblait contenu au sein de cette salle, y compris une lune brillante devant laquelle passaient des nuages filandreux. La salle était gigantesque et pouvait accueillir toute une armée. La voyageuse émerveillée eut une vision de nombreux visiteurs, humains ou Flamiris batifolant ensemble sous la lumière pâle des étoiles.
Dans un coin de la pièce, elle fut attirée par un arbre décharné sur lequel brillaient des globes luminescents. Certains étaient opaques mais l’un brillait d’une lueur particulièrement forte. Hypnotisée, elle s’approcha. A l’intérieur de la boule des mots dansaient, des mots qu’elle put décrypter sans difficulté :
« Dans le Repère des Flamiris
Qui sera alors en construction
Une voyageuse égarée mais sans vice
Viendra découvrir sa vocation
Elle reviendra beaucoup plus tard
De la guilde elle sera le premier humain
Guidant les créatures dans l’espoir
De travailler ensemble main dans la main »
La voyageuse écarquilla les yeux. Cette prophétie parlait d’elle, sans aucun doute. Elle parcourut d’autres globes rapidement, lisant des promesses d’entraide, de grandeur et de noblesse et décida qu’elle en avait assez vu pour le moment. De toute façon, ce lieu n’était pas encore abouti, il manquait encore du travail et surtout ses habitants.
Mais la prophétie avait dit vrai, elle n’oublierait jamais ce lieu. Et quelques années plus tard, curieuse, n’ayant jamais pu oublier ce Repaire et ses richesses. Elle revint, bien des années plus tard, attirée là par son désir de voir la splendeur du lieu une fois terminé.
A suivre...
~~ Par Thiehf