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Messagepar New Mentali » 06 Juin 2020 21:23



Bonjour, bonsoir !

Ceux qui me connaissent un peu, beaucoup, à la folie, vous savez peut-être que j'ai un projet de bande-dessinée ? Eh ben j'écris beaucoup sur l'histoire de ce projet. Dans le désordre en plus ! Les passages peuvent également ne pas avoir été aboutis, ça m'arrive d'arrêter pour une autre idée.

En fait, j'ai la sale manie d'écrire plein de petits extraits dans un non-sens chronologique flagrant ! Parfois même, je réécris des versions différentes d'un même passage. Je vais donc faire preuve de l'aimable attention de les remettre dans l'ordre de l'histoire pour vous.

Sachez que j'ai un rythme d'écriture variable (j'ai pu écrire cinq-mille mots en une soirée comme deux en six mois). J'ai aussi tendance à ne pas me relire...

Ceci étant dit, j'espère que y'a pas de limite de caractère dans les posts, parce que j'ai des centaines de pages Word à poster... *pleurs d'avance car elle va devoir faire des tonnes de copié-collé*. J'ai fini de tout copié-collé ! Et la limite de caractères est agréable c'est cool *a l'habitude des 2000 caractères de Discord* ! ^^

Un détail qui a son importance aussi : j'écris pour moi. Ça ne veut pas dire que je refuserai d'écrire pour quelqu'un mais que j'ai très peu diffusé les textes qui vont suivre parce qu'ils n'ont pas la prétention de divertir un quelconque public. Ils m'aident à fixer mes idées et sans eux, je n'aurais pas su donner un sens à mon projet.

Autant, les critiques sur mon style d'écriture que j'ai tendance à dévaloriser ne m'intéressent pas tant que ça (mais si vous en avez, je ne vais pas cracher dessus). En revanche, celles sur l'histoire, les personnages et l'idée en elle-même m'intéressent au plus haut point.

Je crois avoir tout dit, je vais donc vous souhaiter une excellente journée, soirée, et tout ce que vous voulez !
Bonne lecture ~




Nouvelle carte du monde. La plupart des histoires se déroulent avec l'ancienne (que j'ai donc refaite).

Annexes pour les gens perdus dans ce vaste monde :
- Personnages
- Espèces
- Chronologie et histoire du Continent


Liste des textes du plus vieux aux plus récents :
- Chimères
- La bergère
- L'arrivée de Sua
- L'arrivée d'Ezer, 1er bout et 2ème parce trop long.
- Let's change the rules & Moi pas sans toi.
- L'arrivée d'Erortzen
- L'enfant
- L'histoire de Keta le fou.
- Le Second Œil
- Txiki, les débuts
- Hong Kong
- Nuit Noire début, la suite, ré la suite et pour finir.
- Let's start something.
- Un œuf de dragon
- La disparition d'Helin, 1er bout et 2eme parce que trop long.
- Je suis touché
- Ma chère Kaosa.
- Rencontre Kaosa / Ezer
- Stop it already premier bout et deuxième.
- Pigné's plans !
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Messagepar New Mentali » 06 Juin 2020 21:30

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Les rues sales et tristes s’étendaient à perte de vue. Peu de personne se promenait à cette heure, seules quelques femmes et des enfants. Les autres étaient à l’usine. Oux était une ville qui s’était beaucoup industrialisée. De nombreux paysans étaient arrivés avec leur famille dans l’espoir d’y faire fortune il y une dizaine d’années, sans qu’un nombre de bâtisses suffisant y soit construites. Face à cette crise, des milliers de petites maisons avaient poussé en peu de temps, peu solides et mal isolées.

Errant à la recherche de nourrir, Sua désespérait. Cela faisait plusieurs jours qu’il cherchait un travail, sans succès. Et quand bien même il en trouverait un, il serait mal payé et sans abri. Orphelin, il arrivait de la campagne lointaine, et avait utilisé ses dernières économies pour traverser la mer qui séparait le Continent de son île. Courbé par la fatigue, il déambulait misérablement. Ce n’était probablement une bonne idée de venir jusqu’ici. Comment s’en sortir ? Il y pensait encore et encore, sans trouver de réponses. Il ne demandait rien qu’un foyer et de quoi manger à sa faim.

Ses pas le menèrent à la limite de la ville. Il pouvait retourner à la campagne, plus propre, moins bruyante, mais aussi inconnue ici. Quel genre d’animaux sauvages vivait ici ? Trouverait-il un abri ? Y avait-il des plantes comestibles qu’il connaissait ? Il n’en savait rien. Alors, il fit volte-face et décida de trouver un abri pour la nuit. Un coin sombre et solitaire lui suffisait pourvu qu’il ne pleuve pas. Il détestait la pluie, les rues devenaient collantes et glissantes.

Le soir, les bars s’allumaient et dansaient des rires gras et tonitruants des travailleurs. C’était le seul moment où ils oubliaient un peu leurs soucis. D’autant plus que les caprins, l’espèce dominante à Oux, étaient réputés pour être de gros buveurs. Sua s’arrêta près d’une taverne. La nuit était froide, il aurait bien eu besoin d’un peu de chaleur, mais il n’avait pas un sou. On le jetterait dehors, alors il se contenta de la lumière jaune qui éclairait le trottoir. Cela réchauffant au moins le cœur, un peu.

________________________________________________________________________

Le lendemain matin, il se sentit mal. Il avait dormi à même le sol, sur des pavés durs et sales. Il se redressa, des douleurs dans tout le corps. Il se sentait faible. Depuis combien de temps n’avait-il rien avalé ? Sa gorge était sèche. Il se leva, s’appuyant au mur. Un vertige l’arrêta dans son élan. Et pourtant, il fallait avancer. Sinon, il allait y rester. Il se força à faire un pas, mais ses pattes le lâchèrent, il retomba sur les fesses, étourdis. La panique le gagna. Il allait mourir ici sur le pavé. Il ne pouvait s’y résigner, mais il n’avait même plus la force de se lever.

À qui tout cela était la faute ? À un pays ? Une nation ? Une poignée de dirigeants ? À lui-même ? Ou bien quelqu’un d’autres ? Qui avait oublié cet enfant ? Lui qui avait perdu ses parents lors de la Grande Famine, qui avait fait des centaines de kilomètres seul, qui l’avait oublié ? Le monde entier, probablement.

________________________________________________________________________

« Eh ! Réveille-toi ! Tu m’entends ? »

L’esprit vague, Sua regarda l’homme penché sur lui. Il ne parvenait pas à discerner son visage clairement, mais sa voix lui rappelait quelque chose de lointain. Peut-être hallucinait-il ? L’autre lui donna quelques tapes sur la joue. Sua grogna et écarta sa main. Un peu plus réveillé, il se redressa, courbaturé. Ils étaient dans une impasse sombre… l’homme le fixait avec attention. Il lui tendit alors une gourde, le caprin ne se fit pas prier.

« On s’est déjà vu ? demanda Sua d’une voix faible.
- Je ne pense pas, quel est ton nom ?
- Sua. Je viens du sud de Capri. Et vous ?
- Je m’appelle Zorigaitza. »

Sua sourit doucement. Cet homme, il l’avait déjà vu, il en était sûr. Lors de la Grande Famine, il dirigeait un groupe de soldats qui amenait de la nourriture et de quoi ensemencer les champs de nouveau. C’était un miracle qu’il soit là, devant lui, à ce moment précis.

« Tu as faim ? fit-il en sortant un morceau de pain de sa poche. »

Le jeune caprin accepta de bon cœur.

« Quel âge as-tu Sua ?
- Treize ans.
- Je t’en aurais donné moins. Tu as un travail ? De la famille ?
- Ni l’un ni l’autre. Je suis venu jusqu’ici tout seul pour essayer de m’en sortir.
- Depuis le sud de Capri ? Sacrée trotte… qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?
- Je ne sais pas.
- Je vois… »

Le regard de Zorigaitza se tourna vers un deuxième homme, cacher dans la pénombre. Son visage était couvert par un masque. Celui répondit par un haussement d’épaules.

« Mon collègue que tu vois là et moi-même, nous avons pour objectif de… comment dire ? Changer les lois de ce monde pour offrir à tous une chance de vivre. Dis comme ça, c’est un peu merveilleux, mais tu sais, c’est possible avec beaucoup de travail et de volonté. Je veux aider les personnes qui en ont besoin, leur permettre de vivre sans avoir faim, sous un toit, en paix. Peut-être que tu pourrais nous aider ?
- Je… j’aimerai… qu’est-ce que je peux faire ?
- Pour l’instant ? Reprendre des forces ! Tu peux te lever ? »

Zorigaitza tendit sa main au caprin et l’aida à se mettre sur ses pattes. Puis, l’homme qui était un garou, prit l’apparence d’un griffon. Son complice s’approcha, comprenant que c’était l’heure de rentrer. Il aida Sua à se hisser sur le dos de l’animal et s’installa derrière lui.

________________________________________________________________________

Le soir, le griffon se posa devant un bâtiment. Il laissa ses passagers descendre avant de reprendre forme humaine. Il s’étira, épuisé par ce long voyage.

« Bienvenue chez toi Sua, aujourd’hui et pour l’éternité à venir ! »

Nomnos jeta un regard rieur au meneur, n’en faisait-il pas un peu beaucoup ? Le nain poussa les portes de la bâtisse qui n’était autre que leur base secrète. Sua écarquilla les yeux : cela paraissait encore plus grand vu de l’intérieur ! Le caprin avança, impressionné. C’était carrément une auberge ! On pouvait réunir ici des dizaines de personnes sans se sentir à l’étroit. Et il n’avait vu que la première pièce : un grand hall parsemé de table ronde. Au fond, on pouvait voir un bar.

Une harpie sortit de derrière un rideau et s’approcha. Elle semblait pacifique mais Sua recula un peu. Il avait rarement pu observer ces humains à plumes. Ces derniers avaient la réputation d’être très rancunier et agressif. Zorigaitza s’avança vers elle et la salua.

« Tout s’est bien passé pendant notre absence ? »

L’oiseau hocha la tête et désigna le nouvel arrivant.

« Zizare, je te présente Sua, il nous rejoint. Sua, voici Zizare. »

Le caprin s’approcha timidement et tendit sa main à la harpie. Celle-ci la serra des deux doigts qui ornaient son aile. Sua se surprit à trouver ses plumes agréables au contact. Puis, le garou posa sa main sur l’épaule de l’adolescent.

« Viens, je vais te montrer ta chambre. »

Il conduisit Sua jusqu’à une pièce vide. Elle contenait deux lits, mais les deux étaient visiblement inutilisés. Une grande armoire et un bureau se dressaient là, ils paraissaient neufs. Au centre de la pièce, un tapis rouge couvrait le plancher. Tout ça avait du coûter une fortune… à vrai dire, le caprin n’avait jamais vu de si belle chambre et savoir qu’elle lui était destinée… il avait du mal à y croire. Incapable d’exprimer ses sentiments, il regarda Zorigaitza. Il se sentait misérable à côté tout ça, infiniment reconnaissant. Le meneur lui répondit d’un sourire, il n’avait pas à s’en faire.

« Je te montre la salle de bain ? Comme ça tu pourras prendre un bain, qu’est-ce que tu en penses ? En cherchant un peu, je pourrais peut-être te trouver des vêtements propres. »

Sua hocha la tête. Tant de générosité le laissait sans voix. Il en vint à douter que ce soit la réalité. Tandis que Zorigaitza le conduisait à la pièce suivante, il se pinça. Il ne se réveillait pas… ce n’était pas un rêve. Il avait toujours du mal à y croire. La minute d’après, il se retrouva seul dans la salle de bain. La pièce était grande. Avant de laisser, le garou lui avait montré d’où venait l’eau.

Le caprin s’arrêta devant un miroir. Il put constater ses cernes et sa maigreur, il faisait vraiment pitié… son haut était sale, déchiré. Comment en était-il arrivé là ? il ne voulait même pas le savoir. Ce qui comptait maintenant, c’était de tourner la page. Il entra dans le bac qui servait à récupérer l’eau usée et fit sa toilette. Il trouva ce moment agréable, d’autant plus qu’il n’était pas très propre à l’origine, couvert de terre et de saleté. Il mit un certain temps à décrotter son pelage et finalement, après s’être séché, il remarqua un vêtement posé sur le bord d’un lavabo. Il le prit, supposant que c’était pour lui, et l’enfila. C’était trop grand pour lui, mais peu lui importait dans les faits, c’était toujours mieux que sa nippe. Il prit cette dernière et la lava rapidement dans le lavabo. Il l’essora.

Cela fait, il se dirigea jusqu’à sa chambre. Il passa inévitablement par la grande pièce où ils étaient arrivés et remarqua que Nomnos disposait des assiettes. Une odeur alléchante flottait. Il se s’arrêta pas et rejoignit sa destination. Il referma doucement la porte derrière lui. Il étendit son haut sur la chaise devant le bureau et s’assit sur le lit le plus éloigné de l’entrée. Il ferma les yeux et inspira. L’air ambiant était chaleureux, accueillant. Il se sentait bien ici et pour la première fois depuis longtemps, un sentiment de quiétude le gagna.

« À table ! appela Nomnos depuis le hall. »

Sua se redressa et sortit de sa chambre. L’odeur appétissante du repas lui chatouilla les narines et fit gargouiller son ventre. Devant lui, Zorigaitza sortit également d’une pièce. Il sourit au caprin en le remarquant.

« C’est mon bureau, indiqua-t-il en désignant la porte par laquelle il venait de passer. Si tu me cherches, c’est probablement là que tu me trouveras. Sinon, désolé pour le t-shirt, je n’ai pas plus petit.
- Non, il est très bien, ne vous inquiétez pas…
- Tutoie-moi ! »

Le caprin hocha la tête et les deux rejoignirent les autres pour manger. Pour le plus grand plaisir de l’adolescent, le plat ne faisait pas que sentir bon, il était excellent. Pour lui qui qui s’était si longtemps contenté de restes et de plantes sauvages, c’était un repas rêvé. Nomnos et Zorigaitza sourirent en le voyant dévorer sa portion, ravis de voir un si bel appétit.
Puis, chacun débarrassa sa table, Zorigaitza fit la vaisselle, Nomnos l’essuya et la rangea. Sua les observa distraitement avant de regagner sa chambre. Il s’allongea sur son lit et plongea sans attendre dans un profond sommeil.

Voyant que l’adolescent n’était plus dans le coin, le garou regarda le nain.

« Qu’est-ce que tu en penses ?
- Il a l’air d’un bon gars. C’est trop tôt pour se prononcer mais je pense qu’il s’intègrera vite. Reste à voir ce qu’il sait faire.
- Il est jeune, il apprendra.
- Le t-shirt que tu as filé, c’est celui que ta grand-mère t’avait offert ?
- C’est possible, il est trop petit pour moi. Et pour, sans mentir, il ne m’allait pas du tout…
- On va dire que ta grand-mère avait un style particulier… »

________________________________________________________________________

Le lendemain matin, Sua se réveilla alors que le soleil éclairait déjà le ciel et la terre. Il balaya sa chambre du regard, se remémorant les événements du jour passé. Tout ça était bien vrai alors ? Il sourit, heureux. Il était le bienvenu au moins à un endroit sur ce misérable monde, il était si reconnaissant pour ça. Il pouvait enfin espérer manger à sa faim, avoir des compagnons, un chez soi.
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Messagepar New Mentali » 06 Juin 2020 23:42

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« Hegal, regarde ! Il y a un drôle de bâtiment en contrebas ! Viens, on va voir ! »

À peine il eut manifesté son envie, il dégringola de son perchoir rocheux. La montagne était son élément, il y avait grandi avec son frère et ses sœurs, crapahutant des journées entières. Aujourd’hui, il était loin de chez lui avec pour seule alliée Hegal. Celle-ci le suivit, déployant ses ailes pour se laisser porter par le vent jusqu’en bas. Là, elle fit face à son frère :

« Non, ça ne m’inspire pas ! Continuons d’avancer !
- Pourquoi ? On a du temps devant nous. Moi, il m’intrigue ce bâtiment.
- Pas moi, Ezer. Tu ne le vois pas, mais il est entouré d’une barrière magique, ça veut dire qu’il ne faut pas s’y rendre.
- Mais ça veut aussi dire qu’il y a sûrement des trucs cool à voir dedans !
- Tu n’aimerais pas qu’on rentre chez toi par effraction, alors avançons !
- Chez moi, c’est tout le Continent ! clama l’enfant. »

La chimère grogna, contrariée. Elle ne pouvait même pas le contredire là-dessus. Ezer lui sourit et posa la main sur l’épaule de sa sœur. Celle-ci usa d’un sort pour les rendre invisibles. Le duo avança jusqu’à la fameuse barrière. Ezer tendit sa main devant lui, la magie se dissipa devant lui et ils purent passer.

La bâtisse paraissait encore plus grande de près. Sa base était en pierre, et le reste en bois. L’entrée était une grande double porte.

« Il y a du monde à l’intérieur, indiqua la chimère. Il y a une harpie, un caprin, un garou et un nain. »

Elle sentait leur magie. Comme beaucoup d’individus de son espèce, elle développait un don inné pour les sorts et la détection. Couplé à cela, elle avait onze ans d’entraînement dans le domaine, dont trois de voyage en compagnie de son frère l’inconscient. À chaque fois, il trouvait le moyen de les mettre dans des situations impossibles et sans la prudence naturelle de Hegal, il y serait sûrement passé plus d’une fois. Cependant, sous son air insouciant, Ezer réfléchissait, il connaissait les limites de la magie de l’animal et trouvait toujours le moyen de les sortir de leurs mauvais pas. Espérons que ce soit vrai aujourd’hui encore.

Les deux firent le tour du bâtiment. Ezer repéra alors une seconde entrée, une simple porte. Il appuya sur la poignée précautionneusement de sa main libre. Pas de grincement. Il ouvrit doucement et ils purent se glisser à l’intérieur. C’était une pièce sombre, visiblement inutilisée. L’enfant referma la porte derrière eux et ouvrit la suivante, toujours silencieuse. Ils se retrouvèrent dans un couloir plus lumineux, face à un escalier descendant. Ils pouvaient soit tourner à gauche, là où les voix des trois occupaient s’élevaient, ou bien tout droit.

Ezer choisit ce qui lui semblait le plus palpitant et les dirigea sur leur gauche. Rapidement, un immense pièce où plusieurs tables rondes se tenaient lui apparut. Il se risqua à jeter un œil. Les indications de Hegal étaient justes. Il s’arrêta un peu pour les écouter.

« Si on les coince par le Nord, on pourra libérer les prisonniers.
- On ne pourra jamais les retenir suffisamment longtemps, remarqua le nain.
- Sauf si on les drogue, sourit le garou. On n’aura qu’à trouver le garde-manger et glisser de la poudre dedans. Ça les couche et on est tranquilles pour s’enfuir.
- J’ai du mal à croire que ce sera si simple, on a quand même affaire à tout un gang de trafiquants… si c’était si facile de les mettre en déroute, d’autres l’auraient fait avant nous.
- Si ceux à qui cette tâche revient se donnaient la peine de lever le petit doigt, on n’en serait pas là mon cher. »

Ezer regarda sa sœur. À qui cette tâche incombe ? Que planifiaient-ils ? Elle ne répondit pas, ignorante. L’enfant décida de continuer sa route, n’écoutant la suite que d’une oreille. Il pénétra dans la pièce sous le regard inquiet de la chimère. Les deux passèrent derrière le bar qui étaient devant eux. Ezer repéra une cheminée ainsi que la grande porte qu’ils avaient vu de l’extérieur.

« Attention ! prévint Hegal par télépathie. »

Pour autant, Ezer se laissa surprendre par un tintement clair. Quelque chose tomba sur sa tête et il porta par reflexe ses deux mains à son crâne, mettant fin à son contact corporel avec la chimère et à l’effet de son sort d’invisibilité. Un verre passa dans son champ de vision et dans un second reflexe, il amortit sa chute avec son pied. Puis, il tourna la tête vers les quatre inconnus qui le fixaient. Il se baissa, caché par le bar. Ça ne faisait plus partie de son plan ça !

« Crétin ! »

Il esquissa un sourire désolé en entendant sa sœur l’insulter. Il posa son doigt sur ses lèvres puis leva son pouce à son attention. Silence, tout allait bien. Il n’avait plus qu’à improviser… il attrapa le verre devant lui, qui était fissuré. Il allait favoriser la fuite, même si au fond, tant qu’il s’en sortait, peu importait. Il se redressa, les mains levées au-dessus de sa tête. Le garou s’était approché, suivi de près par le caprin, qui se semblait pas plus vieux qu’Ezer. Ce dernier fit quelques pas de côté, et sortit de derrière le comptoir. S’il avait à combattre, il préférait avoir de la place…

« Qui es-tu ? entama l’autre garou, la main posée sur le manche de son sabre.
- Je m’appelle Ezer, voyageur solitaire. Vous vous demandez sûrement ce que je fais là… la vérité c’est que moi aussi je me demande comment j’en suis arrivé là. Du coup, je vous rends votre verre et je m’en vais ?
- Pas si vite, tu nous as entendu, n’est-ce-pas ?
- Vite fait, vous allez droguer des trafiquants pour faire une évasion. Le reste, j’ai pas trop compris, j’avoue…
- Alors je crois qu’on ne peut te laisser partir comme ça.
- Ah, c’est plutôt dommage. Je tiens pas trop à me battre, vous proposez quoi en échange de ma liberté ?
- Qu’est-ce que tu proposes ?
- Euh… j’ai deux cailloux dans ma poche ? Et en bonus, je vous rends votre verre ? Et puis comment vous avez su que j’étais là d’abord ? Ça faisait pas partie de mon plan…
- Quel plan ?
- Celui de jeter un coup d’œil à un mystérieux bâtiment en plein milieu de la montagne et de me vanter pour la décennie à venir que je suis trop discret.
- C’est plutôt raté.
- Pas la peine de retourner le couteau dans la plaie… vous n’avez même pas répondu à mes questions en plus…
- Tu peux garder tes cailloux, en revanche, je veux bien que nous laisse le verre. Quant à te repérer, disons que c’était un coup de chance.
- C’est la pire explication que je n’ai jamais entendue…
- Pour en revenir au vif du sujet, tu comprendras que je ne peux pas te laisser partir comme ça…
- Non, je ne comprends pas, mais admettons.
- … donc je te propose de rester là un peu et de nous aider à droguer ces fameux trafiquants.
- J’accepte. »

Il n’avait aucune idée d’où ça allait l’emmener. C’était la première fois qu’on lui proposait une énorme galère pour sortir d’une autre énorme galère. En revanche, il savait que c’était l’option qui lui offrait le plus de chance de s’enfuir.

Le garou sembla surpris qu’il accepte si vite sans en savoir plus. Derrière lui, il sentit le mécontentement de ses camarades d’inclure ainsi le premier venu dans une mission aussi dangereuse.

« Il va nous ralentir, protesta le nain, et puis on n’a pas des vivres extensibles.
- Je peux me nourrir tout seul, répliqua Ezer en posant le verre sur le comptoir du bar. Et puis, vous n’avez qu’à me laisser partir si je vous ralentis…
- Quand bien même, cette opération est trop dangereuse pour le premier venu. Je ne suis pas sûr que quelqu’un veuille avoir ta mort sur la conscience ici.
- Ne sachant pas ce qui m’attends, je ne peux rien renvoyer, remarqua l’enfant.
- Ça ira, coupa le garou. »

Ezer le regarda. Il semblait être le chef… et il devait avoir quelque chose derrière la tête. Il ne pouvait en être autrement. Le nain avait raison, le fait qu’il reste avec eux impactait la réussite de leur plan. Que savait-il qui le poussait ainsi à avoir confiance en lui ? Ils ne s’étaient jamais vus auparavant alors qu’est-ce qui le faisait croire que c’était une bonne chose qu’il les accompagne ?

« Sua, tu veux bien surveiller notre intrus le temps qu’il reste ici ? »

Le caprin hocha la tête et posa un regard sérieux Ezer, prenant très à cœur sa mission. L’enfant lui sourit. Il n’avait pas l’intention de le faire tourner en bourrique de trop, autant que tout se passe bien. S’il pouvait gagner leur confiance, ne serait-ce qu’un peu… ça pouvait toujours servir.

« Bien, finissons notre réunion. »

Tout le monde s’installa de nouveau autour de la table, et Ezer fut invité à rejoindre leur petite assemblée. Il écouta avec beaucoup d’attention ses futurs collègues, apprit au passage leurs noms. Nomnos, le nain, était très critique, au risque d’être un peu rabat-joie. Pour autant, Zorigaitza, le garou, répondait calmement à toutes ses questions et remarques. Tous les deux semblaient très proches et leurs échanges étaient concis et efficaces. Zizare, la harpie, ne pipait pas un mot, mais semblant écouter avec sérieux. Elle ne semblait pas aussi agressive que la moyenne de son espèce mais Ezer ne tenait pas à le vérifier non plus. Il avait connu quelques harpies et il savait pertinemment que ce n’était pas des personnes à énerver. Et pour finir, Sua, le jeune caprin. S’il participait peu, il semblait volontaire. Pas très imposant, même plutôt maigrichon, Ezer se dit qu’il n’avait pas beaucoup plus de chance que lui-même à apporter une quelconque aide à la réussite de la mission. Enfin, il ne fallait pas juger sur les apparences.

À l’issue de la réunion, chacun retourna vaquer à ses activités. Ezer regarda Sua, un sourire amical collé aux lèvres.

« Je suppose que je te suis ? En fait, j’ai pas prévu de te fausser compagnie, du coup si à un moment on peut aller chasser… enfin, c’est toi qui voit !
- Je comptais fendre du bois pour la cheminée… on peut essayer après.
- Il n’y a pas de temps à perdre alors ! »

Ezer se leva, enthousiaste. Il se dirigea vers la grande porte, Sua le suivit. L’enfant ne fut pas mécontent de retrouver l’air de la montagne et s’étira. Il ne s’en était pas si mal tiré, finalement. Le caprin le mena jusqu’à un tas de bois. Tandis que l’un prenait l’unique hache, l’autre s’assit pour l’observer. Il put constater que l’homme aux pattes de chèvre avait un peu de force malgré sa corpulence faible. Et puis, se lassant rapidement d’être ainsi passif, il se décida à filer un coup de main à son nouveau compagnon et rangea les morceaux fendus en un tas organisé.
Cela les emmena jusqu’à la tombée de la nuit. Sua passa son poignet sur son front, épuisé, et regarda Ezer. Celui-ci s’étira, toujours d’attaque. Seulement, il commençait à avoir faim. On ne le laissera jamais chasser de nuit… il balaya brièvement les alentours, des fois qu’il y ait des baies pas loin. Rien. Il n’avait plus qu’à patienter jusqu’au lendemain.

« Rentrons ! proposa Sua.
- Oui ! répondit Ezer sans joie. »

Il n’aimait pas trop être enfermé, ayant toujours vécu dans les grands espaces. En plus, il allait les regarder manger… la plaie ! Il rangea ses mains dans ses poches et les deux garçons rentrèrent. La table était mise, et une douce odeur flottait. Zorigaitza assis devant la cheminée, éteinte à cette saison, lisait un journal. Sua s’approcha, le meneur leva la tête vers lui.

« Je vais me laver, l’informa le caprin.
- D’accord, dépêche-toi, on va bientôt manger.
- Entendu. »

Zorigaitza posa son journal et fit signe à Ezer de prendre une chaise tandis que Sua s’éloignait. L’enfant s’exécuta sans broncher, mais s’assit à l’envers, les bras croisés sur le dossier.

« De quel coin viens-tu Ezer ?
- Des montagnes, à l’Ouest d’ici. Mais j’ai quitté la maison il y a trois ans pour voyager.
- Quel âge as-tu ? Je te trouve jeune pour réaliser ce genre de chose.
- J’en sais rien moi… dix, onze, douze ? Treize peut-être ?
- Tu ne sais pas ? s’étonna le meneur.
- Ben non, on compte pas chez moi, on se contente de vieillir. C’est déjà pas mal je trouve.
- Si tu le dis ! s’amusa l’homme.
- Et toi ? Tu viens d’où ? »

Il sembla surpris de la question. À vrai dire, son histoire était assez connue dans tout le Continent, alors il ne s’attendait plus à cette question.

« De Lurra, la capitale du royaume des garous. Je suis le fils aîné de l’empereur Guratza, mais j’ai été écarté du pouvoir.
- Hm… je crois que j’ai déjà entendu cette histoire. »

Ezer réfléchit… sa maman avait du en parler avec une autre chimère et il avait écouté la conversation. Zorigaitza avait fondé le Corbeau, un corps d’armée destiné uniquement à des missions exceptionnelles pour aider les personnes en danger. Les soldats étaient intervenus pendant la Grande Famine chez les caprins et pendant la Deuxième Guerre des Vents. Et puis, il s’est fait écarté du pouvoir. L’année suivante, il a alors programmé l’assassinat de conseillers royaux avec ses gars. Il a réussi mais dans sa fuite, ses hommes et lui se sont fait rattrapés. Très peu ont survécu. Sale histoire quand on y pensait.

« Sinon, reprit Ezer, j’ai toujours pas compris pourquoi je pouvais pas partir. Je sais que c’est pas très correct de rentrer chez les gens comme je l’ai fait… mais j’ai rien fait de mal ?
- Rien ne me dit que tu n’es pas un espion. Tu sais, je suis recherché, Nomnos aussi. Nous sommes des criminels. Je prends déjà beaucoup de risque en te laissant en vie.
- Je vois… et donc tu as des projets ? Pourquoi on va agresser des agresseurs ?
- Pour sauver leurs victimes.
- Et à plus long terme ?
- Changer les lois de ce triste monde. Si tu as voyagé, tu as du te rendre compte que la misère poussait un peu partout. Les gens méritent mieux que ça. Nos enfants méritent mieux que ça. Je ne peux pas faire grand-chose pour le moment, sinon aider les autres.
- Je comprends pas tout, mais je crois que j’ai l’idée.
- Et toi ? Tu as des projets ?
- Pas vraiment. Je suis parti de chez moi parce que tous mes frangins sont partis aussi et j’ai voyagé parce que j’avais nulle part où aller.
- Ils étaient plus vieux tes frangins ?
- Non. Je suis le plus vieux de nous quatre. Pas de beaucoup, puisqu’on est tous de la même année. J’ai un frère et deux sœurs.
- Pourquoi êtes-vous partis ?
- Parce que les enfants finissent par quitter le foyer familial et voler de leurs propres ailes, récita l’enfant.
- Mais vous aviez du temps… vous êtes jeunes.
- Ah oui, un détail qui a son importance : j’ai grandi dans une famille de chimères.
- Vraiment ? C’est étonnant, les chimères se laissent rarement approcher par les humains.
- Oui. On va dire qu’elles sont un peu… timides.
- À vrai dire, la seule chimère que j’ai déjà vue est Hene, la reine de chimère.
- Ça ne m’étonne pas ! sourit fièrement Ezer. C’était au Conseil, n’est-ce-pas ? Elle est balèze, hein ?
- Oui, c’était au Conseil. Je ne sais pas, elle n’a pas beaucoup parlé. Tu la connais ?
- Plus que tu ne le penses, sourit malicieusement l’enfant »

Sua reparut. Ezer se tourna vers lui, pas mécontent de le retrouver. Il aimait la compagnie de Zorigaitza, mais il posait trop de questions. Enfin, il supposait que c’était normal parce qu’il faisait connaissance…

« Je suis prêt, déclara le caprin.
- Moi aussi, fit Nomnos de la cuisine. »

Ainsi, tout le monde passa à table. Seul Ezer resta sur sa chaise, il détourna le regard. Il irait chasser demain… il n’était pas à un jour près.

« Ezer, tu viens ? appela Zorigaitza.
- J’ai dit que je pouvais me débrouiller tout seul ! répliqua l’intéressé.
- Je suis curieux de voir comment tu te débrouilles avec des couverts alors ! provoqua l’autre garou. »

Ezer lui jeta un regard agacé. Il savait se comporter comme quelqu’un de civiliser, au moins un peu ! Pas la peine d’insister ! Il posa sa tête sur ses bras, la mine boudeuse, fixant devant lui.

Zorigaitza fit une moue devant l’entêtement du garçon. Comment le convaincre ? La provocation n’avait pas fonctionné, l’autorité ne fonctionnerai sûrement pas non plus et de toute façon, il n’aimait pas en user.

Sua se leva et se plaça devant Ezer. Celui-ci leva les yeux vers lui, il n’irait pas.

« Ne reste pas tout seul, les repas sont meilleurs quand on les partage. »

Ezer s’apprêta à répliquer et finalement se résigna dans une mimique agacée. Le caprin avait de la peine pour lui et il se sentait coupable d’avoir passé autant de temps à fendre le bois. Ça se lisait sur son visage.

« D’accord, j’arrive… »

Un sourire éclaira le visage de Sua. Ezer détourna le regard, rangea ses mains dans ses poches et alla s’asseoir à table.

Le repas se déroula tranquillement. Ezer y laissa sa mauvaise humeur.

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Le soir, il se retrouva dans la même chambre que Sua, sur le second lit. Il n’avait pas l’habitude, il dormait contre Hegal en pleine nature d’ordinaire. Que faisait-elle en ce moment ? Était-elle dans le coin ? Il n’avait aucun moyen de le savoir à moins qu’elle ne manifeste d’elle-même sa présence.

« Pourquoi tu voyages ? demanda Sua pour engager la conversation.
- Parce que je n’ai que ça à faire. Et toi, pourquoi es-tu ici ?
- Pour aider Zorigaitza à accomplir son objectif ? Tu sais, je serai mort de faim s’il n’avait pas été là… et je pense que je n’étais pas le seul dans la misère, alors j’aimerai bien aider les autres…
- Oh, je vois. »

Les mots prononcés par Zorigaitza un peu plus tôt commençaient à prendre forme dans l’esprit de l’enfant. Lui, il n’avait jamais connu la faim ou le froid, sa famille l’en avait toujours protégé, que ce soit sa mère petit ou Hegal durant son voyage. Et puis, il connaissait suffisamment la nature pour s’en sortir sans trop de soucis.

« Et comment est-ce que tu es arrivé jusqu’ici ?
- Ben j’ai vu le bâtiment et ma curiosité a été la plus forte. Ni plus ni moins.
- Et comment tu la sens cette mission ?
- Comme la clef vers ma liberté ? Non franchement, j’ai jamais osé mettre les pieds dans la capitale parce qu’il paraît que c’est tous des tarés là-bas et la ville c’est pas mon kiff. Sinon, tranquille.
- À vrai dire, c’est ma première mission, alors je suis un peu nerveux.
- Ça fait combien de temps que tu es là ?
- Sept jours.
- Toujours plus que moi. Ça va bien se passer de toute façon. On va coller une dérouillé à quelques gars et se tirer. C’était bien ça le plan ?
- Heu… plus ou moins…
- Facile alors. »

Ezer était confiant, il s’en sortait toujours. Et comme il faisait nuit, ils allèrent se coucher. Sua ne perdit pas de temps à s’endormir, mais le garçon aux cheveux sombres restait éveillé. Il finit par se lever, incapable de trouver le sommeil. Il pensait à sa sœur. Était-il possible que quelqu’un ait repéré sa présence ? Si lui l’avait été, c’était probable.

Il ouvrit la fenêtre et s’assit sur le rebord pour regarder le ciel. Il commença à chantonner un mélodie qu’il avait souvent entendu dans son enfance. Les chimères chantaient beaucoup, des notes étranges, tristes à vous fendre le cœur, lourdes de sens. Difficile de les déchiffrer mais à force de les observer, l’enfant avait commencé à saisir la signification de toutes ces sons.

« On n’arrive pas à dormir seul ? se moqua une voix sortit de nulle part.
- Non… »

Un pelage chaud vint se frotter à la main d’Ezer, invisible. Il le caressa, rassuré de cette présence.

« Je ne reviendrai pas sur les choix que tu as fait aujourd’hui, mais sache que je ne te suivrai pas dans les souterrains de Lurra.
- Entendu. »

La chimère attrapa son frère par le vêtement et le souleva. Elle s'installa sur le tapis et coucha le petit humain contre elle. Elle aussi, elle dormait mal sans lui, mais ce soir elle veillait.

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Le surlendemain, ils arrivèrent à Lurra, lieu de la mission. Celle-ci, capitale du royaume des garous, était connue pour ses immenses souterrains. De nombreux garous vivaient dans ces anciennes mines dont les galeries avaient pour la plupart été renforcées avec des pierres et du mortier. Cependant, de nombreuses cavités demeuraient inexplorées ou inutilisées et étaient parfaites pour cacher des criminels. Bref, ce petit monde caché sous la ville se surnommait « Le labyrinthe de Lurra ».

« Je rappelle qu’on commence par repérer les lieux, on n’agira que ce soir. »

Zorigaitza regarda ses recrues, confiant, devant une des entrées du souterrain. Ezer fixait le tunnel qui s’effonçait, éclairé juste assez pour qu’on y voit où mettre les pieds. Un courant d’air chaud, étouffant en sortait et il n’aimait pas ça. Il comprenait mieux pourquoi Hegal ne souhaitait pas s’y rendre. La chimère ne se tenait pourtant pas loin, nerveuse. Qu’allait-il arriver à son frère ? Loin d’être sereine, elle allait attendre son retour.

Sua ne semblait pas calme non plus et se balançait d’une patte à l’autre. C’était sa toute première mission, il ne pouvait se permettre d’échouer. Pour lui, c’était sa manière de rendre à Zorigaitza tout ce qu’il lui avait offert. Cela lui tenait à cœur.

Nomnos affichait une mine sérieuse. Il avait pleinement conscience de ce qui les attendait et de ce qui pouvait les attendre si le plan ne se passait pas comme prévu. Savoir que deux gamins les accompagnaient ne le réjouissait pas non plus, c’était dangereux pour eux, comme pour lui et Zorigaitza. Et surtout, il ne souhaitait pas avoir plus de morts sur la conscience.

Les quatre s’étaient divisés en deux groupes : Ezer et Zorigaitza étaient chargés de mettre la drogue dans la nourriture des trafiquants qui tenaient un grand repas le soir même et de les retenir, Sua er Nomnos devaient récupérer les clefs des cellules et procéder à l’évasion de prisonniers. Ils s’attaquaient à un gang qui attrapaient des femmes et les revendaient comme esclaves.

Sua, Zorigaitza et Nomnos dissimulèrent leurs visages sous des masques de différentes formes et couleurs.

Ils descendirent dans le souterrain. Ezer jeta un dernier regard vers l’extérieur, pourvu qu’il se sorte vite de là. Il était bien moins confiant maintenant qu’il était face à la réalité. En tête, Zorigaitza guidait avec assurance ses camarades à l’aide d’un plan. Ni dans ses gestes, ni dans son regard il n’y avait d’hésitation. L’enfant se demanda comment il faisait. L’air ici était lourd et oppressant. Rapidement, une odeur nauséabonde lui chatouilla les narines : un mélange d’excrément et de sueurs. Il retint un haut le cœur. Il resta silencieux en voyant que ses collègues ne bronchaient pas. Il s’encouragea en se disant que ce n’était qu’un mauvais moment à passer.

Le tunnel était vide, personne ne passait ici et pour cause, il devient très vite étroit. Le quatuor passa à la queue leu leu, Zorigaitza devant, Nomnos à l’arrière. Finalement, ils débouchèrent sur un nouveau couloir. Sans s’arrêter, le meneur tourna. Après ce qui sembla des heures à Ezer, ils s’arrêtèrent.

« Ce devrait être dans le coin, indiqua Zorigaitza. Normalement, il y a un marché aujourd’hui juste au-dessus. Sous nos pieds, il y a une salle notée comme l’endroit où ils entassent leurs victimes. La salle où ils se réuniront ce soir n’est pas très loin, il faudra donc veiller à ne pas faire trop de bruit en procédant à l’évasion. Aucune réserve pour la nourriture n’est indiquée, il va donc falloir la chercher.
- Par quel itinéraire on s’enfuit ? fit Nomnos.
- Il y a deux solutions : soit on revient sur nos pas, soit on utilise la grande allée qui va du marché à l’extérieur. C’est moins discret, mais le passage est moins étroit. Il ne devrait pas y avoir trop de monde à l’heure où nous allons agir. Je vais te laisser le plan.
- Et vous ? Comment allez-vous vous repérer ? »

Zorigaitza lui fit signe qu’il l’avait mémorisé et confia le papier à son compagnon.

« Je pense qu’il vaut mieux se séparer tout de suite, on sera plus efficace pour repérer. »

Et il en fut ainsi. Les deux groupes prirent des chemins différents. Ezer se retrouva à suivre Zorigaitza. Il traînait, ne se sentant vraiment pas bien. Il avait juste envie de vomir, l’odeur du lieu lui retournait les tripes. Il avait tellement l’habitude du grand air frais…

« Ça va aller ? demanda le leader en s’arrêtant.
- J’imagine… désolé.
- Il n’y a pas de mal. Trouvons rapidement leur réserve et posons-nous, tu veux ?
- D’accord. »

Les deux continuèrent leur route, côte à côte. Le meneur surveillait sa recrue du coin de l’œil, inquiet. Le gamin était vraiment pâle et son expression celle de la douleur. Cependant, ils ne pouvaient pas s’arrêter, ils devaient remplir leur mission sinon Nomnos et Sua seraient embêtés.

Après de longues heures à déambuler en long, en large et en travers, à éviter quelques personnes qui circulaient, ils finirent par trouver ce qu’ils cherchaient. C’était une pièce refroidie par des cristaux magiques située encore plus bas que les autres salles indiquées sur la carte. Zorigaitza saupoudra sa drogue dans les cruches de boissons.

Ils remontèrent dans les souterrains jusqu’à étendre le marché au-dessus de leurs têtes. Le meneur trouva une cavité peu profonde qui semblait inutilisée, elle n’avait pas été renforcée et jugea qu’ils pouvaient s’y arrêter sans trop de risque. Ezer se laissa glisser au sol, appuyé contre l’une des parois. Le contact du sol, plus frais, lui fit du bien, si bien qu’il finit couché sur le flanc, joue contre terre.

« Eh ! s’inquiéta Zorigaitza. Ça va ? »

Le brun s’accroupit devant l’enfant et posa sa main sur son épaule. L’autre répondit d’un grognement, il était toujours vivant.

« Tu veux de l’eau ? »

Ezer se redressa pour attraper la gourde que lui tendait l’autre garou. Il savoura la sensation du liquide qui coulait dans sa gorge bien que celui-ci ne soit plus très frais. Cela fait, il se recoucha, le dos contre la paroi du mur plus fraîche que l’air ambiant. Zorigaitza s’assit près de lui.

« Je suis désolé que tu aies tout ça à endurer.
- Me servira de leçon, marmonna l’enfant, le regard vague.
- Tu veux dormir un peu ? Il faudra être en forme pour ce soir… »

Ezer acquiesça d’un grognement. Il se sentait mal, son corps lui semblait lourd et brûlant, le sol était dur, pas sûr qu’il trouve le sommeil. Zorigaitza posa sa main sur son épaule pour le soutenir. Ce n’était pas grand-chose mais l’enfant se focalisa sur ce contact apaisant. Cela ne valait sa sœur, mais c’était mieux que d’être seul à crever dans son coin.

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Zorigaitza secoua doucement l’épaule d’Ezer : il fallait se réveiller. Ils allaient passer à l’action. L’enfant se redressa, encore endormi. Il s’étira, il se sentait un peu mieux mais son teint restait pâle.

« Nomnos et Sua vont bientôt passer à l’action, on doit surveiller que personne ne vienne les gêner. Dépêchons nous ! »

Les deux s’enfoncèrent de nouveau dans le souterrain, avec une prudence extrême. Des voix, des sons, indiquaient qu’ils n’étaient pas seuls. Mais au fur et à mesure qu’ils avançaient, les bruits se taisaient. La drogue devait commencer à faire effet. Ils se glissèrent jusqu’à la salle où le repas entre les trafiquants était censé se dérouler. Zorigaitza risqua un regard à l’intérieur. Les hommes qui s’y trouvaient étaient couchés au sol, les yeux clos. La drogue avait fonctionné. Pourvu que son effet dure.
Les minutes défilèrent, silencieuses, jusqu’à ce qu’on entende du bruit venant de l’endroit où était enfermée les femmes. Sua et Nomnos devaient être passés à l’action. Pour l’instant, tout se déroulait comme prévu.

Soudain, un sifflement fit sursauter Ezer. Un projectile frôla ses cheveux. Zorigaitza se baissa dans un reflex pour l’éviter.

« Alors c’est vous qui provoquez tant d’agitation ! ricana un homme derrière eux. Je vais me faire un plaisir de vous envoyer encore plus bas sous terre ! »

Le meneur dégaina son sabre devant les menaces de l’autre. Ezer recula un peu, les sens aux aguets. Il n’aimait pas du tout cette situation : ils étaient coincés entre la salle pleine de trafiquants endormis et un type qui voulait leur peau. Ce dernier renvoya une salve de projectiles magiques. L’enfant prit l’apparence d’une grosse panthère et bondit devant Zorigaitza. La magie se dissipa à son contact, rendant l’attaque de leur adversaire inutile.

Le meneur fit quelques pas sur le côté, sortant de l’ombre de la panthère et envoya à son tour quelques projectiles. L'autre les esquiva sans difficulté. Ezer reprit forme humaine, la taille de son animal étant contraignante dans les souterrains.

Leur adversaire leva une main. Du sol jaillit des chaînes qui s’enroulèrent autour des jambes de Zorigaitza. L'enfant recula, surpris. Il n’avait jamais croisé un tel sort auparavant et paniqué d’être le suivant, il fit encore quelques pas en arrière. Le garou brun se débattait, incapable de bouger ses jambes. L’acier résista à ses coups de sabre. L’autre en profita pour s’approcher, un sourire effrayant tiré jusqu’aux oreilles sur les lèvres.

« Si on m’avait dit qu’un jour j’aurais l’honneur de donner la mort à un membre de la famille impériale, se moqua-t-il.
- Je suis toujours vivant ! répliqua l’intéressé.
- Ne sois pas impatient ! Je vais d’abord m’occuper du nabot et ensuite de toi. Je suis sûr que me regarder le décapiter sera un spectacle dont tu te souviendras longtemps.
- Sans aucun doute. »

Zorigaitza tenta de nouveau de se libérer. L’autre ricana et s’avança vers l’enfant. Celui-ci resta figé, terrorisé par le sourire de l’homme. Il devait bouger, se défendre, mais ses muscles paralysés refusaient de répondre. Un profond désespoir le gagna. Il ne voulait pas mourir. Il refusait. Il voulut reculer, s’enfuir, mais il tomba sur les fesses. L’autre ricana, le toisant de toute sa hauteur.

« Ezer ! Bouge ! hurla Zorigaitza. »

L’enfant frissonna. Il sentit sa peur vibrer dans son ventre et dans un élan de désespoir, déchargea des éclairs. L’assaillant recula, surpris. La panthère-garou en profita pour se relever et reculer. Que faire ? Que faire ? La peur l’empêchait de réfléchir.

« Enfuis-toi ! ordonna encore le meneur. »

Ezer le regarda, la mine décomposée. Il ne pouvait pas faire ça… il ne pouvait laisser Zorigaitza derrière lui… il devait d’abord le libérer.
Ce lapse de temps suffit à leur agresseur pour s’approcher du gamin et lui asséner un coup de genou dans le ventre. Il se retrouva encore une fois au sol.

« Ezer ! »

Zorigaitza tenta d’envoyer son sabre sur l’homme mais une nouvelle chaîne jaillit du sol et bloqua son geste. L’autre lui jeta un regard de pitié. Le meneur serra les dents. Que pouvait-il faire ? Il avait beau se débattre, ses mouvements étaient complètement bloqués. Pourtant, il ne pouvait pas laisser Ezer seul. Il réfléchissait, prenant sur lui pour ne pas céder à l’urgence.

Le trafiquant donna un coup de pied dans les côtes du gamin. Celui-ci gémit de douleur. Au fond de lui, il sentit sa peur remonter de son ventre jusqu’à sa gorge. Il voulait crier, appeler au secours. Il voulait rejoindre Hegal dehors.

Un nouveau coup lui arracha un nouveau gémissement. Il allait mourir. Il allait mourir. Il refusait mais il allait mourir. Dans un dernier élan de lucidité, il inspira et hurla deux notes, les deux notes qui étaient le nom de sa sœur dans le chant des chimères. Sa voix résonna dans tout le souterrain, porter par la peur. Un coup de pied lui coupa rapidement le souffle, le réduisant au silence. Il toussa, un goût de sang remonta du fond de sa gorge.

Une main empoigna ses cheveux et le souleva. Mort de trouille et de douleur, Ezer se figea, les larmes aux yeux.

« Je peux savoir pourquoi tu gueules, morveux ? »

En guise de réponse, Ezer lui envoya un coup de jus. L’autre le lâcha, le laissant lourdement retomber sur le sol. L’enfant tenta de se relever, mais une vive douleur le coucha à terre, la respiration saccadée. Incapable de contrôler le flot de ses larmes, il se replia sur lui-même. Que faire ? Que faire ? Vivre. Il fallait faire confiance à Hegal. Il fallait tenir…

L’homme revint à la charge, agacé de l’entêtement du gamin. Il lui donna un coup de plus, lui arracha un cri de douleur.

Incapable de quitter le spectacle des yeux, Zorigaitza tirait sur ses chaînes, incapables de les briser. À chaque tentative, l’acier se resserrait un peu plus autour de ses membres. Il ne pouvait pas laisser Ezer dans cette situation… c’était lui qui l’avait entraîné là-dedans en plus ! Hors de question de le laisser mourir ! Mais que faire ?

L’homme lui donna quelques coups de plus avant de décider qu’il était temps de l’achever. Il sortit un poignard de sa ceinture. À peine cela fait, une masse invisible le projeta contre un mur si fort qu’il en fut assommé. Puis, celle-ci se précipita sur le corps couché à terre.

« Ezer ! Ezer ! Tu m’entends ?! résonna une voix morte d’inquiétude. »

Pour seule réponse, la main de l’enfant se dressa et s’accrocha à la crinière de la chimère. Celle-ci, si soulagée d’être arrivée à temps mais si inquiète de l’état de son frère, ne put retenir ses larmes. Des tremblements parcoururent son pelage, son pelage hérissé. Elle serra les crocs et inspira profondément. Elle devait rester lucide. Elle devait les sortir de là. Son regard se posa sur Zorigaitza, toujours prisonnier. Lui ne la voyait pas, son sort d’invisibilité l’en empêchait. Elle s’approcha doucement et effleura de son museau la main libre du meneur. Celui-ci se figea. Avec douceur, elle glissa ses crocs jusqu’à la chaîne qui retenait son bras prisonnier. Elle se plaça à bonne distance de la peau de l’humain et fit fondre l’acier grâce à sa magie. Elle répéta l’opération jusqu’à le libérer. Il se laissa tomber au sol, tâtant ses bras et ses jambes meurtries par l’étreinte. Il se sentait vidé. La chimère ne le laissa pas se reposer. Elle attrapa sa manche et le tira vers elle. Il n’opposa pas beaucoup de résistance. Elle guida ses mains jusqu’à son pelage et lui donna un coup de museau dans le dos, lui signifiant qu’il pouvait monter. Il s’exécuta malgré ses membres qui le faisaient souffrir.

Puis, l’animal se coucha près de son frère. Zorigaitza put le charger sur le dos de la chimère. Celle fait, celle-ci revint sur ses pas.

Quelques instants plus tard, les trois furent sous la voûte céleste. La fraîcheur nocturne était agréable.

« Je vais attendre Nomnos et Sua, indiqua Zorigaitza en se laissant glisser à terre. »

Sa voix avait perdu sa confiance pour de la fatigue. Hegal gronda. Il ne ferait jamais le trajet dans l’état où il était avec le nain et le caprin sur le dos d’ici à leur base. Et elle ne pouvait pas le laisser seul, et si on le retrouvait ? Il n’aurait plus la force de se défendre !

« Rentrons ! Tu enverras Zizare les chercher en arrivant ! lui indiqua la chimère.
- Ils vont s’inquiéter de ne pas nous voir.
- Laisse-leur un mot si tu veux mais partons ! »

Zorigaitza rédigea un bref message, n’ayant plus la force de contredire qui que ce soit. Hegal l’aida à remonter et s’envola.

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Ils arrivèrent à destination un peu avant l’aube. Zorigaitza se laissa lourdement glisser au sol. Le trajet n’avait pas été de tout repos, il avait dû tenir son équilibre pour lui et pour Ezer qui était inconscient.

« Zizare ! appela-t-il inquiet pour ses deux camarades laissés derrière. »

La harpie ne tarda pas à apparaître et, en voyant ses compagnons blessés, s’approcha pour les aider.

« Zizare, Nomnos et Sua sont restés là-bas, il faut aller les chercher. »

Elle lui lança un regard contrarié : elle n’aimait pas le savoir blessé et seul. Pourtant, elle obtempéra, il savait ce qu’il faisait après tout, c’était lui le chef. Elle déploya ses ailes et disparut dans la lueur naissante du jour.
Puis, Hegal traina les deux blessés, l’un sur son dos, l’autre accroché à sa fourrure, jusqu’à la chambre de son frère. Elle fit glisser ce dernier sur son lit. Zorigaitza s’assit sur le bord, la chimère put constater des traces de sang sur ses manches et ses pattes de pantalon. Il n’avait pas été raté non plus apparemment. Le meneur retira le châle d’Ezer ainsi que son haut. Des hématomes violacés tachetaient sa peau. Le garou brun fit une grimace, plus qu’à espérer que ce n’était que ça et qu’il n’avait rien de casser. Il se sentait coupable de ce qui était arrivé.

« Je vais chercher des bandages, déclara-t-il. »

A peine levé, il sentit des jambes se dérober sous son poids. Hegal s’y attendait, il était fatigué et avait perdu du sang, elle le retint grâce à sa longue queue de serpent.

« Joue pas au dur, tu n’es pas dans un bien meilleur état que lui, reprocha la chimère. »

Avec un calme qu’elle ne se soupçonnait pas, elle souleva et l’emmena jusqu’à sa chambre. Depuis ces deux derniers jours, elle avait eu le temps de faire plusieurs fois le tour des lieux, elle les connaissait bien à présent. Elle l’aida à s’asseoir sur le bord de son lit.

« Je vais chercher des bandages. Déshabille-toi en attendant, fit la chimère invisible. »

Et elle se rendit à l’infirmerie, qui n’était autre que la première pièce qu’elle et Ezer avait découvert en entrant quelques jours plus tôt. Elle ouvrit une armoire de ses crocs et attrapa quelques rouleaux de bandages. En fouillant un peu, elle trouva une fiole d’alcool destinée à la désinfection ainsi que du coton. Elle se figea quelques secondes en remarquant un miroir dans un coin de la pièce et finit par soupirer lourdement. Elle aussi était épuisée. L’inquiétude l’avait rongée jusqu’à la moelle, la peur des souterrains lui avait retourné l’estomac et le vol avec le poids des deux humains l’avait finie. Elle refoula les émotions qui remontaient en elle, sa tâche n’était pas finie. Elle devait rester stoïque et avancer.

Elle apporta ses trouvailles à Zorigaitza qui leva les yeux vers la porte en l’entendant approcher. Il avait confiance, mais côtoyer cet être invisible était une nouvelle expérience pour lui. Être incapable de déchiffrer ses gestes et de prévoir ses mouvements le jetait hors de sa zone de confort. Hegal lui tendit l’alcool et le coton.

« Je ne peux pas le faire moi-même, débrouille-toi avec ça. »

Les chaînes avait déchiré la peau du brun à force de se resserrer. Il n’avait rien arranger en ne cessant de se débattre. Il prit la fiole et commença à se soigner. Chaque contact entre ses plaies et le coton imbibé lui arrachait une grimace de douleur. Hegal qui le surveillait, en avait mal pour lui mais elle ne pouvait rien faire. Elle ne pouvait l’empêcher de souffrir. Elle se redressa et se hissa sur le lit de l’humain. Elle ne coucha contre son dos, ce n’était pas grand-chose mais c’était mieux que de se sentir seul avec ses blessures.

« Comment t’appelles-tu ?
- Hegal.
- Tu es une chimère, n’est-ce-pas ?
- Oui.
- Je vois… tu ne devrais pas t’occuper d’Ezer ?
- Il dort, il n’y a rien que je puisse faire de plus. Je n’ai pas la dextérité pour bander qui que ce soit. En revanche, si ma compagnie te dérange, je peux partir. Je ne serai pas vexée.
- Pas du tout, je disais cela parce que je peux attendre, je vais survivre.
- Finis de désinfecter, on en reparlera après. »

Zorigaitza termina ses bras et passa aux jambes.

« Je suis désolé, reprit Zorigaitza. »
- Je ne sais pas de quoi tu t’excuses mais je ne veux pas savoir.
- Tu dois m’en vouloir d’avoir traîner Ezer là-dedans.
- Ne me tente pas.
- En tout cas, merci de m’avoir aidé aussi.
- Garde tes politesses ou je te ramène là-bas.
- Entendu, s’amusa le garou. »

Il attrapa les bandages.

« C’est la première fois que je discute avec quelqu’un d’invisible, c’est spécial.
- Je ne vais pas me montrer, je vais te hanter dans ton sommeil.
- Je ne pense pas que tu sois si effrayante.
- Tu ne devrais pas parler sans savoir.
- Il ne faut pas se fier aux apparences, si ?
- C’est ton opinion.
- J’espère quand même te voir un jour.
- Je ne peux pas t’en empêcher, Zorigaitza.
- Tu es si sèche, sourit le meneur. C’est moi qui raconte trop de bêtises ou bien ?
- On est tous épuisés, Si la fatigue te rend bavard, ce n’est pas mon cas.
- Je vais me taire alors… on discutera plus tard, d’accord ?
- Si ça peut te faire plaisir. »

Hegal avait posé sa tête sur ses pattes, le regard mi-clos. Elle était bien, blottie entre le dos de Zorigaitza et le lit, elle ne pouvait le nier. Cependant, elle allait devoir bouger, l’autre avait presque fini. A part Ezer, elle n’avait jamais passé autant de temps aussi proche d’un humain. Le meneur était calme et dégageait des ondes positives, cela ne rebutait pas la chimère. Sa compagnie n’était pas désagréable et il était bien moins turbulent que pouvait l’être son frère.

« J’ai fini, je vais attendre le retour de Nomnos et Sua avant de dormir. »

La chimère se redressa et ramassa les bandages restants, l’alcool et le coton. Il était complétement frappé, Zizare ne reviendrait pas avant le zénith. Il avait largement le temps de se reposer.

« C’est ça, bonne nuit, répondit-elle.
- Merci. »

Hegal sortit, ferma la porte derrière elle et rejoignit son frère. Elle se pencha au-dessus de lui, son expression était détendue. La chimère lui donna un coup de museau affectueux avant de se coucher au pied du lit. Elle ne tarda pas à s’endormir.

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Nomnos, Sua et Zizare ne rentrèrent que dans l’après-midi. Hegal se redressa en les entendant, cela ne faisait que quelques dizaines de minutes qu’elle était éveillée. Elle constata que son frère n’avait pas bougé d’un pouce. Elle secoua sa crinière et s’étira de tout son long, n’ayant pas assez dormi. Elle entrouvrit la porte de la chambre et constata que Nomnos était déjà rendu dans le couloir. Il se tourna vers elle, sans la voir et se dit que ce n’était qu’un courant d’air. Il était bien plus préoccupé par l’état de Zorigaitza pour que ça l’ait poussé à rentrer sans les attendre. Il toqua à la porte de sa chambre. Hegal n’eut pas le courage d’intervenir et choisit de s’approcher pour mieux observer.

« Zorigaitza ? Je peux entrer ?
- Deux secondes ! répondit une voix visiblement encore endormie. »

Hegal ne put retenir un sourire moqueur, elle savait bien qu’il n’aurait pas pu tenir jusqu’à l’arrivée de ses camarades. Une quinzaine de secondes plus tard, le meneur, assis sur le bord de son lit, autorisa le nain à entrer. Il avait enfilé des habits longs pour cacher ses bandages et avait fait disparaitre ses habits ensanglantés de la veille. Cela amusa beaucoup la chimère, combien de temps avant que Nomnos se rende compte de quelque chose ?

« Tu vas bien ?
- Je suis vivant, désolé de vous avoir laissé derrière.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tu es blessé ?
- On s’est fait attaqué par un gars, il a failli nous mettre une sacrée dérouillée.
- Donc tu es blessé ? Montre-moi !
- Je m’en suis déjà occupé, ne t’inquiète pas. Je suis plus préoccupé pour Ezer.
- Arrête de chipoter, on perd du temps ! »

À contrecœur, le meneur dévoila ses bandages.

« Vous devez être fatigués, vous devriez vous reposez, tenta Zorigaitza.
- Tu me montreras quand tu changeras les bandages, d’ailleurs, il en reste ?
- Je ne sais pas, pourquoi ?
- Pas savoir si on doit en racheter.
- Et sinon, vous, ça s’est bien passé ?
- Sans accroc, tout le monde a pu s’enfuir.
- Génial ! »

Un sourire ravi se dessina sur les lèvres de Zorigaitza. C’était un succès ! Dans un élan d’enthousiasme, il se leva pour partager sa joie. Ils avaient réussi ! L’OEil du Corbeau avait accompli sa première succès avec brio ! Le nain et le garou se frappèrent dans les mains. Nomnos sourit, longtemps qu’il n’avait pas vu tant de bonheur sur le visage de son ami.

« On a réussi ! se réjouit encore le meneur. »

Sua passa dans le couloir, épuisé, mais entendre les deux adultes si joyeux lui arracha un sourire. Il s’étonna que la porte de la chambre soit ouverte et se dit qu’Ezer l’avait mal fermée. Hegal, en le voyant, se dépêcha de passer devant lui et de retourner auprès de son frère. Le caprin referma la porte derrière lui. Il s’intrigua de trouver des paquets de bandages sur le sol et une fiole. Il leva les yeux vers Ezer qui dormait toujours. Il n’osa pas le réveiller pour l’interroger et s’allongea sur son lit.

________________________________________________________________________

Ezer ne se réveilla qu’en fin d’après-midi. Il se sentait barbouillé, un peu patraque.

« Hegal ? appela-t-il d’un voix rauque.
- Je suis là. Ne bouge pas, d’accord ? Comment tu te sens ?
- Mal, j’irai bien vomir mes tripes. Je peux avoir de l’eau ?
- Je vais t’en chercher, pas de bêtises, d’accord ? »

Et elle détala jusqu’à la pièce principale, attrapa entre ses crocs un des verres posé sur les étagères, le remplit au robinet de la cuisine et refit le chemin en sens inverse. Elle confia le récipient à son frère et l’aida à se redresser, juste assez pour boire sans en mettre partout.

« Hegal… je… »

Il buta sur ses mots, les larmes lui montèrent. Hegal grimpa sur son lit et se coucha contre lui, le couvrant d’une aile. Ezer s’accrocha à sa crinière et y enfouit son visage.
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Messagepar New Mentali » 06 Juin 2020 23:46

« C’est fini maintenant, fit-elle, plus pour se rassurer que pour le consoler. »

Elle était fâchée qu’il les ait ainsi poussés dans leurs retranchement, mais elle était si soulagée de l’avoir près d'elle. Elle s’était tant inquiétée, elle avait eu si peur. Ses émotions la rattrapèrent et s’écoulèrent sur ses joues. Contre elle, Ezer tremblait comme une feuille morte, étouffant des reniflements.

Ils restèrent un moment l’un contre l’autre, jusqu’à ce quelqu’un toque doucement à la porte. Ezer essuya ses larmes d’un revers de drap. La porte s’entrouvrit silencieusement et la tête de Zorigaitza apparut. Il se tourna vers Sua, constata qu’il dormait, puis vers Ezer. Il lui sourit en le voyant éveillé et s’approcha. Il notifia les yeux rouges du garçon mais ne fit aucun commentaire.

« Comment tu te sens ? murmura le brun.
- Pas bien.
- Tu veux me faire voir ? »

Hegal sauta du lit pour laisser de la place, cela ne passa pas inaperçu. Zorigaitza comprit rapidement au mouvement des draps et au bruit des pattes de la chimère lorsqu’elle retomba au sol. Ezer fit descendre la couverture, dévoilant les hématomes sur son abdomen.

« Tu peux te redresser ou ça te fait mal ?
- Mal. J’ai envie de vomir.
- Je vois… je vais essayer de te trouver quelque chose.
- C’est grave ?
- Non, ne t’inquiète pas.
- Tu mens mal, bougonna l’enfant. »

Zorigaitza lui adressa un sourire désolé.

« Je ne suis pas médecin si ça peut te rassurer.
- C’est encore pire, remarqua Ezer.
- En effet… mais je vais quand même essayer de te trouver quelque chose. »

Ezer ne renchérit pas. Zorigaitza sortit de la pièce, Hegal le suivit silencieusement. Le meneur soupira. Il craignait que l’enfant ait une côte de cassée, mais que pouvait-il y faire à part attendre ? Il n’y avait rien pour apaiser la douleur ici en plus. Il s’en voulait, il était fautif, et surtout tellement impuissant.

« Zorigaitza, fit doucement la chimère, est-ce que tu connais un médecin ?
- Non, Hegal. Et je ne peux pas y aller à visage découvert, ça ne facilite pas la tâche.
- Je n’en connais pas non plus. Et même si c’était le cas, tu refuserais qu’il vienne jusqu’ici. Je peux emmener Ezer, mais j’ai peur que cela lui fasse plus de mal que de bien. La seule solution, c’est de le soigner nous-même.
- Oui, mais je n’ai rien ici…
- Je le sais. J’irai chercher ce qu’il faut. Je pense que vous saurez un minimum vous occuper de lui pendant mes absences.
- La grande ville la plus proche est Finz.
- Oui mais les harpies ne sont pas très douées pour ce genre de chose, j’irai plutôt à Koudre, ce n’est pas beaucoup plus loin et je pense que j’y aurai plus de chance de trouver.
- Je peux payer.
- Je ne dis pas non. C’est difficile de trouver des marchands qui troquent. Je vais essayer d’être rentrée demain, mais je peux traîner. Ne soyez pas inquiet si je prends un peu de temps.
- Entendu. »

________________________________________________________________________

Hegal arriva à Koudre le matin. C’était une ville partagée entre les fées et les elfes où la végétation était abondante. Ses recherches commencèrent par les quartiers commerciaux. Si Zorigaitza ne pouvaient y aller à visage découvert, elle, elle était carrément invisible. C’était encore plus dur pour trouver quelqu’un pour la conseiller dans ce qu’elle devait acheter. Au fond d’elle, elle savait pertinemment qu’elle devrait se montrer et elle était plutôt réticente.

Des toits, elle repéra une herboristerie. Elle s’y risqua malgré le nombre de clients qui étaient déjà là. Que des riches… après avoir patienté, la chimère accosta l’une des vendeuses, sans se rendre visible, de son habituelle télépathie. Celle-ci fut très surprise, mais Hegal lui expliqua avec calme son problème. La petite fée, non sans caractère, lui répondit tout net que si elle ne pouvait pas voir le patient, elle ne pouvait rien faire. D’autant plus qu’elle ne trouvait pas ça très poli de ne pas se présenter physiquement. Hegal la remercia tout de même et reprit ses recherches.

Elle tenta une deuxième herboristerie, où elle annula son sort d’invisibilité. Lorsque les clients n’étaient effrayés de l’apparence de la chimère, ils lui jetaient des regards méprisants. La gérante du commerce lui fit rapidement comprendre qu’elle n’était pas la bienvenue. Hegal disparut sans demander son reste. Elle dut faire une pause pour reprendre son souffle. Elle détestait être vue, elle détestait tous ces gens qui ne comprenaient pas le mal qu’il lui infligeait. Sa misérable confiance en elle-même s’amenuisait chaque fois un peu plus. Elle n’avait pas choisi cette apparence monstrueuse, difforme. Si Ezer n’était pas la raison de sa venue, elle aurait peut-être fait demi-tour, mais elle avait traversé la mer pour apporter un peu d’aide à son frère. Elle inspira, se remémorant les paroles de leur mère. Cette dernière n’avait cessé de leur répéter qu’il fallait se faire confiance et n’écouter que son cœur, pas les sarcasmes de quelques ignorants.

Ses recherches la menèrent à une troisième herboristerie où elle se présenta visible. Elle fut accueilli par un vendeur qui s’excusa pour les mêmes raisons que la première herboriste. Et Hegal continua sa tournée, essuyant échec sur échec, reproche sur reproche, insulte sur insulte. Elle se sentait comme un monstre échappé de son cirque…

Finalement, elle écuma toute la ville. La soirée approchait et elle décida de se percher sur un toit pour se reposer un peu, le moral au plus bas. Elle ne pouvait pas rentrer les pattes vides, mais que pouvait-elle faire de plus ?! Elle n’y connaissait rien, elle ne savait quoi prendre. Elle aurait pu voler si elle avait une idée de ce qu’elle cherchait ! Elle se sentait impuissante, elle n’était même pas fichue de trouver de quoi soigner son frère.

« Eh toi ! La chimère ! appela une voix en contrebas. »

Hegal dressa la tête. C’était une jeune phytopode qui lui faisait de grand geste du bras. Voyant qu’elle avait capté l’attention de l’animal, elle grimpa non sans mal sur le toit pour le rejoindre. Elle s’assit près de lui essoufflée, un gros sac à dos derrière elle. La chimère la fixait surprise. Les phytopodes étaient une espèce mi animale mi végétale qui était considéré comme inférieure. Tous, sans exception, étaient utilisés comme esclave, vendus comme des objets et traités comme du bétail. Si cette demoiselle était là maintenant, c’était que quelqu’un le lui avait ordonné.

« Je m’appelle Grimgrim, je travaille dans l’herboristerie de la rue inférieure. Enfin, je ne fais que le ménage et le rangement ! Mais je peux t’aider. Tu sais, des herbes et des onguents, j’en vois être distribués tous les jours alors je commence à repérer. Je me suis permise de t’écouter, mais c’est vrai que c’est difficile de juger sans avoir le patient sous le nez. Je me disais que peut-être tu pourrais m’emmener à lui pour que je le soigne ?
- Le problème c’est que je ne peux emmener personne là où il est et je veux pas le déplacer.
- Pourquoi tu ne peux pas ? C’est inaccessible ? Quelqu’un t’en empêche ?
- Quelqu’un m’en empêche.
- Mais toi la chimère, tu dois pouvoir me rendre invisible, non ? Je me ferai toute discrète ! Je ne te ferai même pas payer la commission plus chère !
- Quel est ton prix ?
- Ma liberté. »

Hegal cligna des yeux.

« Tu veux que je te rachète à tes propriétaires ?...
- Ne prend pas cette peine, je ne suis pas sûre qu’ils le méritent. Je ne veux pas d’argent, pas même qu’on offre un toit ou à manger, juste que l’espace d’un instant, on me regarde autrement que comme un être inférieur… toi et moi, qu’a-t-on de moins que les autres ? Sommes-nous moins fortes ? Moins compétentes ? Plus bêtes ? Alors pourquoi ces yeux méprisants ? Je n’en peux plus ! Tais-toi ! Travaille ! Tu manges trop ! Tâche ! Incapable ! Je ne veux plus les entendre ! Ce monde m’appartient autant qu’à eux ! »

Hegal resta silencieuse, troublée par tant d’énergie. La volonté de changer les choses de la petit phytopode vibrait, ses mots étaient vifs, ses yeux ardents. Ses paroles touchaient le cœur de la chimère abattue.

« Excuse-moi, je me suis emportée, fit-elle en voyant qu’elle avait laissé l’animal bouche bée. Mais je pense tout ça !
- Je… je ne promets pas de t’offrir tout ça… mais je peux au moins t’emmener loin de ton quotidien ici. »

Hegal se sentait coupable de ce qu’elle allait faire. Elle trahissait la confiance de Zorigaitza… mais si c’était sa seule solution, alors elle pourrait se dire qu’elle a fait de son mieux. Et si Grimgrim semblait animée de bonnes intentions, elle ne venait que de la rencontrer. Le pari était risqué, elle le savait. D’autant plus qu’elle n’était pas certaine de pouvoir duper tout le monde… Ezer avait été repéré lorsqu’ils se sont introduits la première fois.

« Comment est-ce que tu t’appelles ? demanda la phytopode.
- Hegal.
- Hegal, je ne sais pas où tu vas m’emmener, à qui nous aurons affaire, mais si ce sont des amis… je ne veux pas créer de conflits.
- Ce n’est pas ton problème ça, c’est le mien. Si tu es prête à partir alors je le suis aussi.
- Comme tu peux le voir, mon sac est déjà fait ! »

Le cœur grossit par les doutes, la chimère laissa la jeune inconnue grimper sur son dos. De tout son cœur, elle priait pour que cela se passe bien.

________________________________________________________________________

Les deux arrivèrent au milieu de la nuit. Le premier obstacle était la barrière magique qui entourait le bâtiment. Grimgrim s’émerveilla de sa présence au milieu de la montagne.

« Surtout, on doit rester en contact physique, sinon mon sort n’opérera plus.
- Compris ! »

Hegal fit le tour de la barrière et constata que celle-ci ne s’était pas reconstituée depuis le premier passage d’Ezer. Les deux s’engouffrèrent par cette brèche. La chimère les guida jusqu’au pied du lit de son frère après s’être assuré que tout le monde dormait. Elle donna de petits coups de museau au blessé pour le réveiller. Celui-ci ouvrit les yeux.

« Hegal ? murmura-t-il. Il fait encore nuit…
- J’ai ramené quelqu’un pour te soigner. »

Ezer avait beau avoir l’esprit encore endormi, il comprit immédiatement tout ce qui était sous-entendu. Si on les repérait, il allait surement passer un sacré quart d’heure.

« Heureusement qu’on court vite, s’amusa Ezer. »

Dans le pire des cas, il pouvait toujours espérer prendre la fuite… il n’avait plus qu’à faire confiance à Hegal. Il se dit que c’était pour toutes les fois où il l’avait entrainée dans des situations difficiles.

« Je m’appelle Grimgrim, murmura la phytopode.
- Ezer.
- Montre-moi. Je vais toucher, et tu me dis si ça fait mal, d’accord ?
- D’accord. »

L’enfant fit descendre la couette. Grimgrim sortit de son sac une luciole, une sorte de lampe qu’on alimentait avec sa magie et c’est ce qu’elle fit. De son côté, Hegal surveillait le sommeil de Sua. Eclairée par une faible lumière verdâtre, la phytopode tâta les côtes de l’enfant. Ce dernier lui indiquait son niveau de douleur par des « aïe » plus ou moins insistants.

« Tu manges ?
- Un peu.
- Tu as des nausées ?
- Envie de vomir.
- Pas de difficultés à respirer ?
- Non.
- Je pense que tu as une côte fracturée, je ne peux pas faire grand-chose sinon te dire de ne pas bouger. Je vais te mettre de la pommade pour tes hématomes. Pour tes envies de vomir, mange un coup et va dégueuler, c’est tout ce que je peux te conseiller. Je vais te filer un truc à mâcher en plus, c’est pour apaiser les douleurs. Evite d’en abuser, ça donne la chiasse si on en prend trop.
- Je crois que j’ai déjà suffisamment l’estomac en vrac comme ça… »

La phytopode passa à l’action. Elle se remémorait les centaines, les milliers de fois où elle avait vu ses « propriétaires » faire depuis qu’elle était petite. Parfois, elle les aidait lorsqu’ils avaient besoin d’une troisième main. Son savoir, elle l’avait acquis sur le tas, en observant.

Elle laissa à Ezer un pot contenant des billes de gomme à mâcher. C’était fait à base de plantes médicinales, un grand classique dans les herboristeries. On s’en servait à tord et à travers pour beaucoup de choses : ça calmait les douleurs. Elle lui laissa également ce qu’il restait de pommades.

« Tu en mets tous les soirs jusqu’à ce que ça ne fasse plus mal, compris ?
- Oui. »

Hegal prit la bourse que lui avait confié Zorigaitza pour ses achats et la tendit à Grimgrim.

« Je sais que tu n’en veux pas mais prends-en quand même une ou deux pour faire croire que j’ai acheté tout ça. Tu les planteras si tu veux après. »

La phytopode s’exécuta et fourra les pièces dans le fond de son sac.

« J’ai fini pour ce soir.
- Je te raccompagne. »

________________________________________________________________________

Le lendemain matin, Ezer se réveilla et constata que les boules de gomme étaient toujours sur sa table de chevet. Alors il n’avait pas rêvé, Hegal avait bel et bien ramené une inconnue ici. Sua n’était plus dans la chambre… il avait du se lever plus tôt que lui. Il soupira, il se sentait toujours un peu barbouillé, mais ça allait un peu mieux.

« Hegal ? appela-t-il. »

Personne ne lui répondit… il était seul. Le temps allait être long s’il n’avait même pas quelqu’un pour discuter. Enfin, la chimère devait être fatiguée, il ne pouvait lui en vouloir.

Il repensa à Grimgrim. La question n’était pas comment la cacher, ce à quoi sa sœur avait déjà dû répondre, mais plutôt que faire si quelqu’un se rendait compte de sa venue ou de sa présence ? Difficile de répondre avec certitude, tout dépend des circonstances. Il avait cependant la certitude que Zorigaitza et Nomnos seraient très en colère. De ce qu’il savait, ils voulaient absolument que ce lieu reste secret. Que pouvait-il négocier si jamais la situation dégénérait ? De toute évidence, leur mort était le moyen le plus sûr de garantir le silence mais ce n’était sûrement pas ce dont avait envie Zorigaitza et c’est probablement ce qui les sauverait.

Il existait une deuxième solution, mais ce n’était pas sûr qu’elle plaise à tous : de les intégrer tous les trois définitivement à la maisonnée et aux futures missions. Personnellement, c’est la solution qu’il préférerait. Il ne connaissait pas encore très bien ces nouveaux camarades, mais il aimait leurs valeurs, leur façon de penser. Peut-être que c’était la douleur qui le faisait déconner, après tout il avait bien failli y passer. Il en parlerait à Hegal avant de prendre des décisions, bien sûr. Il était certain qu’elle n’approuverait pas ce choix.

Et pour oublier un peu la douleur qui grondait au fond de son ventre, il chantonna un air, puis deux, puis plusieurs. Cela fit passer le temps si bien que Sua finit par le rejoindre.

« Salut, comment tu vas ?
- Comme quelqu’un cloué au lit, et toi ?
- Bien. Zorigaitza nous a dit que vous vous êtes faits secourus par une chimère. C’est inespéré, elles ne se montrent jamais !
- Elle s’est montrée parce que je l’ai appelée. Hegal est ma sœur, ce n’est pas si inespéré…
- Mais toi, tu es un garou… non ?
- Il parait mais j’ai vécu dans une famille de chimères.
- Oh je vois, elles t’ont recueilli. Elles sont gentilles ? Pour tout te dire, je n’ai jamais vu de chimères alors je suis curieux.
- Comme beaucoup de personne, s’amusa Ezer. Ça s’explique parce qu’elles se rendent invisibles, elles le font à cause de leur apparence. Je ne peux pas vraiment te les décrire, mais quand Hegal apparait devant les gens, soit ils s’enfuient, soit ils l’appellent « monstre », « hideux » ou « créatures du démon ». Personnellement, je trouve Hegal très belle !
- Oui, je suis sûr qu’elle n’est pas aussi repoussante que ce que les gens disent. Tu me la présenteras ?
- Je lui demanderai, elle est un peu timide tu sais ? Par contre, quand elle s’énerve, elle fait peur ! Heureusement, c’est pas souvent ! Ce qui la fâche, c’est quand elle doit faire des trucs qui ne lui plaisent pas à cause de moi, comme apparaitre devant des humains ou suivre mes plans pour sortir des problèmes que j’ai créé. En plus, ma sœur, elle est super courageuse ! Et elle sait plein de trucs ! Et elle connait plein de sorts ! Et surtout, elle est toujours là quand on a besoin d’elle !
- Tu l’aimes beaucoup, remarqua Sua un peu envieux.
- Bah, c’est ma sœur ! Et toi, tu as de la famille ?
- Pas vraiment… »

Sua détourna le regard, un peu gêné. Ezer le fixa de ses grands yeux jaunes, il croyait comprendre. Le caprin était orphelin. Il ne voulait sûrement pas en parler. Il aurait pourtant aimé l’interroger sur la raison de sa présence ici mais si c’était un sujet aussi difficile, il préférait ne pas faire de bourdes. Il s’apprêta à repartir sur un nouveau sujet, mais l’autre fut plus rapide.

« Du coup, quand tu seras guéri, tu repartiras ?
- C’est ce qui est convenu… et puis je ne veux pas vous embêter plus que ce n’est déjà le cas.
- Je vois, sourit tristement Sua.
- Peut-être que l’on se reverra ! »

Ezer ne s’attendait pas vraiment à cette réaction de la part de Sua. Ils ne se connaissaient pas depuis longtemps, n’avaient pas tant échangé que ça, alors il ne comprenait qu’à moitié la déception du caprin. Bien sûr, il l’appréciait, mais de là s’inquiéter d’un départ. Il avait croisé des centaines de personnes toutes plus gentilles les unes que les autres durant son voyage, Zorigaitza, Nomnos, Zizare et Sua n’étaient que le prolongement de cette liste.

« Je l’espère, répondit l’adolescent. »

Pour lui, Ezer était quelqu’un avec qui il se sentait à l’aise. Bien sûr, ils n’y avaient pas de raison fondée à cela, ils ne connaissaient peu, mais pour autant, il avait de l’affection pour lui. Cela faisait peu de temps qu’il était ici et s’il ne s’ennuyait pas, il se sentait un peu seul. Zorigaitza ou Nomnos lui étaient sympathiques, mais ils étaient adultes, il y avait une certaine distance entre eux. Le garou aux cheveux sombres avait son âge et il lui était amical, il aurait aimé s’en faire un camarade de jeu, un confident. Il avait été si souvent été seul, livré à lui-même dans sa misère, sans jamais quelqu’un pour partageait ce qu’il avait sur le cœur.

________________________________________________________________________

Quelques jours plus tard, Ezer allait mieux. Ses nausées étaient passées, ses hématomes le faisaient moins souffrir. Il se mouvait beaucoup plus, non sans une douleur pour lui rappeler de se tenir tranquille, mais il se levait. Cela lui permettait d’aller voir ce qui se passait dans la grande maison. Nomnos bricolait beaucoup, mais il n’aimait être observé alors Ezer le laissait. Zorigaitza passait chaque minutes où il n’avait pas une tâche à remplir à écrire. Il noircissait les pages avec beaucoup de sérieux. L’enfant ne savait pas ce qu’il écrivait, mais il était certain que cela comptait pour le meneur. De son côté, Zizare, lorsqu’elle ne vadrouillait pas, s’occupait du ménage, de ranger et le tout sans un mot. Et finalement, celui avec lequel le garou passait le plus long de son temps était Sua. Les deux passaient leur temps dehors, entre les roches et les sapins.

Mais ce qui avait le plus marqué la mémoire d’Ezer, c’était le repas qu’ils avaient fait pour fêter leur réussite. Ils avaient beaucoup rit, s’étaient racontés des histoires. Ils avaient attendus que l’enfant puisse se lever et marcher pour fêter ça, et cet esprit d’équipe l’avait touché. Ils s’entendaient tous bien, l’ambiance était détendue et chaleureuse. Le seul regret que le jeune garçon avait était l’absence d’Hegal. Celle-ci se faisait très discrète ces derniers jours.

Il se demandait également ce qu’était devenue Grimgrim. Etait-elle partie définitivement ? Elle avait dit qu’elle repasserait mais il n’avait pas de nouvelles. Est-ce qu’elle voyait toujours Hegal ? Il n’en savait rien. Chaque jour, il hésitait à en parler à Sua, à Zorigaitza, mais il craignait leur réaction. Il craignait la réaction d’Hegal aussi, elle se sentirait probablement trahie. Ce n’est pas ce qu’il voulait.

________________________________________________________________________

« Ezer, ça fait plus d’une semaine que tu es ici, commença Zorigaitza. »

L’enfant leva les yeux vers le meneur et pensa qu’il allait lui demander quand il partait. Il s’attendait à cette question à un moment, le voilà venu.

« Je sais que nous avions convenu que tu pourrais partir dès que notre opération serait finie, ce qui est le cas, mais que dirais-tu de rester parmi nous ? Je pense que tout le monde ici serait ravi de t’accueillir.
- Je vais y réfléchir. »

Il avait répondu avant que ses camarades autour de la table ne puissent réagir. Sa voix ne trahissait aucun empressement, calme et neutre. Cela surprit quelque peu Zorigaitza qui s’attendait à plus d’entrain. Il pouvait comprendre que sa première mission l’ait refroidi, mais après le temps qu’il avait passé à leur côté sans jamais émettre l’envie de partir, il était en droit de croire qu’il allait accepter.

Sua regarda Ezer non sans déception. Après quelques journées ensemble, ils s’entendaient bien. C’est même lui qui avait suggéré l’idée à Zorigaitza d’intégrer définitivement la panthère-garou à leur petite équipe. Il était certain que son amitié était réciproque et jusqu’ici il était convaincu qu’Ezer accepterait. Forcé de croire que pas forcément, il sentait un peu trahi.

Ezer prit garde de ne pas croiser de regards, finissant son repas silencieusement. Cette décision, il ne pouvait pas la prendre seul, et encore moins sans savoir ce qu’était devenue Hegal et Grimgrim. Au fond, il n’était pas réticent à l’idée de rester ici, même si les sorties lui faisaient un peu peur. Mais il fallait qu’il convainque sa sœur, il ne voulait être séparé d’elle. De plus, il avait besoin de plus de précision sur le contrat avant de l’accepter.

________________________________________________________________________

Dans l’après-midi, il repéra Zorigaitza en train d’écrire sur une table dans la grande salle, comme souvent. C’était sa chance, Sua n’était pas avec lui. Il s’approcha silencieusement et s’assit sans un mot en face du chef. Ce dernier leva les yeux dans sa direction et constata sur le visage d’Ezer que la discussion qu’ils allaient avoir était sérieuse.

« J’ai un tas de questions, commença l’enfant, certaines seront peut-être un peu maladroites alors je m’en excuse d’avance.
- Je t’écoute, répondit le brun.
- Nous avions déjà parler, mais… quels sont tes projets ?
- A long terme, je veux changer les lois pour protéger les plus faibles et offrir des chances équitables à chacun de s’épanouir. Je pense que les plus démunis ont autant le droit que les plus riches de vivre et de choisir leur avenir et celui du Continent. C’est pour cela que j’ai fondé l’Œil du Corbeau, l’organisation que je te demande de rejoindre. Nous ne sommes que quatre pour le moment mais j’espère grossir les effectifs. Actuellement, je n’ai pas le pouvoir de changer les lois et j’ai encore besoin de réflexion pour en écrire les détails, mais je ne veux pas me tourner les pouces en attendant alors que d’autres sont en train de mourir de faim, de froid, de l’insécurité ou de maladie. Je veux aider tous ces gens-là qui ont besoin de soutien et qui n’ont pas les moyens de se battre. C’est la mission de l’Œil du Corbeau.
- C’est si important que ça, les lois ? Je veux dire, je n’en ai jamais eu besoin alors c’est très abstrait…
- C’est très important si on veut tous vivre ensemble durablement. Cela fait presque soixante ans que les différents peuples du Continent ont émis la volonté d’une coopération commune. Pour entretenir cette flamme, il était important pour eux de fixer des règles communes : les lois. Sinon, chacun n’en fait qu’à sa tête, les puissants écrasent les faibles et plus aucune coopération n’est possible. C’était le cas avant qu’ils décident des lois, les guerres étaient courantes et cela faisait beaucoup de victimes. Aujourd’hui ces lois permettent une fragile paix encore les territoires et sont souvent transgressées. Le pouvoir actuel ne les applique pas suffisamment, il ne punit pas les bavures, et le tout alors qu’il a plus d’autorité qu’aux débuts du Conseil.
- Le Conseil ? C’est l’endroit où les dirigeants se rassemblent, n’est-ce-pas ? Maman répète souvent que ce n’est plus comme c’était. Elle déplore le manque d’écoute entre les chefs et l’oubli des objectifs de la création du Conseil.
- Elle n’a pas totalement tord. Je n’ai pas fait beaucoup de Conseil, et j’étais jeune, mais il est sûr que certains sont plus écoutés que d’autres et je ne pense pas que les chimères soient une espèce à qui on accorde beaucoup d’attention. A la base, le Conseil avait pour vocation de donner également la parole à chacun. C’est d’ailleurs écrit dans les lois. Je peux te demander qui est ta maman ?
- Hene ! répondit fièrement l’enfant. »

Zorigaitza resta une seconde silencieux durant laquelle il mesura l’immense chance qu’Ezer ne soit pas mort dans les souterrains. Il aurait été considéré comme responsable, parce qu’on manquait d’idées pour l’accuser, et avoir la reine des chimères elle-même sur le dos, non merci…

« Effectivement, elle sait de quoi elle parle… »

Ezer sourit, pas mécontent du petit effet que provoquait le nom de sa mère adoptive chez Zorigaitza. Cependant, il reprit rapidement son sérieux, il n’avait pas fini la discussion.

« En quoi ça m’engage de faire partie de l’Œil du Corbeau ? Quelles sont les contraintes ?
- A participer aux opérations de terrain et aux tâches de la base. L’emplacement du bâtiment doit rester secret, les activités qui s’y déroulent aussi. Je ne refuse pas les sorties si elles ne nous mettent pas en danger d’une quelconque manière, même si je préfère tout de même être prévenu au préalable. Ce qui risque cependant de se produire, c’est que l’on te considère comme un criminel…
- Pour quelle raison ? Aider son prochain n’est pas un crime à ma connaissance.
- Les raisons sont d’une part politique. Si moi, hors-la-loi, je commence à monter une organisation alors cette organisation ne va être légale, et à aucun moment, il n’est prévu de montrer patte blanche au pouvoir. S’il faut transgresser les lois pour sauver des gens, alors nous allons le faire.
- Je comprends. Une autre question : quel est lien entre l’Œil du Corbeau et ton objectif ? En quoi aider les plus pauvres mais t’aider à faire passer des lois ? Je veux dire, en toute logique, c’est plutôt des puissants que tu devrais essayer de bien te faire voir.
- J’ai été écarté du pouvoir, j’ai fait assassiné des conseillers impériaux avec l’aide de l’armée, je pense que c’est un peu tard pour se faire bien voir.
- C’est pas faux… je peux te demander les causes de ces deux événements ?
- J’ai été écarté du pouvoir sur décision de Guratza, influencé par quelques conseillers et Flumen, ma mère, qui préférait mon frère à moi. Ils ont mis en avant des problèmes de santé qui pour beaucoup ont été exagérés.
- Tu as des problèmes de santé ?
- Plus jeune, je me choppais toutes les maladies qui traînaient. Ça s’est arrangé avec le temps. Aujourd’hui, tout va bien, je te rassure. Ils ont fait dire aux médecins ce qu’ils voulaient entendre.
- Je vois.
- Quant aux meurtres de ces conseillers… par où commencer ? Tu sais peut-être que l’empereur est entouré de trente conseillers qu’il désigne lui-même. Je me suis penché sur leurs activités à l’époque. Sur les trente, vingt-huit détournaient l’argent du royaume pour leur propre compte. Ils s’en servaient surtout pour offrir des banquets et des orgies.
- C’est quoi des orgies ?
- Des fêtes pour les grands… c’est pas très sain. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils en profitaient beaucoup et pas pour le meilleur. Sur ces vingt-huit, deux dirigeaient des réseaux de prostitution, trois trafiquaient des esclaves, cinq vendaient illégalement des armes, et les vingt-huit en profitait impunément. Et après, on s’étonne de l’insécurité du Continent. Si tu veux mon avis, les premiers escrocs de ce monde, ce sont ceux qui en tirent les ficelles. Et ce n’est que quelques uns de leurs crimes. Tu dois savoir quelle peine attend ceux qui fautent ?
- La pendaison sur une place publique ?
- Exact. Le problème ce que les institutions de justice, ce sont également eux qui les contrôlent. Impossible de les faire condamner de manière conventionnelle. À ce moment, j’avais été déjà écarté. Je n’avais plus grand-chose à perdre alors j’ai moi-même organisé leur assassinat.
- Je vois. Merci de m’avoir expliqué.
- C’est normal de répondre de ses actes.
- Bien sûr, mais… ça n’a pas du toujours être facile. On n’a pas toujours envie de se justifier.
- Je suis prêt à assumer chacune de mes décisions, Ezer. »

Il repensa à Grimgrim. Il n’avait pas pris la décision mais dans son silence, il se sentait complice. Il avait beau rejeter la faute sur Hegal, il était aussi responsable de la situation.

« Ça ne va pas ? demanda Zorigaitza.
- Si, si, ça me faisait repenser à un vieux truc mais peu importe, mentit-il. Tu n’as pas fini de répondre à ma question.
- Exact. Je disais donc qu’ayant été écarté du pouvoir, impossible pour moi de toucher aux lois en magouillant avec le pouvoir actuel. Avec l’Œil du Corbeau, j’espère changer un peu les mentalités, peut-être même attirer le soutien de meneurs… c’est en quelques sortes la preuve que les valeurs que je défends peuvent être matérialisées. Mais, surtout, j’aimerai obtenir le soutien du peuple. Je ne peux pas passer ces lois moi-même, mais si j’arrive à prouver qu’elles valent le coup, alors quelqu’un les fera passer pour moi. »

Ezer demanda comment il pouvait être satisfait si ses textes étaient mis en place par un autre. C’était lui qui avait travailler dessus après tout…

« D’accord, je réfléchirai à tout ça, déclara Ezer.
- Je te fais confiance. »

Ezer manqua de lui répondre qu’il ne devrait pas, mais se contenta de descendre de sa chaise en silence. Il rejoignit l’extérieur. Il venait d’accumuler une somme d’informations assez impressionnante pour lui et il avait besoin de les trier. Il profita que personne ne soit dans le coin pour s’enfoncer dans les sapins. Un douleur le rattrapa assez vite et il ralentit le rythme jusqu’à s’asseoir sur la souche d’un arbre.

Il appela alors Hegal, des fois qu’elle soit dans le coin. Il avait besoin de lui parler, ils avaient besoin d’un plan, de prendre une décision. Ezer savait qu’il n’avait pas encore la possible de crapahuter comme bon lui semblait, sa côte ne lui autorisait que de marcher un peu. Au-delà de ça, la douleur était trop forte. En revanche, avec l’aide de la chimère, reprendre leur voyage n’était pas impossible.

Ils étaient libres.

Un pelage se frotta à Ezer. Il le caressa, ravi qu’elle ait répondu à son appel.

« On peut parler un peu ? demanda-t-il.
- Bien sûr.
- Comment va Grimgrim ?
- Bien, elle s’est abritée plus haut dans la montagne. Je pensais qu’elle pourrait te rendre visite cette nuit.
- Ce n’est pas utile, je vais mieux et je suis capable d’aller la voir maintenant, pour peu que tu m’y aides. En tout cas, si tout s’est passé selon tes prévisions, tout va bien.
- Je crois que personne n’a rien repéré.
- Dis… ils m’ont proposé de rester avec eux.
- Et ? C’est ce que tu veux ? Tu veux risquer ta peau toutes les semaines pour un groupe de criminel ?
- Ce n’est pas très attrayant dis comme ça…
- Ezer, je peux te dire quelque chose ? Tu ne vas probablement pas aimer.
- Dis-moi !
- Ce choix, fais-le seul. Le mien est fait, je ne resterai pas ici. Si tu souhaites t’engager là-dedans, je ne peux pas t’en empêcher.
- Je ne veux pas que nous soyons séparés.
- On est frère et sœur, ce n’est pas la distance qui va nous séparer. D’autant plus que tu sais comment m’appeler maintenant.
- Comment ça ?
- Tu sais chanter, non ? Tu connais les notes.
- Mais ça ne portera jamais assez loin.
- Attends, c’était inconscient lorsque tu m’as appelée dans les souterrains ?
- De quoi tu parles ? J’ai juste hurlé comme n’importe qui le ferait.
- Justement non, si tu avais simplement hurlé, je ne t’aurais jamais entendu. On était trop loin. Tu as utilisé ta magie pour que le son résonne jusqu’à moi, et probablement encore plus loin.
- J’ai fait ça moi ?
- Oui. Tu as utilisé la magie des chimères. A force de la voir à l’œuvre, tu as dû t’en imprégner et elle a du réagir à ta détresse. C’est la seule hypothèse que j’ai, mais en même temps, tu ne devrais pas être censé pouvoir l’utiliser. Je veux dire…
- Je vois ce que tu veux dire. Je ne suis pas une chimère. Est-ce que… tu pourras m’apprendre à maitriser ce pouvoir ?
- C’est difficile… c’est quelque chose de tellement naturel… mais nous nous éloignons de notre sujet.
- Si je reste… tu viendras quand même me voir ?
- Bien sûr. Ezer, on se connait mieux que quiconque, je dirais même plus, on ne se connait qu’à deux. Si nos chemins s’écartent, cela n’efface pas les moments que nous avons passé ensemble, cela n’efface pas nos acquis ou notre affection l’un pour l’autre. Je pense que malgré nos onze ans d’expériences communes, il nous reste un million de chose à apprendre, un milliard d’aventures à vivre. Et je pense que si nos routes se séparent, nous allons tous les deux nous redécouvrir et expérimenter des choses très différentes. Cela n’altèrera en aucun cas nos liens.
- Ah… je me sens un peu trahi mais je n’ai pas d’arguments.
- Je t’avais prévenu que ça ne te plairait pas.
- Parce que ça te plait ?
- Je mentirai si je te répondais oui. Mais si tu veux rester alors c’est mieux comme ça. Et si ça se passe mal, je te promets que je ne te laisserai pas seul.
- Je suis désolée Hegal…
- De quoi ? Je ne t’ai rien reproché…
- De… je ne sais pas ce que j’ai fait pour que tu veuilles que nous nous séparions… mais je suis désolé ! Je ne voulais…
- Ezer ! Stop. Ce n’est pas de ta faute. Ce n’est celle de personne. »

Le garçon se replia sur lui-même, de grosses commençaient à rouler sur ses joues. Il ne voulait pas être séparé d’Hegal. Elle avait toujours été là dans son cœur et dans sa tête.

La chimère faisait de son mieux pour rester stoïque, les crocs serrés. Une douleur vive brûlait sa poitrine. Elle aimait ce frère que le destin lui avait offert, elle pouvait faire n’importe quoi pour lui. Aujourd’hui, il avait la possibilité de suivre sa propre route, de découvrir un autre univers, de faire ses erreurs et d’apprendre. Elle avait attendu ce moment. Leur relation était telle qu’ils agissaient toujours en fonction de l’autre, et elle savait que ce n’était pas bon alors qu’Ezer était en pleine croissance. Il avait besoin de voir et de se faire ses propres opinions. Elle avait besoin d’être seule, de faire une pause. Ça lui fendait le cœur de se séparer de lui, mais c’était mieux. Si elle n’était que sa sœur, elle avait presque rempli le rôle d’une mère pendant leur voyage et chaque enfant devait s’envoler de ses propres ailes, elle le savait. Elle aussi, quand tout cela sera acté, elle s’envolerai de ses propres ailes.

« Hegal… même si je ne reste pas ici… tu préfères que l’on se sépare ?
- Oui.
- Pourquoi… pourquoi maintenant ?
- Parce que l’occasion se présente. Je sais que si tu restes ici, tu ne serais pas seul abandonné à toi-même. Mais là encore, c’est à toi et toi seul de choisir.
- Je ne te comprends pas… pourquoi devrait-on se séparer ? On est bien ensemble, non ?
- Je te l’ai déjà expliqué. Ce qui t’empêche de comprendre, ce sont tes sentiments. Lorsque tu auras oublié ton chagrin et pris du recul, les causes de cette décision t’apparaitront clairement.
- Tu me le promets ?
- Tu es un garçon intelligent, je te le promet.
- Alors je te fais confiance… je vais rester là… mais montre-moi ta magie pour chanter avant !
- Si tu me promets que tu n’en abuseras pas et que tout ce que tu entendras restera entre nous et les chimères.
- Je te le promets !
- Bien. »

Hegal le prit sur son dos et s’envola. Elle préférait qu’ils fassent ça dans un autre coin. La base de l’Œil était trop proche et si Ezer commençait à hurler, ils allaient sûrement se poser des questions.
Elle les déposa un peu plus loin dans la montagne. Elle redevint visible et s’assit en face de son frère.

« Prêt ? »

Il hocha la tête. Elle inspira et bascula sa tête en arrière. Son chant s’éleva dans les airs. C’était beau, Ezer frissonna. Il allait paraître tellement ridicule. Hegal termina ses dernières notes et regarda l’enfant.

« À toi. Il faut que ça vienne du fond de tes sentiments et que tu te serves de ta magie pour faire remonter les notes. »

Ils passèrent de nombreuses heures à s’entraîner. Si Ezer chantait juste, son chant ne portait pas comme celui d’une chimère. Le problème était lié à l’utilisation de sa magie. Cela n’étonnait pas Hegal : son frère était un garou. Les garous ne sont pas censés pouvoir apprendre ce genre de magie. Ils ne sont pas censé apprendre une autre magie que celle de leur animal d’origine. Mais elle avait bon espoir, Ezer faisait déjà exception à cette règle. En temps que panthère-garou, il avait le pouvoir de stocker et de décharger de l’électricité. En plus de cela, il avait acquis la capacité de dissiper toute énergie magique par contact. Ce n’était pas là une magie de chimère et personne ne savait d’où ce pouvoir lui venait. Il s’était découvert ce don un beau matin, sans jamais l’avoir appris. Alors au fond, peut-être maîtriser le chant des chimères n’était peut-être pas une tâche impossible ?

À la fin de l’après-midi, Ezer avait la gorge si sèche qu’il la sentait brûler. Pour autant, aucune de ses tentatives n’avaient fonctionné.

« Dans deux soirs, c’est la demi-lune. Tu connais la chanson ?
- Bien sûr ! Depuis le temps que je vous écoute…
- Alors entraîne-toi si tu veux la chanter ! »

________________________________________________________________________

Le soir, Hegal ramena Ezer auprès de l’Œil. Avant qu’ils ne se séparent devant le bâtiment, l’enfant retint sa sœur.

« Que se passera-t-il si Grimgrim dévoile l’emplacement de la base ? murmura-t-il.
- Rien de bon.
- Est-ce que… je peux en parler à Zorigaitza ?
- Pourquoi faire ? C’est n’importe quoi !
- Parce que je me sens un peu coupable…
- C’est moi qui ait pris la décision de trahir sa confiance. Ce n’est pas de ta faute.
- Bien sûr… mais je le sais et mon silence fait de moi un complice.
- Si tu raisonnes comme ça… je vais voir ce que je peux faire. Ne dis rien pour l’instant, si quelqu’un doit en parler, c’est moi, d’accord ?
- D’accord… »

Hegal lui donna un coup de museau affectueux, elle avait un peu pitié de lui. Sa fatigue se lisait sur son visage, l’entraînement l’avait vidé de sa magie, sa future séparation affectait son moral et la douleur qui le taraudait à chaque mouvement un peu brusque n’arrangeait rien.

« Repose-toi bien, d’accord ?
- Tu reviens demain, hein ?
- Oui, c’est promis. Bonne nuit, frangin !
- Bonne nuit… sœurette ? »

La chimère sourit et le poussa vers la porte du bâtiment avant de s’envoler, non sans un pincement au cœur. Elle ne se trompait pas, elle s’en était convaincue.

Ezer inspira.

« Souris, tout ira bien. Tu es juste un peu fatigué, tu juges mal tes problèmes, ils ne sont pas si graves, murmura-t-il pour lui-même. »

Il poussa la porte. Une bonne odeur lui sauta dessus comme un fauve. C’est vrai qu’ils allaient bientôt manger. L’enfant referma la porte derrière lui et se tourna vers la pièce dont l’ambiance n’avait pas changée : chaude et douce. À une table, Zorigaitza et Sua étaient penchés sur un tas de feuille. Zizare taillait un morceau de bois dans un coin. Le caprin leva les yeux vers lui, visiblement heureux de le voir. L’enfant lui rendit son sourire et s’approcha curieux.

« Ça va ? demanda Sua.
- Ça va. Qu’est-ce que vous faites ?
- Je lui apprends à lire et à écrire, répondit Zorigaitza. Tu veux essayer ?
- Je vais juste vous regarder.
- Tu sais déjà faire ? l'interrogea le caprin.
- Seulement les mots « auberge », « rue », « marché » et les nombres.
- En lettre les nombres ? s’enquit l’autre garou.
- Comment ça ? Un nombre est un nombre…
- Tu peux aussi les écrire sous forme de mot.
- À quoi ça sert ? Personne ne fait ça.
- Dans tous les textes, c’est comme ça. Ceux qui écrivent font de la littérature, pas des mathématiques.
- Si ça les amuse. »

Ezer écouta la leçon avec plus ou moins d’intérêt. Il n’avait jamais eu besoin de savoir lire ou écrire. Lorsqu’il recherchait une information, il n’avait qu’à la demander à un passant… c’était tout aussi simple, et puis ça permet de rencontrer du monde. Pour autant, sa curiosité aiguisait son attention sur ce que racontait le brun. Dans les faits, il serait ravi de lire ce qu’écrivait exactement le meneur dans ses lois. Il ne s’intéressait pas le moins du monde à la politique ou à la justice mais l’enfant en lui réclamait de savoir.

Finalement, Nomnos les interrompit, déclarant que le repas était quasiment prêt. Les deux jeunes se chargèrent de mettre la table. Sua remarqua alors qu’Ezer n’était pas du tout à l’aise dans ses mouvements.

« Tu as mal ? lui souffla-t-il.
- Rien d’insurmontable.
- Ménage-toi quand même ! »

Le repas se déroula dans la tranquillité et la convivialité. Ezer hésita à leur annoncer qu’il allait rester, mais une partie de lui continuait de croire qu’Hegal allait rester avec lui et qu’ils repartiraient ensemble. Et puis, tant que le problème de Grimgrim traînait, il préférait ne pas s’engager.

Après le repas, Ezer partir se coucher sans demander son reste. Passer un peu de temps avec ses nouveaux camarades lui avait un peu remonter le moral, mais il restait épuisé.

________________________________________________________________________

Le lendemain matin, Sua et Ezer allèrent jouer autour de l’abri. Dans les faits, ils se posaient dans un coin et discutaient. Le plus jeune ne pouvait pas trop s’agiter alors les deux restaient tranquilles. Parfois, le caprin continuait de fendre le bois sous le regard du garou.

Ce matin là, ils décidèrent de marcher un peu. Le chemin était sinueux et pentu, comme tout le terrain autour de la base. Cependant, les deux étaient à l’aise : les caprins sont réputés pour leur agilité et Sua n’exceptait pas à la règle, et Ezer avait grandi dans les rochers et les hauteurs. Ils progressaient à un rythme régulier, quoique lent, ralenti par le garou. Soudain, un cri attira leur attention. Sua pointa le ciel du doigt en se tournant vers Ezer.

« Regarde un… »

Le garou n’était plus là. Il avait glissé et avait roulé un peu plus bas. Sua se précipita sur lui, paniqué de le voir coucher à terre.

« Ezer ! Ça va ? Tu t’es fait mal ? »

L’enfant s’était replié sur lui-même, se tenant les côtes. Sa respiration était courte, inégale. Les dents serrés, les larmes aux yeux, il étouffait. C’était comme un poids sur sa poitrine, il peinait à reprendre de l’air.

Sua resta une seconde tétanisé. Que devait-il faire ? Son cadet souffrait et il ne savait pas quoi faire pour le soulager. Il n’osa pas le toucher ou le bouger.

« Ezer, tu m’entends ? fit-il, la voix tremblante.»

La base était en contrebas, trop loin pour crier d’ici. Cependant, Sua ne pouvait rien faire tout seul, il devait aller chercher de l’aide. Il se leva, mal à l’aise de laisser Ezer là se tordre de douleur.

« Je… je vais chercher de l’aide Ezer ! Tiens bon ! »

Et il détala. Il dévala la pente comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Il manqua de tomber dans son élan, mais se rattrapa. Il couvrit la distance entre le bâtiment et Ezer en un temps record. D’un grand coup, il ouvrit la porte. Cependant, la respiration saccadée, coupée par la panique, les sons restèrent bloquer. Zorigaitza, seul présent dans le hall à ce moment, se tourna vers lui et ne mit pas de temps à comprendre que quelque chose n’allait pas. Il se leva brusquement, et il fit signe à l’adolescent de lui montrer.

Lorsqu’ils aperçurent enfin Ezer, il n’était pas seul. Une personne était agenouillée près de lui. Sans réellement chercher à comprendre, dans le feu de l’action, Zorigaitza, d’un mouvement de main, fit apparaître une lame d’eau. Il se précipita sur l’inconnue. Celle-ci en le voyant, se redressa et leva les mains au-dessus de sa tête. Dans son élan, le meneur tourna sa lame et ne put qu’amortir le coup. L’autre valsa en arrière et amortit sa chute avec ses bras contre les rochers.

Sua s’agenouilla près d’Ezer. Sa respiration s’était un peu calmée, quoique toujours agitée. En revanche, il semblait toujours autant souffrir, le visage crispé.

« Qui es-tu ? gronda Zorigaitza.
- Je m’appelle Grimgrim, et je vous retourne la question. »

La phytopode se redressa, constatant que la roche l’avait salement égratignée. Elle se frotta les bras pour enlever quelques saletés, ça la brûlait. Pour autant, l’ennemi était devant. Enfin, elle n’avait pas prévu de se battre alors restant sur les fesses, elle posa ses mains sur sa tête. De toute façon, elle n’allait rien faire sans son sac, qui était resté près d’Ezer.

« Ça ne te regarde pas. Que veux-tu à cet enfant ? répondit-il en désignant Ezer.
- Je l’ai vu tomber alors je voulais l’aider… comme le petit caprin est parti, j’allais pas le laisser tout seul. Mais si vous avez de quoi le soigner, je peux aussi récupérer mes affaires et m’en aller. Ça m’évitera de me faire bousculer par une brute, fit-elle le regard plein d’adversité.
- Tu confirmes ? demanda Zorigaitza à Sua.
- Ezer est bien tombé. Je n’avais pas repéré sa présence en revanche. »

Mais le caprin se fichait pas mal de qui était Grimgrim, c’était Ezer qui lui importait. Son ami souffrait et il fallait l’aider. Zorigaitza serra les dents et le rejoignit. Il se pencha au-dessus de l’enfant et posa sa main sur son épaule.

« Évitez de le bouger, intervient Grimgrim. Ça va lui faire mal. »

Elle ne reçut aucun regard, aucune parole et s’en agaça. En revanche, Zorigaitza ne secoua pas l’épaule de l’enfant comme il avait prévu de le faire pour le stimuler.

« Ezer ? Tu m’entends ? »

L’enfant répondit par un faible gémissement entre deux souffles. Il se sentait oppressé, il discernait l’inquiétude de ses camarades et il manquait d’air. Chaque inspiration lui arrachait une atroce douleur.

« Reste-toi calme, d’accord ? Ça va aller. Il te reste de la gomme, pas vrai ? »

Grimgrim leva les yeux au ciel. Comme s’il allait avaler quoique ce soit dans son état. N’importe qui avec un peu de bon sens pouvait le comprendre. Il n’y avait pas grand-chose à faire sinon calmer la douleur pour qu’il puisse dormir. Il faudrait désinfecter toutes les égratignures qu’il s’était fait en roulant sur la roche également et éventuellement tenter un bandage pour maintenir sa côte… elle restait cependant peu convaincue de l’utilité de ce dernier.

Elle se leva et s’approcha. Zorigaitza lui jeta un regard méfiant. Elle esquissa une mimique agacée en réponse et s’accroupit près de son sac. Elle fouilla dedans, et en sortit une pommade et de l’alcool. Elle souffla un grand coup, évacuant ses mauvais sentiments et se tournant vers les trois autres.

« Je peux ? fit-elle en désignant le matériel qu’elle venait de sortir.
- Je ne te fais pas confiance, répondit sèchement Zorigaitza. »

Sua lui adressa un regard de détresse. Qu’est-ce qu’ils pouvaient faire ? Si elle, elle savait, alors il serait normal de la laisser.

« Fais-le ! gémit Ezer d’un voix étouffée. »

Il avait reconnu la voix de la phytopode. Il avait confiance, et il n’avait pas d’autres choix. La douleur était insupportable alors si elle pouvait l’apaiser… ne serait-ce qu’un peu. L’intéressée leva les yeux vers Zorigaitza. Ce dernier détourna le regard, pas convaincu. Alors Grimgrim s’approcha, ravie d’avoir gagné cette petite bataille. Il fit signe aux deux de s’écarter un peu, ce qu’ils firent à contrecœur.

« Ezer, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, annonça calmement la phytopode. La mauvaise c’est que tu risques d’en avoir pour un moment et la bonne c’est que j’ai de quoi apaiser la douleur. Mais avant, il faut que tu calmes ta respiration. Ne cherche pas à inspirer un grand coup, juste prends ton temps et ça va bien se passer. Tu me fais confiance, n’est-ce-pas ? Je te promets que tout ira bien. »

Tout en continuant à déverser un flot de paroles apaisantes, elle posa sa main sur celle d’Ezer et avec douceur, l’écarta de son torse. Elle ne pouvait pas appliquer de pommade s’il mettait ses bras devant. Dans un même temps, l’enfant se calmait lentement, se focalisant sur les mots de la phytopode. Sa voix était pleine d’énergie et pourtant si zen. Il y trouvait un certain réconfort.

Grimgrim, lorsqu’elle eut fini de dégager le torse du blessé, sortit la pommade.

« Ça va être un peu froid, ne soit pas surpris. »

Elle glissa sa main sous le haut de l’enfant et étala. Ça ne ferait pas effet dans la minute, mais elle pouvait espérer qu’il puisse s’endormir d’ici une heure. Elle leva la tête vers les deux autres qui ne la quittaient pas du regard.

« Vous avez un brancard ? Ou à défaut une échelle ?
- J’y vais ! déclara Sua. »

Elle n’eut pas le temps de le remercier qu’il était déjà parti. Cela lui arracha un sourire et elle reposa son regard sur son patient. D’un geste de la main, elle fit jaillir de son sac du coton et l’amena jusqu’à elle.

« Je vais désinfecter toutes tes égratignures, d’accord ? Ça va piquer un peu, mais c’est pour ne pas avoir encore plus mal derrière. »

Et elle s’exécuta. C’était surtout les coudes et les genoux qui avaient pris, les vêtements de l’enfant en étaient déchirés. Ezer se crispa plusieurs fois, mais resta silencieux. Elle l’encourageait avec des paroles réconfortantes.
Finalement, Sua revint avec Nomnos et une échelle. Le nain s’arrêta derrière Zorigaitza, un peu inquiet de cette scène inhabituelle.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? s’enquit-il.
- Ezer est tombé. Il s’est fait mal. »

Ils le chargèrent sur l’échelle tandis que Grimgrim rangeait ses affaires. Sua s’accroupit près d’elle, laissant ses collègues gérer le blessé.

« Merci beaucoup pour Ezer.
- C’est normal, je n’allais pas le laisser comme ça. Et toi, tu as eu le bon reflex d’aller chercher de l’aide.
- Je ne pouvais pas faire grand-chose d’autre…
- Justement, c’est pour ça que c’était un bon choix.
- Tant mieux alors, j’imagine. »

Elle lui sourit, elle l’aimait bien ce petit. Il était plus aimable que l’autre qui l’avait attaqué et sa gentillesse était de bon vent.

________________________________________________________________________

Grimgrim se retrouva assise dans la grande salle, autour d’une table, pile en face de Zorigaitza. Elle se sentait un peu prise au piège, mais garda son aplomb. Sur ses côtés, il y avait également Sua et le nain, ainsi qu’une harpie.

« Qu’est-ce qu’une phytopode fait dans le coin ? »

La concernée aurait bondi si le brun avait gardé son agressivité, mais semblant avoir retrouvé un certain calme, quoique ses paroles étaient à peine accueillantes.

« Je me promène. À que je sache, j’ai encore le droit ?
- Où est ton maître ? demanda Nomnos le plus calmement du monde.
- Je n’en ai pas ! »

Elle lui jeta un regard brûlant. Elle avait le droit de faire sa vie comme tout le monde sans être réduit à l’esclavage ! Appartenir à la classe des demi-vivants ne devait pas être synonyme de coups, de tâches ingrates et d’injures !

« Maintenant, si je vous suis inférieure en quoi ce soit, levez-vous et dites-le ! les mit-elle au défi.
- Je ne disais pas ça pour ça, lui répondit Nomnos. Mais dans les cas normaux…
- Normaux ? le coupa-t-elle. Parce que vous trouvez ça normal de réduire tout un peuple à la servitude !? En quoi devrions avoir moins de liberté que vous ?! Qu’est-ce qu’il y a de si différent entre nous ? Parce que des plantes me poussent sur le corps, je n’aurais pas le droit de vivre à ma guise ?! »

Et comme personne ne sembla vouloir lui tenir tête, elle se rassit, le regard défiant. Le sujet la faisait toujours sortir de ses gonds, et elle savait qu’elle avait raison. Elle était prête à mourir si cela pouvait faire un peu réfléchir les gens sur la situation. Enfin, elle n’était pas certain que cela dérange le commun des mortels… ainsi, elle préférait ne pas en crever trop tôt.

« Excuse-nous si nous avons été irrespectueux, ce n’était pas notre intention. »

Elle leva les yeux vers le meneur, il avait gardé son calme malgré les interventions tempétueuses de la demoiselle. Celle-ci resta silencieuse en revanche, prête ni à accepter des excuses ni à en donner.

« Actuellement, nous ne pouvons pas te laisser partir car…
- Alors je vais rester ici, le coupa Grimgrim. »

Elle avait énoncé ça comme une évidence, une solution facile. Zorigaitza la regarda, un peu surpris. Il n’aimait pas se faire couper mais le fait qu’elle prenne une telle décision seule sans rien savoir d’eux, ni même où était le problème le perturba encore plus.

« C’est encore moi qui décide de ça, répondit-il.
- Au moins, je pourrai m’occuper du petit et puis, vous pourrez me garder à l’œil si je vous inquiète tant que ça. Et si actuellement vous pensez que je vous ai plus mis des bâtons dans les roues plus que je ne vous ai aidé, alors tuez-moi. Ce sont les deux options que j’ai, non ?
- Effectivement… »

Zorigaitza était contrarié de la facilité avec laquelle elle avait tourné le dialogue à son avantage mais il n’avait aucun contrargument. Et puis, il fallait avouer que malgré son discours peu agréable, bien que juste, elle s’était occupée d’Ezer. Actuellement, il avait une infirmerie vide et des ressources assez limitées de ce côté, si la phytopode avait les capacités de les doter de soin moins… rudimentaire, alors cela valait le coup d’essayer.

« Très bien, tu peux rester mais à la moindre bavure…
- Ça me va. »

Cela clôtura une discussion plutôt houleuse où contre toute attente, Grimgrim avait imposé son rythme.

Sua accompagna la phytopode jusqu’à sa chambre. Celle-ci resta quelques secondes plantée à la porte, avant qu’un grand sourire n’éclaire son visage. Jamais elle n’avait eu de si grande chambre et encore moins pour elle seule ! Le caprin le devina et s’en amusa, après tout, il avait eu la même réaction en arrivant. Elle s’assit sur le lit et s’étira de plaisir.

« Tu sais Sua, je suis contente de rester là ! Indépendamment de la chambre, bien sûr, même s’il faut avouer que c’est assez fou. Je n’ai nulle part où aller, alors autant que je reste dans le coin. Surtout si ça peut aider ! »

Et comme elle semblait d’humeur bavarde, Sua s’assit sur la chaise devant le bureau. Cette chambre ressemblait à la sienne, seule changeait la disposition des meubles.

« Moi non plus je n’avais nulle part où aller quand je suis arrivé ici. D’où est-ce que tu viens ?
- Koudre, je travaillais dans une herboristerie. Dans les faits, j’y faisais surtout le ménage et les tâches ingrates. Et quand l’occasion s’est présentée, je suis partie ! J’ai eu de la chance, les propriétaires du magasin n’étaient pas tyranniques. J’entends par là que j’avais le droit qu’à treize heures de travail par jour avec deux repas. C’était crevant mais lorsque les clients revenaient pour annoncer que leurs proches étaient guéris, aussi nobles et dédaigneux qu’ils pouvaient être, ça restait gratifiant. Je sais qu’il y a des camarades avec des situations bien pires, alors j’aimerai bien faire aussi quelque chose pour eux, leur montrer qu’on peut se libérer de l’esclavagiste. Enfin, c’est plus simple à dire qu’à faire. Beaucoup se feront tuer dès qu’ils lèveront le petit doigt… »

Dans sa grande tirade, elle avait commencé à désinfecter ses bras.

« Et toi, d’où tu viens ?
- Du sud de Capri.
- Capri c’est l’île où vivent les caprins, en plus de quelques terres sur le Continent ?
- Oui. Quand j’étais enfant, mon village a été décimé par la famine, c’est le Corbeau, une unité de l’armée, qui a sauvé les derniers survivants. Mais étant tout au sud, nous étions les plus éloignés et les derniers servis, il ne restait pas grand-chose de nous. Lorsque la situation est redevenue à peu près stable, j’ai rejoint la ville, j’ai marché pendant des mois. Je n’ai pas trouvé de travail alors j’ai continué à la ville suivante et cætera. Finalement, j’ai rencontré Nomnos et Zorigaitza alors que j’allais mourir de faim. C’est comme ça que je suis arrivé ici.
- Ça n’a pas du être facile pour toi non plus.
- Le principal, c’est que maintenant ça aille.
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Messagepar New Mentali » 07 Juin 2020 00:26

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Année : 82



« Il y a quelqu’un dont j’aimerai sa présence dans nos rangs, j’aimerai savoir ce que vous en pensez, annonça Zorigaitza. »

Grimgrim, Ezer, Sua, Nomnos et Zizare écoutaient avec attention. Ils n’étaient que six et pour le moment et ne pouvaient assurer que des opérations de petites ampleurs. Avoir un nouveau camarade les aiderait.

« Il s’appelle Erortzen Hosta. Vous en avez peut-être déjà entendu parler puisqu’il est né avec un démon et il a échappé à son sort.
- C’est quoi exactement un démon ? demanda Sua. Il y a tellement de rumeur à leur sujet…
- C’est une entité maléfique très puissante. Tellement puissante que les gens qui en possèdent sont tués à la naissance pour éviter qu’ils ne détruisent tout quelques années plus tard.
- C’est comme une maladie ?...
- Pas vraiment, c’est comme si on naissait avec quelqu’un en soi qui ne veut que du mal. La spécificité des démons est qu’ils tentent de prendre le contrôle de leur hôte en profitant de leur faiblesse psychologique. Il y a longtemps, c’est ce qui s’est produit et le démon a rasé presque un quart du Continent. Alors chacun s’est entendu pour tuer tous les enfants qui naissaient avec un démon pour que jamais cela ne se reproduise.
- Ça fait peur…
- C’est pour ça que je suis contre, déclara Nomnos. Cela fait des décennies qu’il coure dans la nature, poursuivit par qui veut bien le chasser et surtout par les Castes, on peut donc espérer qu’il ne se fasse pas posséder mais le risque n’est pas nul. Arriver ici va complétement changer son mode de vie et sans doute le stresser, rien ne nous garantit qu’il ne va pas nous péter entre les mains. Et puis, s’il détruit quoique ce soit, ça va nous retomber sur le dos. Je ne veux pas être responsable s’il rase les montagnes.
- J’ai déjà réfléchi à ce risque. Je pense que si on lui laisse le temps de prendre ses marques, ça devrait aller. Je veux dire, il a été traqué toute sa vie et il a du connaitre des situations bien plus difficiles que de changer de toit.
- Peut-être, mais il court seul et tu ne sais pas comment il va réagir à notre contact.
- Rien n'empêche de le rencontrer à plusieurs reprises avant qu’il arrive ici pour qu’il s’habitue.
- On dirait qu’on parle d’un animal de compagnie, marmonna Ezer. Je me suis posé les mêmes questions avant de demander à Maman si on pouvait adopter un bouc…
- Et ça s’est passé comment ? s’amusa Sua.
- On l’a mangé pour le diner.
- J’espère que tu ne mangeras pas Erortzen s’il vient alors…
- Je suis pas cannibale non plus ! râla le garou.
- On peut savoir pourquoi tu veux l’inviter ? reprit Grimgrim à l’adresse de Zorigaitza.
- Parce que tout le monde lui coure après, justement. Il a peut-être envie que ça change, et si c’est le cas, j’aimerai qu’il nous apporte sa connaissance du terrain et sa force. Et puis, j’espère ne jamais avoir à le faire, mais ce peut être un argument très convaincant dans des négociations.
- Je reste contre, déclara Nomnos.
- Je suis pour avec des précautions ! annonça Grimgrim.
- Pareil, fit timidement Sua. »

Zizare esquissa une grimace et secoua négativement la tête. Elle se rangeait du côté de Nomnos. Ils avaient certes beaucoup de bras en plus mais de là à prendre le type le plus dangereux du Continent…

« Et toi Ezer ?
- Sans avis pertinent, répondit-il avec une mine désintéressée.
- Ça fait égalité si tu ne choisis pas Ezer….
- Et toi ? Tu n’as pas d’avis ?
- Je suis l’arbitre, je suis neutre.
- Il n’y a rien à arbitrer… laisse-moi un peu de temps pour réfléchir si tu tiens tant à m’entendre.
- Comme tu voudras… »

Leur petite réunion se termina donc sur un vote en attente. Sua s’approcha de son cadet aux cheveux sombres.

« Tu as une idée derrière la tête ? lui souffla-t-il.
- Pas encore, mais ça va venir. »

Ezer lui adressa un sourire espiègle.

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Hegal se posa devant l’enfant à leur lieu de retrouvaille habituelle. C’était plus haut que l’abri de l’Œil du Corbeau dans la montagne, près d’un sentier sinueux. Les deux s’enlacèrent affectueusement.

« Comment tu vas ?
- Tout va bien et toi ?
- Je vais bien.
- J’ai un service à te demander. J’aimerai rencontrer un certain Erortzen, tu vois qui c’est ?
- Bien sûr. Dans combien de temps ?
- Le plus vite possible. Tu penses qu’il te faudra combien de temps pour le trouver ?
- Disons que nous pouvons partir après-demain si tout se passe bien. Rendez-vous à l’aube ici.
- Entendu. Merci pour ton aide. »

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Le jour dit, Hegal déposa son frère le long d’une rivière. Il avait imaginé plusieurs scénarios pour approcher sa cible, ainsi il avait revêtu des habits abîmés pour pouvoir les salir sans ménage.

« Prête ? demanda-t-il malicieusement à sa sœur.
- Tu as intérêt à courir vite. »

Il sourit et les deux se planquèrent un peu plus loin au-dessus du sentier. Ils avaient repéré leur cible en amont et l’attendaient.

Ils virent rapidement un homme, plutôt grand, dissimulé sous une longue cape. On pouvait distinguer ses pattes de chèvre en-dessous qui frappaient le sol une allure régulière. Ezer donna le signal à sa sœur et commença à dévaler la pente qui le séparait du chemin dans de grands cris terrorisés. Hegal retroussa les babines et se lança à sa poursuite.
Le caprin se figea en entendant les hurlements de l’adolescent aux cheveux sombres et le repéra, poursuivit par un animal sauvage et difforme. Il ne les avait pas sentit venir plus tôt, et se reprocha son inattention. Et, plus par reflex que par action réfléchie, il bondit en avant. En une fraction de seconde, il se retrouva entre la chimère et le jeune. De sa magie, il enflamma ses bras et les plaça face à la lui pour arrêter à main nue la bête. Celle-ci pila sec, ne s’attendant pas du tout à une telle vitesse et encore moins à une telle intervention. Elle s’arrêta juste devant lui et écarta ses larges ailes pour paraître plus impressionnante. Sa crinière avait pris du volume et ses crocs luisaient.

Les deux se firent face, l’un menaçant, l’autre calme, près à contrattaquer. Derrière, Ezer avait trébucher sur une racine et s’était lamentablement vautré dans le chemin. Ça ne faisait pas vraiment parti de son plan, mais il ne se laissa pas déstabiliser dans son jeu d’acteur.

« Tuez-le ! cria-t-il terrorisé. C’est un monstre ! Il mange des humains ! »

Pour autant, l’homme resta immobile, comme un immense mur devant la chimère. Celle-ci recula en comprenant qu’il ne changerait pas d’avis et fit volte-face. Elle prit la fuite non sans feuler, sa part de travail était complétée. Le caprin dissipa les flammes qu’il avait fait apparaître et se tourna vers le jeune. Celui-ci était toujours au sol et affichait toujours une expression sous le choc.

« Tu vas bien ? »

La voix du voyageur était grave et calme. Ezer puis distinguer un visage doux sous sa capuche. Il répondit par un hochement de tête, encore haletant de sa course.

« Merci beaucoup… j’ai cru qu’il allait m’avaler… il a déjà mangé ma petite sœur…
- Tu peux te relever ? »

En réponse, l’adolescent se redressa, encore tremblant. Ses genoux étaient ensanglantés suite à sa chute. Il fit mine de vaciller et retomba maladroitement sur les fesses. L’homme s’approcha pour l’aider et lui tendit son épaisse main. Le jeune garou la saisit mais se releva en ne s’appuyant que sur un pied. Il fit mine de boiter.

« Merci…
- Je peux t’emmener quelque part pour que tu te reposes ?
- Ma maison est plus loin en longeant le chemin… »

Il avait repérée une cabane abandonnée du ciel. Il espérait cependant que personne n’y avait élu domicile entre temps… que ce soit un animal ou un humain.

Le caprin avança, laissant son jeune rescapé s’appuyer sur lui. En remarquant qu’il boitait, il s’accroupit devant lui et lui fit signe de monter sur son dos. Ezer s’exécuta. De loin, Hegal les surveillait, invisible. Son rôle était également de veiller à ce que rien n’interfère dans le bon déroulement du plan.

« Comment vous appelez-vous ? demanda le comédien.
- Erortzen.
- Ezer, encore merci pour votre aide.
- De rien.
- Vous êtes un voyageur ?
- En quelques sortes.
- Trop bien… j’aimerai bien voyager aussi mais je ne suis pas très costaud… les animaux m’attaqueraient.
- Celui qui t’a attaqué tout à l’heure était une chimère. C’est très rare, ce sont des êtres pacifiques.
- Mais celui-ci a tué ma sœur… je vis seul maintenant.
- Elle avait probablement ses raisons. »

Ezer tira une grimace. Le réconfort, c’était pas ça. En revanche, il semblait tenir les chimères en haute estime.

« Comment pouvez-vous prendre la défense de bêtes si infâmes ?...
- Elles ne m’ont jamais rien fait, je n’ai aucune raison de ne pas le faire.
- Je vois… »

C’est vrai qu’il n’avait jamais entendu parlé de traque de démon dans les rangs des chimères. Alors que celles-ci auraient pu collaborer avec l’armée puisqu’elle était dispersée sur tout le territoire. Pour rechercher quelqu’un, c’était utile. C’est d’ailleurs comme ça que Hegal avait procédé pour retrouver Erortzen.

« Ezer, on a un problème. Un groupe armé approche. Il va vous rattraper avant que tu n’arrives à destination, indiqua Hegal par télépathie à son frère. »

L’adolescent serra les dents. Que faire ? Erortzen ne semblait pas encore s’en être rendu compte. Soit il dévoilait la supercherie maintenant, soit il continuait son jeu d’acteur jusqu’au bout. Ce qui était certain, c’est qu’il devait favoriser la sécurité.

« Eh dis Erortzen, il y a des soldats derrière nous. On fait quoi ? Je voudrais pas que tu te fasses attraper.
- Je te laisse là et je file ?
- Sinon, ma sœur n’est pas morte. »

Ezer s’agita un peu et le caprin le laissa descendre au sol. L’enfant se tenait bien sur ses deux jambes.

« Si j’avais plus de temps, je te demanderai ce que tu me veux.
- J’espère que nous nous reverrons ! C’était sympa de faire ta connaissance ! »

Puis Ezer siffla. Hegal apparut près de lui l’instant suivant. Il grimpa sur son dos.

« Je te dépose quelque part ? s’enquit la chimère auprès du caprin.
- Loin d’ici ? »

Elle lui fit signe de monter aussi et il s’installa derrière Ezer. Hegal ne perdit pas une seconde et fit un décollage éclair. Ses deux cavaliers manquèrent de passer par-dessus bord.

« Hegal est ma sœur ! cria Ezer dans le vent, à l’attention du caprin. Tu as de la chance parce que tu es le troisième qu’elle accepte sur son dos !
- C’est normal Ezer, c’est nous qui l’avons mis en danger, répondit la chimère. »

L’autre ne répondit pas et comme les discussions en vol n’étaient pas simples, chacun se tut.

Le vol fut interrompu par une étrange sensation dans le dos d’Ezer, comme si on l’observait de manière malsaine. Il frissonna et se tourna vers l’arrière. Erortzen avait la tête baissée, dissimulée sous sa capuche. Ses doigts étaient crispés sur la crinière de la chimère.

« Ça va ? lui cria Ezer. »

Pour seule réponse, le caprin releva la tête. Le cœur de l’adolescent manqua un battement en découvrant deux yeux rouges, brillant de cruauté. S’il n’était pas à plusieurs centaines de mètre au-dessus du sol, collé contre ce démon, il aurait eu une réaction moins violente, mais il serra les genoux et s'agrippa de toutes ses forces à sa sœur. Il se pencha dans le vide. Entraînée par le poids de l’adolescent, la chimère entama un piqué vers le sol contre son gré. Pour autant, elle ne broncha pas, cela faisait des années qu’elle pratiquait ce genre de manœuvre avec son frère.
Après une dizaine de secondes en chute libre, la chimère redressa son vol. Ezer s’était plaqué contre elle, pas serein quant à ce qu’il pouvait se passer derrière lui. Hegal sentait sa peur, elle se hâta dans son atterrissage. Ce dernier fut si brutal que les deux passagers furent éjectés et roulèrent dans l’herbe de vastes plaines.

« Vous allez bien ? s’enquit la chimère, un peu inquiète. »

La frayeur stimula Ezer qui se redressa immédiatement sur ses jambes, le corps tendu vers Erortzen. Ce dernier s’était assis et tenait sa tête entre ses mains. Une aura sombre commençait à s’échapper autour de lui. En comprenant, Hegal bondit jusqu’à son frère et le tira sans ménagement en arrière. Elle avait très peu confiance en ses capacités à résister à un démon.

Erortzen luttait contre le flot de magie maléfique qui l’envahissait. Cela avait beau faire plus d’une trentaine d’années qu’il le repoussait, cet exercice était toujours une épreuve ardue. Il avait terriblement peur de blesser quelqu’un à chaque fois. Il était un danger et il le savait. C’était dur de vivre avec ce poids, la solitude pesait et la haine qu’on lui vouait aussi. Mais il n’avait pas le droit de renoncer. Il n’avait pas le droit de laisser celui qui l’habitait détruire les vies de milliers d’innocents.

Ezer ne le lâchait pas du regard, tétanisé. L’énergie que dégageait le caprin était lourde et dense, oppressante. Elle se déversait autour de lui comme un tourbillon furieux. Il remarqua alors le corps crispé, tremblant d’Erortzen… il se battait… et il souffrait. L’adolescent leva alors les yeux vers Hegal.

« C’est de la magie ? demanda-t-il.
- Oui ! confirma-t-elle.
- Alors je peux la dissiper ! Couvre-moi ! »

Elle tenta de le retenir, mais il était décidé. Il rassemblant le peu de courage qu’il possédait et avança, un pas après l’autre. Il prit un peu confiance en constatant qu’effectivement, les ondes démoniaques disparaissaient à son contact.

Ses efforts pour ne pas rester figé de peur, parce qu’il fallait le dire, se retrouver au milieu cet ouragan sombre était plutôt impressionnant, finirent par payer. Il s’agenouilla près d’Erortzen, et posa une main tremblante sur son épaule. Il était là. Il posa sa deuxième main sur le caprin. Il allait le soutenir. La vérité était qu’il était complètement effrayé. Il serra les dents, les larmes aux yeux et enlaça le caprin. Ils allaient tous s’en sortir, il voulait y croire.

« Ezer ! Ezer ! »

L’adolescent rouvrit doucement les yeux. Il était toujours accroupi devant Erortzen. Celui-ci le fixait inquiet, lui tenant le bras. Le garou se laissa tomber sur les fesses, encore sonné de ce qui venait de se passer. Hegal les rejoint en deux sauts, pas moins sereine que le caprin.

« Ezer, tu vas bien ? s'enquit-elle.
- Je crois… »

Il ne sentait aucune douleur… il était juste un peu perdu. Il n’avait qu’un gros trou noir dans son esprit entre le moment où il avait atteint Erortzen et maintenant, incapable de dire combien de temps s’était écoulé entre les deux.

« Tu es complétement barge, le complimenta la chimère.
- Pourquoi ? Tu couvrais mes arrières non ?
- Je ne couvrais rien du tout !
- Je suis désolé, intervint Erortzen.
- Pourquoi ? Tout va bien, non ? lui répondit Ezer.
- Je peux te demander comment tu as réussi à approcher ? Et puis, j’ai senti le démon faiblir quand tu m’as touché…
- Je peux dissiper la magie ! annonça non sans fierté l’adolescent.
- Je n’ai jamais croisé quelqu’un avec un tel pouvoir…
- Moi non plus ! assura l’autre.
- Pas la peine de t’en vanter, lui reprocha Hegal. »

L’enfant lui tira la langue pour seule réponse. Il avait retrouvé toute son énergie et se tourna vers le caprin avec curiosité.

« Et ça t’arrive souvent ce genre de chose ? Si ça ne te dérange pas d’en parler bien sûr.
- Cela dépend des périodes et des circonstances. Ça peut aller d’une fois par jour à une fois tous les trois, quatre jours.
- C’est plutôt récurrent alors… il y a une raison particulière ?
- Tu sais, tout est une raison : le stress, la fatigue, la tristesse et toutes les pensées négatives que l’on peut avoir. Mon démon profite de chaque brèche.
- C’est incroyable que tu réussisses toujours à le contrôler…
- Une habitude à prendre, j’imagine. »

Ezer l’admirait. Lui, il aurait lâché l’affaire depuis longtemps, tout seul, harcelé par un être maléfique et traqué par l’armée.

« Ezer, on devrait y aller, nous allons rentrer tard après et tu as promis d’être rentré pour le repas.
- Tu as raison. »

L’adolescent se leva, imité par Erortzen.

« Tout ira bien ? »

Le caprin acquiesça. Ezer lui tendit sa main.

« Bonne route alors, et si tu as besoin d’aide pour ton démon, n’hésite pas !
- Merci. »

Les deux se serrèrent la main et chacun reprit sa route. Hegal et Ezer avaient un détour supplémentaire de prévu et c’était d’ailleurs la raison qu’avait annoncé l’adolescent pour s’éclipser aujourd’hui.
Une longue heure de vol plus tard, ils se posèrent à l’entrée d’une grotte dans la montagne. En dessous un plateau rocheux s’étalait. Sans une once d’hésitation, les deux pénétrèrent dans la cavité. Ils furent accueilli par une chimère plus âgée.

« Maman ! sourit Ezer en se jetant à son cou.
- Je vois que tu te portes bien, ça me fait plaisir de te voir.
- Oui !
- Il parait que tu as rejoint une organisation secrète.
- C’est exact ! On démantèle des gangs et fait fuir des brigands ! On offre des graines et des outils aux paysans après les avoir volés, en échange, ils nous filent à manger qu’on envoie dans les quartiers ouvriers !
- C’est bien, tu ne t’ennuies pas… fais quand même attention à toi. Je ne pense pas que toutes ces activités plaisent au pouvoir, je devrais même t’en empêcher mais si tu penses que la voie que tu as pris est la bonne, alors je ne peux que t’encourager.
- Ne t’inquiète pas, je suis prudent !
- Je ne savais pas que tu connaissais ce mot, se moqua Hegal. »

Le garou lui tira la langue.

« Et toi, tu vas comme tu veux ? s’enquit Hegal.
- L’une des nôtres a mystérieusement disparu. Personne ne l’a plus vu du jour au lendemain, elle n’a pas laissé de traces… j’avoue ne pas savoir quoi en penser.
- Elle n’aurait pas pu s’isoler quelque part ? Qui est-ce ?
- Luahe, elle vit près de Lurra, dans la forêt. Je ne crois pas, elle a cessé de chanter. Je pense qu’elle est morte… mais dans quelle circonstance ? C’est toute la question.
- J’irai fouiner alors, je te tiendrais au courant si je trouve quelque chose.
- Thena ne vit pas très loin et elle connait la forêt, demande-lui de l’aide.
- Entendu.
- Sinon, rien d’anormal. »

Ils discutèrent un moment. Ezer parla beaucoup des activités de l’Œil. Zorigaitza lui avait demandé d’éviter mais face à sa maman, il n’avait aucune retenue. Sa confiance était totale, et elle n’avait de toute façon pas l’intention de réutiliser ces informations. De son arrivée, il y a quelques mois, à sa fraiche rencontre avec le porteur de démon, il raconta tout. Hene en profitait pour lui glisser des conseils et des mises en garde. Ezer savait combien ils étaient précieux. En tant que reine, elle connaissait bien la situation du Continent,et probablement des détails insoupçonnés du grand public, et si elle évitait de parler de ses activités devant son fils, jeune criminel, elle ne souhaitait pas qu’il lui arrive malheur.
Finalement, en fin d’après-midi, Ezer et Hegal repartirent.

« Hegal ?
- Oui ?
- Je me demandais… maintenant que tu te promènes seule, qu’est-ce que tu fais ? Tu voyages juste pour le plaisir ?
- Je fouine.
- Tu fouines ?
- Oui, je fouine. J’observe et je cherche des informations, des informations qui croustillent.
- Je comprends rien.
- Je vais trainer mon museau là où il ne faut pas en gros.
- Oh… je rêve ou ça te manquait tellement les emmerdes dans lesquelles je nous mettais que tu commences à les chercher toi-même ?
- Qui sait ? Ça doit être de famille… »


[Changement de narrateur : Erortzen]


La nuit est tombée, mais je continue de marcher. Je me suis fais poursuivre toute la journée, si je m’arrête, ils me rattraperont. En revanche, je peux espérer atteindre les montagnes demain midi et m’y cacher. C’est un terrain où je suis à l’aise et où les recoins ne manquent pas. Je pense pouvoir y rester quelques jours tranquilles avant que les soldats ne me retrouvent. Là, une fois encore, je prendrai la fuite sous leur nez et m’enfuirai plus loin.

Je sentis une présence devant moi, quelqu’un approchait dans le sens inverse du chemin. Personne ne traine à cette heure-ci normalement et il est extrêmement rare de rencontrer un soldat solitaire en mission. Lorsqu’ils le sont, ce n’est pas bon signe car ils en étaient d’autant plus puissants. Par prudence, je m’écarte du sentier et me cache dans un arbre, dissimulant mes traces de sabots avec une branche.

Dans l’obscurité, une silhouette unique apparait. Elle n’a pas l’air de chercher quoique ce soit, l’allure détendue. Cela me rassure un peu, ce n’est qu’un passant… jusqu’au moment où il s’arrête au milieu du sentier. Il lève la tête et pose son regard directement sur moi. Il m’a vu du premier coup… la magie démoniaque est très difficile à dissimuler, mais ce n’était pas donné à un simple paysans de la repérer. Je reste immobile, lui aussi. Passe ton chemin, s’il te plait.

« Je ne suis pas de l’armée et je n’ai pas prévu de te dénoncer ou quoique ce soit, tu peux descendre. Je m’appelle Zorigaitza. »

Ce nom ne m’est pas inconnu. Si cet homme dit vrai, alors il est l’héritier déchu au trône du roi des garous. Mais comment le croire ? Je n’ai jamais vu son visage auparavant et que me voudrait une telle personne ? En revanche, il serait stupide de rester coincé sur ma branche… je descends.

« J’aimerai simplement te parler, si cela ne te dérange pas ? »

Je n’ai pas vraiment le temps de m’arrêter pour prendre le thé. Pour autant, il n’a pas l’air agressif, mais je préfère me méfier.

« Si nous avançons en même temps, non.
- Faisons un peu de route ensemble alors. »

Je m’approche sans le quitter du regard. Cela ne semble pas le déranger et il ne me prête pas une attention particulière. Il n’a donc pas peur ? Il devrait pourtant… nous nous mettons en route.

« Je vais être très bref dans un premier temps. Je souhaite aider et soutenir les plus démunis du Continent. Pour cela, j’ai fondé une organisation qui répond au nom de l’Œil du Corbeau il y a moins d’un an. Nous sommes peu, six pour être exact, et il est important pour nous de remplir nos rangs. Ainsi, je viens te proposer de nous rejoindre.
- Je pense que ma présence vous nuira plus qu’autre chose.
- Pas plus que celle d’un autre. J’ai dans mes rangs deux adolescents survoltés, une harpie muette, un criminel qui aime le bricolage et une phytopode révoltée. Je crois que tu pourrais presque te fondre dans la masse.
- Je me suis mal exprimé, je vais vous mettre en danger.
- Nous y avons pensé, nous sommes prêts à prendre ce risque et le limiter autant qu’il le sera possible. »

Il plante son regard dans le mien… il est sincère et résolu.

« J’ai conscience de ce que ta présence implique. »

Moi aussi, j’en ai conscience et c’est justement ce qui m’inquiète. Suis-je prêt à prendre le risque de leur faire du mal ? En toute objectivité, j’ai toujours réussi à m’isoler lorsque je faisais des crises alors j’ai du mal à estimer le danger de me retrouver entouré.

« Quel genre d’actions menez-vous ?
- Dernièrement, on a fait du troc avec des paysans : des graines contre de la nourriture. On a offert tout ce que l’on a récupéré dans des quartiers ouvriers. On a également démantelé quelques réseaux de trafiquants à Lurra et je pense bientôt aller fouiner du côté de Koudre.
- Je vois le style. »

Aider les plus pauvres, les plus faibles, c’est un bel objectif. J’aimerai bien être un peu utile, et pas qu’à faire courir les soldats, mais c’est difficile. Les gens ont peur, et moi aussi.

« Je sais que certaines de nos opérations sont dangereuses et que cela peut être oppressant, alors si à un quelconque moment tu as besoin de t’écarter, personne ne t’en empêchera.
- Et hors opération, comment cela se passe ?
- Nous vivons dans une grande bâtisse ensemble. Elle est cachée et protégée par une barrière magique donc si personne ne dévoile sa position, il n’y a aucun risque que nous nous y fassions attaquer. On participe tous aux tâches et les chambres sont de deux personnes. Tu serais seul en attendant qu’on recrute quelqu’un pour compléter la paire.
- J’ai le droit à un essai ?
- Je ne pense pas que tu crieras sur tous les toits où nous nous cachons mais on n’est jamais trop prudent. En revanche, on peut organiser des rencontres au préalable ou même des opérations.
- C’est un jeu risqué. Je vais rameuter tous les soldats sur vous plus qu’autre chose. Quand dois-je rendre mon verdict ?
- Dès que tu auras pris ta décision. »

Avoir une maison, des compagnons et être utile, c’est tout ce que j’avais toujours souhaité. Mais tout n’était pas sans risque… surtout pour eux. Et si je finis par tout détruire ? Et si finalement, ils avaient peur de moi ? Si Zorigaitza était rassurant là-dessus, il ne pouvait pas totalement prédire la réaction de ses camarades. Je le sais. Il y a beaucoup d’incertitudes. Pour moi, comme pour eux. Mais s’ils sont prêts à accepter le danger… alors au fond, pourquoi hésiter ? Ils ont probablement bien plus que moi à perdre. Et puis, on me tend la main… c’est si rarement arrivé. Ce serait dommage de ne pas la prendre…

Je n’ai rien à perdre.

« J’accepte votre proposition.
- Partons maintenant avant d’être rattrapés alors. On devrait arriver demain à l’aube. »

Zorigaitza prend l’apparence d’un griffon. On dirait qu’il assure le vol…

________________________________________________________________________

Le lendemain matin, nous arrivons un peu après le levé du soleil. Le vol a été long, je saute au sol, le dos en compote. Ce n’est que mon deuxième trajet par voie aérienne, je n’y suis pas trop habitué. Il faut garder son équilibre pour ne pas glisser… ça m’a tenu éveillé toute la nuit. Je me sens un peu fatigué mais cela a dû être encore plus éprouvant pour Zorigaitza. Celui-ci reprend forme humaine, il n’affiche aucun faiblesse. Il doit faire ça fréquemment…

« Voilà la base ! Soit y le bienvenu aujourd’hui et pour l’éternité à venir. »

Rien que ça ? Je regarde le bâtiment qui se dressait devant nous. Il est juste immense. Je ne m’y attendais pas. Zorigaitza prend les devants et ouvre la grande porte. Je le suis.

Je découvre une grande pièce où sont installés quatre têtes autour d’une table. Elles sont tendus vers nous… leurs regards avides me mettent la pression. Respire et soit naturel, ça va bien se passer. Les coutumes n’ont pas du beaucoup changer depuis la dernière fois que tu as côtoyé un humain.

« Le vol a été bon ?
- Sans accroc, répondait Zorigaitza en rejoignant ses troupes. »

Je m’approche.

« Erortzen, voici Nomnos, Sua, Grimgrim et Zizare. »

Il désigne un à un les concernés.

« Bonjour, ravi de vous rencontrer.
- Soit le bienvenu ! déclare chaleureusement la phytopode.
- Bienvenue ! renchérit le jeune caprin. »

Ils ont l’air sympathique, je suis un peu rassuré.

« Où est Ezer ? demanda Zorigaitza.
- Il est sorti dehors pour retourner des mousses ?
- Retourner des mousses ?
- C’est ce qu’il a dit, assure Sua. »

Ce prénom ne m’est pas inconnu. Se pourrait-il que le gamin aux cheveux sombres et la chimère que j’ai croisé quelques jours auparavant soient ici ? Qu’ils aient en réalité fait du repérage ? J’allais vite le savoir.

« Je te fais visiter ? me propose le meneur. »

Je hoche la tête.

________________________________________________________________________

Ma chambre est grande. Zorigaitza m’y a laissé seul. J’en fais brièvement le tour et m’assoit sur le lit. Ça fait un bail que je n’en avais pas eu un. J’aurais aimé l’inauguré tout de suite, mais on m’attendait sûrement. Le chef m’a dit que je pouvais me reposer un peu avant que le déjeuner mais les autres allaient peut-être trouver ça décevant que je commence par dormir… mais si je suis fatigué, je vais plus facilement céder à mon démon. Évitons de trop attirer l’attention dès le départ.

J’entends toquer à la porte et me réveille difficilement. J’aurais bien dormi plus…
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Messagepar New Mentali » 07 Juin 2020 10:09

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Année : automne 93



Je sursaute, la porte vient de flanquer comme si une bourrasque l’avait ébranlée. Il n’y a qu’une faible brise aujourd’hui.

« Ezer ! Helin a disparu ! Elle… elle… »

Je me redresse et m’éloigne de la table à laquelle je me trouvais avec Zorigaitza et Azken.

« Du calme, Hegal, du calme. Ça va, d’accord ? Où es-tu ? »

Je tends ma main devant moi et sent son museau se poser au creux de ma paume. Je sens sa respiration courte, sa truffe froide… elle vient de voler aussi vite qu’elle a pu. Elle est paniquée. Je la caresse pour la rassurer. Si Helin avait disparu, alors elle devait avoir disparu comme toutes les autres chimères avant elle, d’où son inquiétude. Cela ne me rassure pas non plus, mais il faut rester calme et réfléchir. C’est la seule chance que nous avons.

« Depuis combien de temps ?
- Hier. Je voulais la voir pour des informations, mais je ne l’ai pas trouvée. J’ai demandé aux autres, on l’avait vu le matin même et lorsque je l’ai appelée, elle n’a pas répondu. J’ai attendu un peu, en me disant qu’elle… juste qu’elle s’était cachée… mais elle ne répond toujours pas.
- Il n’y a pas de trace ?
- Aucune. Pas de sang, pas de magie, rien d’anormal.
- Comme toutes les autres…
- Oui. Ezer… je n’ai jamais rien trouvé sur ces disparitions !
- Justement, ça nous laisse un espoir. Mais il va quand même être temps de comprendre qui ou quoi est derrière tout ça. Reprenons depuis le début, tu veux ?
- Ça nous ramène onze ans en arrière. »

Je me relève et désigne les feuilles de papier posée devant Zorigaitza à ce dernier.

« Je peux ?
- Qu’est-ce qui se passe ?
- J’aimerai bien le savoir. »

Il me tend les feuilles vierges et un crayon. Je les prends.

« Désolé de vous interrompre.
- Si c’est urgent, me sourit le brun. »

Je regarde Hegal, ou du moins dans la direction elle était lorsque je la touchais.

« Peut-être que l’on pourrait y réfléchir ensemble ? »

En guise de réponse, elle apparait devant nous. Je lui souris et me rassois. Plus qu’à tout expliquer depuis le début à Zorigaitza et à Azken. Ils me regardent, intrigués.

« Helin, ma deuxième sœur, vient de disparaitre. Depuis onze ans, des chimères disparaissent sans laisser de traces du jour au lendemain. Actuellement, nous n’avons aucune idée de pourquoi ou comment cela se produit, alors les chimères ont appelé ce phénomène le Destin de Luahe, en hommage à la première chimère disparue de cette manière. Cela fait des années que Hegal et d’autres cherchent des indices, mais personne n’a rien trouvé.
- Je me suis rendu sur chacun des lieux de vie des disparues, ajoute Hegal, sauf lorsqu’ils m’étaient inaccessibles. Helin enquêtait aussi sur ce sujet depuis un moment.
- Pourquoi vous n’en avez jamais parlé ? demande Zorigaitza.
- C’est un problème interne, je n’avais aucune raison d’en parler et on me l’a interdit de toute manière. De ce fait, j’aimerai que cette discussion reste entre nous, déclara Hegal.
- Reprenons, déclaré-je. On commence en 82, c’est ça ? Luahe a disparu une semaine environ avant l’arrivée d’Erortzen donc c’était pendant les jours chauds. Tu confirmes ?
- Oui.
- Combien de chimères ont disparu ?
- Cinquante-quatre en incluant Helin. »

Je lève la tête et la regarde. Personne ne m’a dit qu’il en avait autant. Cinquante-quatre, c’est énorme ! Je m’en serais rendu compte… encore je crois. Et puis, pourquoi ne m’en a-t-elle jamais parlé ? A ce stade-là, il faut faire plus que de s’inquièter.

« Cinquante-quatre, repète-t-elle.
- Mais ça fait... »

Je compte sur mes doigts.

« Une par saison, me devance Azken.
- Oui, merci.
- C’est ce qui se passe. Il n’y a pas eu plusieurs disparitions d’un coup, ou des périodes de blanc, ajoute Hegal. »

Je note les informations sur ma feuille. Personne ne peut cacher cinquante-quatre chimères. Du moins, pas d’un coup, ni sur la durée. Il n’y a juste aucune cachette suffisamment discrète pour ça, les chimères sont de grandes utilisatrices de magie et elles chantent suffisamment fort pour que leurs voix couvrent le continent, même si c’est lié à leur magie. Qu’il n’y ait aucune trace de sort nulle part ou d’utilisation de magie, c’est juste impossible. Surtout que cela fait onze ans quand même…

« Vous êtes touchées sur l’ensemble du Continent ? demande le meneur.
- Oui, jusque dans l’océan… »

Il y avait forcément quelqu’un derrière tout ça. Et il ne devait pas être seul, personne ne peut enlever une chimère, effacer toutes les traces et dissimuler le cadavre. Et puis, dans quel but ? Les chimères sont un plutôt faible de part leur faible nombre, leur absence de territoire sur la carte et leur manque de confiance. Personne n’a d’intérêt à les affaiblir encore plus !

« Je peux te donner une piste, Hegal ? »

Je lève les yeux vers Zorigaitza, il semble très sérieux, même un peu tendu. Que sait-il ?

« Tu devrais chercher du côté de l’empereur.
- Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
- Une intuition. »

Il ment, j’en suis sûr. Hegal le remercie simplement d’un hochement de tête, elle n’a pas l’air de vouloir lui en demander plus. Elle respecte le fait qu’il puisse y avoir des choses qu’il ne veuille pas partager. Cependant, l’urgence de la situation ne permet pas ce genre de secret. Je ne manquerai pas de lui demander des précisions.

Nous avons passé l’heure suivante à retracer la chronologie des disparitions avec les lieux et les noms des chimères. Ce fut carrément long. A chaque nom, une certaine inquiétude me gagnait. Qu’allait-il se passer pour Helin ? N’y avait-il pas un moyen de la joindre ? Qui pouvait avoir fait ça ? Détenait-elle des informations ? Comment pouvait-il ne jamais avoir de traces ? Pourquoi ces disparitions ? Meurtres ou enlèvements ? Il y avait trop de questions sans réponse.

« Hegal… par mesure de prévention, ne serait-il pas judicieux que les chimères forment des duos et veillent sur l’autre ?
- Je pense aussi que ce pourrait être un solution même si elle est difficile à imposer. Tu connais les chimères…
- Fous leur la trouille.
- Maman ne sera jamais d’accord…
- Fous-lui la trouille aussi. Et reste avec elle… Helin disparut, il ne faut surtout qu’il lui arrive quelque chose.
- Et qui va enquêter ?
- J’irai avec Koreh.
- Bien sûr ! Koreh est encore moins discret que toi et tu vas l’entraîner dans tes bêtises ! Et puis, laisse-moi deviner, le premier truc qu’il va te demander en te voyant, c’est un duel ! Que tu vas faire exprès de perdre.
- Je ne vois aucun problème. En plus, il sait que je le laisse gagner…
- Je préfère que l’on y aille ensemble.
- Mais Koreh ne voudra pas rester avec Maman.
- Je lui foutrai la trouille !
- Tu ne l’auras pas comme ça. Et puis, fais-nous un peu confiance ! Koreh n’est pas moins compétent qu’une autre chimère pour se planquer, il aime juste l’action. Et puis, on s’entend mieux que tu ne pourrais le croire.
- Très bien ! Je vous laisse un mois ! Pas un jour de plus ! Si vous ne trouvez rien, j’irai.
- Marché conclu ! »

Nous nous tapons la main dans la patte sous les regards désabusés de Zorigaitza et Azken. On conclut nos accords comme on peut…

________________________________________________________________________

Vingt-trois jours plus tard, Koreh et moi sommes dans une drôle de situation. Cela fait de nombreux jours que nous fouillons le château, non sans difficulté, il est bien gardé. Nous avons passé des documents au peigne fin, des archives comme des dossiers récents. Sans succès. Aucune piste, rien. Pourtant, je suis certain qu’il y a quelque chose. J’ai interrogé Zorigaitza, et il m’a dit que lorsqu’il vivait encore ici — je ne sais d’ailleurs pas comment il faisait pour ne pas se perdre — il écoutait aux portes. Un soir, il y avait une réunion avec des scientifiques, des experts de la magie et des chercheurs. Quelqu’un a évoqué un lien entre les chimères dont les pouvoirs sont si particuliers et l’Ancien Monde. Il a alors dit que si l’on arrivait à exploiter la magie des chimères, alors peut-être que l’on pourrait mieux comprendre les ruines retrouvées et ouvrir des passages.

Le problème, c’est que les chimères fuient les ruines de l’Ancien Monde pour une raison qui m’est inconnue. Aucune chance qu’elles les aident à quoique ce soit en ce sens. Et Maman m’a assuré que personne n’avait réclamé leur aide. Ce projet est peut-être tombé à l’eau. Peut-être pas. Je suis sûr qu’il doit exister un document qui indique ce qu’il est devenu. Ce qui est sûr, c’est que personne n’en parle au château. De toutes les conversations que Koreh et moi avons écouté, nous n’avons trouvé aucun indice. J’ai commencé à croire qu’il n’y avait effectivement rien.

Mais aujourd’hui, nous sommes cachés dans une dépendance du château, pas très loin des écuries. Le Conseil doit avoir lieu le soir même et tout le monde est en ébullition. Les gardes font des rondes inlassablement, les domestiques astiquent tous les recoins et les conseillers s’agitent. Impossible de chercher quoique ce soit dans tout ce remue-ménage. Koreh me regarde.

« Il y a une trappe.
- Où ?
- Aux murs.
- Quoi ? »

Une trappe, ça ne se met pas sur les murs… je vérifie quand même.

« Sous tes pieds, andouille. »

Je baisse les yeux. Il a raison, je ne l’avais pas vue. Je m’écarte et cherche comment l’ouvrir. Il n’y a pas de poignée, pas de mécanisme caché, pas de trace de magie…

« Défonçons la !
- Et s’il y a quelque chose en dessous ?
- Il n’y a rien, assure-t-il. »

Je soupire. J’imagine que je dois lui faire confiance. Je regarde autour de nous dans la dépendance et attrape une pioche. Je me demande à quoi ça leur sert une pioche pour entretenir les jardins… j’ai qu’un coup à donner pour que le bois de la trappe éclate. Je finis de l’ouvrir.

En dessous, c’est sombre. Très sombre. Ça sent l’humidité et la moisissure. Il y a une échelle rouillée. J’ai pas trop confiance… Koreh me pousse.

« Ça va, j’engage ! »

Je me glisse à l’intérieur et descends quelques bons mètres. C’est plus profond que ce que je pensais. En revanche, c’est vide. Il n’y a qu’une pièce complètement inutilisée, où les champignons rongent les murs. On devrait appeler les domestiques tiens…

« Tu peux descendre ! »

Koreh me rejoignit non sans difficulté. Le passage était étroit pour lui.

« À droite, un passage. »

Je regarde à droite. Je laisse un peu de temps à mes yeux pour s’habituer et avance. Il y a une vieille porte… ou du moins ce qu’il en reste. En fait, je ne me sens pas très à l’aise ici. Quelque chose me dérange. Comment cette pièce s’est retrouvée ici ? Pourquoi a-t-elle été abandonnée ? L’atmosphère est lourde et ça pue. À part des rongeurs, personne ne doit venir ici.

« Ezer. Je sens quelque chose…
- Des précisions ?
- Je ne sais pas. C’est flou. Avançons. »

Koreh n’a pas le flair aussi fin qu’Hegal. Moi, je suis incapable de repérer des magies alors je ne peux que me fier à lui.

Un couloir s’enfonce dans le sol. L’air devient carrément lourd. Je déteste les souterrains. En plus, je ne vois quasiment rien, les ténèbres règnent. C’est glauque. Je glisse sur une moisissure et me retrouve sur les fesses.

« Rien de cassé ?
- Ça va. Tu sens quelque chose ou pas ?
- Non. C’est parti. Mais continuons.
- Tu sais, je ne suis pas serein.
- Justement. Continuons. »

Je souris ironiquement. Faites que ce truc ne nous mène nulle part. Je veux sortir. Une main accrochée à la crinière de Koreh, l’autre devant moi, j’avance un peu à l’aveugle. Je commence à flipper dur. Pourvu que rien ne surgisse… que personne ne soit là… qu’il n’y ait pas de trucs bizarres… d’animaux sauvages… de cadavres…

« Il y a une odeur. »

Je sursaute à la voix de Koreh. Il pourrait prévenir. Je ne sens rien en plus. Mon frère me pousse en avant. Quand est-ce qu’on fait demi-tour, sérieusement ? Et puis, pourquoi suis-je devant, franchement ?

Soudain, je sens le sol se dérober sous mes pieds. Je m’accroche à Koreh de toutes mes forces. Il plante ses crocs dans ma veste pour me retenir et me hisse près de lui. Je souffle un coup, mais j’ai du mal à me calmer. La chimère me donne un coup de museau pour m’encourager. Je suis sûr qu’il flippe autant que moi en plus…

En dessous, il y a un second couloir, éclairé cette fois. Ça veut dire qu’il est potentiellement fréquenté et que les débris qui sont tombés du plafond vont paraître louches. On ne doit pas traîner.

« De quel côté tu préfères aller ?
- On continue le couloir humide. Il n’est pas fini. »

Le pire choix possible… pourquoi ai-je demandé au juste ? Alors, nous replongeons dans le couloir qui pue.

« Le couloir en dessous doit être une galerie des nombreux souterrains de Lurra. S’il est éclairé, alors il n’y a rien qui puisse y être caché. »

C’est pas une raison. Je veux qu’on sorte d’ici !

Après un moment qui me paraît une éternité, le couloir s’élargit un peu, mais je n’y vois toujours rien. Finalement, ma main rencontre un mur. Enfin… du moisi terreux. Je tâte à contrecœur les alentours. C’est juste un virage. Et nous avançons encore. Ça n’a pas de sens de faire un couloir si long ! J’en ai marre…

« Arrête-toi et écoute ! »

Je fais ce qu’il dit. Il y a des voix… sur notre droite. Mais je ne peux pas distinguer de paroles. Elles sont faibles et finissent par s’évanouir.

« Ezer. Le couloir s’arrête devant nous. C’est un cul de sac. Mais je ne pense pas qu’il ait été creusé pour le plaisir.
- Tu as une hypothèse ?
- Oui. La personne qui l’a creusée a abandonné son œuvre.
- Continue, ta perspicacité m’impressionne.
- Tu ne sens rien ?
- De la moisissure et de l’humidité.
- Ça pue la mort.
- Oui ben ça, c’est sûr que ça ne sent pas la rose. Merci de la remarque.
- Non, vraiment. Ça sent le cadavre. »

Je suis resté silencieux. Je suis ravi de ne sentir que les champignons… Koreh est tendu, je le sens. En même temps, s’il sent des cadavres, il doit avoir un pressentiment encore plus mauvais que le mien.

« Ezer. Chante un air.
- Fais-le toi ! J’ai l’air d’avoir envie de chanter ?
- Fais-le sans utiliser ta magie. »

Quelle utilité alors ? On est que tous les deux, et je ne veux pas bercer de potentiels cadavres. Je soupire et inspire. J’entame quelques notes aléatoires et continue sur une mélodie que Maman nous chantait lorsque nous étions petits.

Je m’arrête en sentant Koreh retenir son souffle. Que se passe-t-il ? Je tends l’oreille. J’entends de nouveau des voix. Elles viennent toujours de droite, se rapprochent et passent au-dessus de nos têtes. Il m’est toujours impossible de distinguer la moindre parole ou même d’évaluer la distance. Ils sont dans une galerie différente, pour sûr mais après… J’entends une porte s’ouvrir. L’espace d’un instant, J’entends des plaintes, des râles et des pleurs, des cris de peur, de douleur et de rage, des griffes crisser, des crocs claquer, des queues fouetter. J’ai peur de savoir. Koreh se met à trembler. La porte se referme. Silence.

Je reste bloqué. Est-ce que… est-ce que c’est ce que je pense que Koreh pense ? Une profonde peur me prend au ventre. Je sens mes jambes trembler comme si elles allaient lâcher.

Finalement, Koreh m’attrape par le col et me tire en arrière. Je n’ai même pas la force de protester. Ce que nous avons entendu…

« Ce sont les chimères disparues. »

Est-ce qu’elles m’ont entendu ? Elles souffrent. Elles souffrent terriblement. Elles ont peur. Elles sont terrorisées. Comment a-t-on pu laisser cela se produire ? Je cache mon visage dans les mains. Je ne veux pas savoir ce qu’elles vivent. Je ne veux pas que ce soit vrai.

« Calme-toi. On va les sortir de là. »

Sa voix est tremblante de colère. Il fait un effort considérable pour se maîtriser.

« On ne peut rien faire aujourd’hui. C’est le Conseil et on n’y arrivera pas à deux. Tu vas tenir le coup ?
- Pas sûr que je dorme bien cette nuit.
- Nous allons chercher la galerie qui mènera à elle et trouver par où on peut les faire sortir. Cela fait, on ira chercher du renfort. On ne dit rien avant d’avoir suffisamment d’éléments. Si elles sont juste là, on ne sait pas encore qui et pourquoi. On ne doit ni paniquer, ni se presser.
- Peu importe qui ou comment ! On doit les sortir de là avant qu’elles ne meurent ! Elles étaient en train de mourir, Koreh ! »

On ne peut pas les laisser là. On ne peut pas.

« Ezer ! Sers-toi de ta cervelle ! Et arrête de chialer bon sang ! »

J’inspire. J’expire. J’essaie de mettre de côté mes sentiments, mes émotions. Je passe ma main sur mes joues. C’est qu’il n’a pas tort l’animal en plus. Si je veux les sauver, il faut que je réfléchisse à comment faire. Qui et comment, les chimères devaient le savoir, pas la peine de s’y intéresser plus que ça. Pour le moment et avant tout, il fallait repérer les galeries. Sans ça, impossible de les sortir de là. De plus, Koreh et moi seront probablement incapables d’agir seuls. Elles doivent être gardée et trop nombreuses pour pouvoir les mettre en lieu sûr.

« Tu penses qu’elles sont combien ?
- Trop. Trop pour pardonner. Trop pour agir.
- Ça fait combien ça ? Excuse-moi, je suis mauvais en calcul mental.
- Entre dix et vingt, sans certitude. Tu en penses quoi ?
- Je n’en ai pas la moindre idée. »

De plus, impossible de prévenir tout le monde maintenant sans éviter la panique générale. Si elles sont autant que l’estime Koreh, alors il sera difficile de les déplacer.

« Ezer. Promets-moi que l’Œil du Corbeau les sauvera. Aucune chimère ne pourra les secourir. La peur serait trop forte…
- Je te le promets. Tu nous aideras ?
- Oui. »

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Le lendemain, au soir, Koreh et moi avions repérés tous les couloirs utiles. L’opération a été difficile émotionnellement parlant. Mais au moins, nous avions un plan.

« On se retrouve à l’Œil demain matin ?
- C’est ce qui est prévu. On leur expliquera tout le déroulé. Et dans deux jours, elles seront libres…
- Si tout se passe bien. Ezer, repose-toi. On va tous avoir besoin d’être au maximum. »

Nous nous saluons et chacun prend sa route. Koreh va chercher Hegal tandis que je rejoins l’Œil. Je devrais arriver dans la nuit, tout comme lui. Mes heures de sommeil seront courtes, mais je dois être en forme pour exposer le plan. Attendez encore une peu, les amies, nous allons vous sortir de là…

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Le lendemain matin, tout le monde est là : Koreh, Hegal et tout l’Œil sans exception. Je prends une inspiration. Pas d’empressement, pas de détour. La vérité, rien que la froide vérité.

« J’imagine que tout le monde est courant que nous avons été fouiné à Lurra au sujet des disparitions ?
- Oui ! approuva la petite assemblée.
- Bien. Après s’être bouffé des documents poussiéreux, des conversations ennuyeuses et des restes de qualité…
- Nous avons retrouvé les chimères, me coupe Koreh. Elles sont enfermées dans les souterrains dans des conditions… plutôt mauvaises, pour ne pas dire complètement inhumaines. Aucune magie entre la salle où elles se trouvent et l’extérieur ne passe, d’où le fait qu’on les entendait pas chanter. Il n’y a qu’une entrée, que nous n’avons pu passer pour des raisons… de…
- Une mystérieuse force appelée la peur nous repoussait à chaque tentative, expliqué-je.
- C’est surtout que ça aurait provoqué trop d’agitation et il n’était pas question de laisser des traces.
- Dit-il alors qu’on a détruit une trappe et fait s’effondrer un couloir.
- Rien de tout ça n’était directement relié à leur salle.
- Certes. Tout ça pour dire que dans le plan, on a prévu de passer par derrière. À l’explosif. Il y a un couloir assez large qui débouche vite sur l’extérieur. On estime qu’il y a une bonne douzaine de chimères à sortir et à mettre en lieu sûr.
- Et elles seront en mauvais état, peu de chance qu’elle puisse voler ou s’enfuir d’elle-même. Nous pensons les ramener ici.
- Alors si vous êtes d’accord… on pourrait aller les sauver ensemble ? »

Je pose mon regard sur mes camarades. Il faut qu’ils disent oui. Il faut qu’on y aille.

« Qui est au courant ? demande Zorigaitza.
- Personne d’autre que nous, répond Koreh.
- Quelqu’un garde ces chimères ? Pourquoi sont-elles enfermées ?
- Oui, il y a des hommes qui passent tous les jours. On s’y est peu intéressés dans le sens où les prisonnières doivent être renseignées là-dessus. En revanche, il est certain qu’il y a des soldats parmi eux.
- Et pourquoi irions-nous les chercher ?
- Vous faites ce que vous voulez. Il me semble que vous avez la prétention d’aider les plus faibles.
- Et quoiqu’il arrive, j’irai avec Koreh et Hegal. Ça me casse les pieds de refaire un plan mais si ça peut les sauver…
- Ça me casse les pattes de suivre ces deux andouilles, mais si cela leur rend leur liberté alors je tente, ajoute Hegal. »

Zorigaitza nous regarde un à un. Je ne sais pas ce qu’il réfléchit… c’était gros comme une maison qu’on reviendrait avec des choses à faire !

« Entendu. Expliquez-nous le plan ! »

Je ne peux m’empêcher de sourire. Je savais qu’il accepterait. Koreh me regarde.

« Alors le plan ! »

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Je m’arrête et observe le mur. Ça doit être ici. À quelques mètres près, ça ira. Je regarde Sua et lève mon pouce en l’air. Il me répond de la même manière et commence à poser une bombe.

Je suis nerveux. Hyper nerveux. Hegal et Koreh sont restés à l’extérieur. Les tunnels leur conviennent peu et je préfère les préserver de ce que nous allons découvrir. J’ai peur. J’ai peur que ce soit pire que ce que j’ai imaginé, de ne pas pouvoir me maîtriser face à ce que je m’apprête à découvrir. J’en ai mal au ventre. Alors je respire, je connais mon rôle et combien il est important. Je dois le tenir. Jusqu’au bout.

Sua se relève : tout est en place. À part du moment où ça aura pété, il faudra faire vite. Très vite. J’ai peur de manquer de temps. Nous reculons, le caprin allume la mèche et nous rejoint. Je me prépare à foncer. Il n’y a pas à hésiter ! Je vais réussir, il suffit d’y croire et de se don…
Boum.

Je bondis à travers la fumée et passe la brèche qu’a ouvert l’explosion. Une odeur me prend à la gorge. Ça sent la peur, la mort, la pisse, ça pique les yeux. J’ai un haut le cœur, un vertige. Je me raccroche à ma volonté. Il faut les sauver. Je chantonne un air familier, rassurant. Ma voix est enrouée par la nervosité, mais il faut que je me contrôle. Je ne dois pas leur transmettre ma peur.

La fumée se dissipe et laisse apparaître un large couloir bordé de barreau. Dans chaque cellule, il y a une ou plusieurs chimères, je sens leur présence. Elles sont terrifiées, blotties au fond. Avec l’explosion, c’était prévisible mais il était difficile de faire autrement. Elles doivent me faire confiance cependant. Elles doivent nous faire confiance.

Une voix me répond. C’est Helin. Elle est là… s’il ne fallait pas encore la sortir de là, elle et les autres, j’aurais été soulagé mais ce n’est est fini. Une seconde voix nous rejoint. Puis les autres suivent timidement le pas. Je leur chante que je m’appelle Ezer et qu’avec mes amis, nous allons les emmener en lieu sûr, qu’elles peuvent nous faire confiance.

Leur tristesse est immense, leur voix est lourde. Je ne les ai jamais entendue comme ça, ni dans la douleur ni le chagrin. Il y avait un désespoir plus profond dans leur âme. Ce qu’elles ont dû vivre… il ne faut pas y penser. Pas le temps. Je fais signe à mes camarades que tout est bon. Un à un, ils entrent dans la vaste pièce.

Chacun commence à briser, brûler, éclater les barreaux. Il faut toutes les évacuer. Les corps faméliques et difformes s'ébranlent. Certains retombent rapidement au sol, trop usés. Il faut les aider. On n’a pas le temps de traîner.

Je me dirige vers le fond. Helin est là, devant ses barreaux. Un large sourire la défigure. Elle est maigre, ses yeux sont à peine vivant, son pelage est couvert de sang sec et de saletés. Je ne veux pas mais c’est plus fort que moi. J’ai pitié.

« Ezer, je vais bien. Ça va aller. »

Je ne sais pas si elle ne cherchait pas à se rassurer plutôt qu’à me réconforter.

« Helin… aide-moi à les guider… ta voix à plus de poids que la mienne. Tu peux faire ça ?
- Je peux. »

Sua arrive, il fait fondre les barreaux. Je le remercie d’un mouvement de tête. Je prends mon apparence de panthère et aide Helin à marcher. À la faible lumière du couloir, je remarque que ses ailes ont laissé place à de grossières cicatrises. Les s*lauds… je ravale ma colère. C’est trop tôt pour s’emporter. Il faut garder toute sa lucidité.

Devant, les chimères commencent à sortir, la plupart soutenue par mes compagnons. Je jette un regard aux cellules. Il reste des corps… des cadavres… on ne peut même pas les prendre pour leur offrir une sépulture plus digne… c’est pitoyable.

Je remarque Azken devant. Il porte deux lourds fardeaux : des petits. Ils y a même des petits. Mais je n’ai pas le souvenir qu’ils y aient de disparus. Se pourraient-ils… qu’ils soient nés ici ? Je m’approche de lui, prenant soin de ne pas laisser Helin. Elle suit, appuyée contre mon flanc. Je prends l’un des petits entre mes crocs. L’herboriste me regarde, il est agitée. Il y a de quoi.

« Ils sont malades et pleins de parasites… et puis il n’y en a pas une qui ne soit pas blessée.. Eh, Ezer, pourquoi ? Comment c’est arrivé ? »

Je baisse les yeux. Il ne faut pas y penser. Il me tendit le deuxième petit.

« Je vais vérifier qu’on oublie personne. »

Je prends le deuxième. Il s’éloigne pour faire le tour des cellules. Nous sommes les deux derniers. Les autres sont devant. Erortzen nous rejoint. Il propose son aide à Helin et les deux partent devant. J’attends Azken qui fait un dernier tour. Il revient vers moi. Je crois que lui comme moi, on va faire des cauchemars pendant longtemps après ça.

Je lève brusquement la tête. Il y a du bruit qui approche derrière la porte à l’autre bout de la pièce. Je lâche les petits et bondit sur Azken. Je l’attrape par le vêtement et le dépose auprès des jeunots. Il ne faut pas traîner. La compagnie arrive. Je lui fais signe de grimper sur mon dos. À peine hissé, la porte derrière nous s’ouvre sur des soldats et des hommes sans uniforme. Il faut filer. Je détale avec mes trois passagers. Il faut cependant que tout le monde puisse s’envoler avant que nous soyons rattrapés.

Je rattrape rapidement Helin et Erortzen, ainsi que les dernières chimères du cortège.

« Il faut accélérer ! Les soldats arrivent ! les prévient Azken. »

C’est presque inutile. Aucune chimère ne pourrait soutenir un rythme plus soutenu. Derrière nous, des soldats apparaissent menaçants, dans le couloir. Il va falloir les retenir pour protéger tout le monde. J’espère que personne ne nous attaque dehors…

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Hegal prend Helin sur son dos et s’envole, tenant Erortzen entre ses crocs. Cela lui coûte un effort considérable, elle est chargée. Il ne reste plus que moi, Azken et les deux petits. Nous avons retenu jusqu’ici les assauts qui venaient de derrière, et il va maintenant falloir y échapper et trouver un coin plus tranquille pour décoller. Je pense que le duo ne peut pas nous rendre invisible, ils sont trop faibles et trop jeunes. Il va falloir se débrouiller par nos propres moyens.

Je détale pour fuir aux attaques. J’ai mal, je perds du sang. Une flèche m’a touché un peu plus tôt dans le tunnel. Il faut que je tienne. C’est moi qui fait le transport en plus. Je repère un mouvement sur la droite. Rapidement, un groupe de soldat apparaît sur les toits et commence à tirer des projectiles tels que des carreaux ou des pierres. Azken, de sa magie, en dévie quelques uns. J’en évite quelques autres. Une caillasse parvient tout de même à percuter mon museau et un carreau se plante dans mon dos. Il faut tenir. Il faut que je décolle. Il faut partir. On ne tiendra jamais.

Je prends l’apparence d’un griffon et déploie mes ailes. Je peine à trouver mon équilibre au milieu d’une pluie de projectiles. Finalement, je prends de l’altitude, non sans récolter quelques blessures de plus. Chaque battements d’aile est douloureux. Seule l’adrénaline me retient là-haut.
Je ne pourrai pas rentrer jusqu’à la base. Mais il faut au moins s’éloigner le plus possible de la capitale.

________________________________________________________________________

Je me sens partir. Mon souffle est court. Trop court. Je perds de l’altitude doucement.

« Ezer ! me réveille Azken. Pose-toi ! »

Je descends entre les arbres. Sous nos pieds, c’est la forêt au sud est de la capitale qui s’étend. Je me glisse entre les branches maladroitement. Je me sens engourdi… est-ce que j’ai perdu trop de sang ? Probablement… mes pattes sont incapables de me soutenir. Je m’écrase au sol, roule dans l’humus. Ma vision est brouillée… je n’entends rien…


[Changement de narrateur : Ext.]

« Ezer ! Ezer ! »

Azken donna une petite claque sur la joue du garou. Pas de réaction. Il avait forcé…

Il avait besoin d’aide. Il était coincé dans une forêt de nuit avec un blessé et deux petites chimères plus mortes que vivantes. Il avait bien son cristal de détresse, mais il ne voulait pas que le transport des autres chimères soient interrompus pour eux. Il ne l'utiliserait que lorsqu’il sera à peu près sûr que tout le monde sera arrivé, c’est-à-dire à l’aube.

De sa sacoche, il sortit des bandages et de quoi calmer les saignements. Ezer était le plus préoccupant. Heureusement, celui-ci avait eu la pertinence de reprendre forme humaine avant de s’évanouir.

Il mit une heure à tout nettoyer, désinfecter, panser. L’obscurité ne l’aidait pas. Loin d’avoir fini sa nuit, il se leva et attrapa les deux petites bêtes qui avaient roulé au sol lors de l’atterrissage brutal d’Ezer. Elles n’avaient pas bougé, toute tremblante de peur et de froid. Azken les ramena auprès du garou. Les deux étaient faibles, la fourrure pleine de tiques et égratignés de partout. L’elfe prit le temps, à la pince, de retirer tous les parasites qui pullulaient. Leur pelage n’en restait pas moins puant et sale, mais cela leur éviterait des maladies.

Les deux se ressemblaient : deux longues canines, un museau de loup, des pattes de chèvres, un corps gris pourvu d’une espèce carapace se terminant par ce qui ressemble à la queue d’une crevette. La seule différence était leurs oreilles. L’un en avait de pointues tandis que l'autre en avait de longues arrondies. De plus, l’un arborait une carapace plus rosée que l’autre.

Azken passa la nuit aux soins de ses trois compagnons d’infortune. Il n’était pas tranquille, des créatures sauvages pouvaient roder, ou des soldats pouvaient les rattraper. Contre toute attente, la nuit fut d’un calme terrible. Seul le cri d’une chouette troublait momentanément le silence.
Aux premiers rayons du soleil, Azken se décida à utiliser son cristal. Avec un peu de chance, ils seraient secourus un peu après le zénith. Il n’avait qu’un peu d’eau sur lui et la faim et la fatigue commençait à peser. Il fallait cependant veiller sur les trois blessés.

________________________________________________________________________

Ce n’est qu’en début d’après-midi qu’un corbeau se posa auprès d’Azken, qui s’était allongé de lassitude et de fatigue dans l’humus. Il se transforma et Zorigaitza apparut, penché au-dessus du blond.

« Ça va bien ?
- Personnellement, je m’en tire. C’est pas le cas de tout le monde. On a été attaqué au moment de s’envoler. Ezer en a payé les frais.
- Il va s’en remettre ?
- S’il est sage, ouais. Il a juste perdu beaucoup de sang. »

Azken s’était redressé et s’il se voulait rassurant, il savait qu'Ezer mettrait un moment avant de bien récupérer, d’autant plus que ces dernières aventures avaient du lui infliger une certaine pression et donc une fatigue considérable.

« Rentrons avant d’avoir de la visite. Et puis, j’imagine que j’ai du travail qui m’attend.
- Effectivement… »

L’elfe s’étira. Dommage, il aurait préféré dormir. Zorigaitza prit l'apparence d’un griffon et prit l’un des petits dans son bec. Azken hissa Ezer sur le dos de l’animal tant bien que mal et l’attacha à lui grâce aux manches du manteau de celui-ci. Puis, il cala la deuxième chimère contre lui. Il s’assura à que l’ensemble de bougeait pas, même si la monture n’avait clairement pas intérêt à être brusque.

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En arrivant, le soleil déclinait déjà. Ils furent accueillis par Erortzen et Grimgrim. Azken leur confia les deux petits tandis qu’il emmena Ezer à l’infirmerie. Là, il remarqua que les stocks de remèdes avaient été largement entamés. Il n’avait pas eu le temps de tout préparer avant de partir. Il allait falloir refaire des médicaments et des pommades en urgence.

Rassemblant son calme et son courage, il rejoignit Osasun et Grimgrim à l’extérieur. Elles avaient dirigé les premiers soins. Toutes les chimères étaient étendues derrière le bâtiment, devant l’infirmerie.

« Elles sont combien ?
- Dix-sept avec les petits, répondit Grimgrim.
- Lesquelles sont les plus urgentes ?
- Les deux là-bas. Osasun a essayé de les soigner, mais elles ont refusé le contact.
- Où sont Hegal et Koreh ?
- Hegal est parti rejoindre la reine des chimères. Koreh doit être dans le coin… mais il a déjà essayé de les convaincre, elles refusent d’entendre quoique ce soit.
- D’accord, pour les autres, leur état est stable ?
- Difficile à dire… la communication n’est pas simple. De plus, elles ont toutes des blessures plus ou moins graves.
- Je vois. Je vais faire le tour, est-ce que vous pouvez essayer de faire un inventaire de ce qu’il nous reste et demander aux autres d’aller chercher les ingrédients qui manquent ? Et aussi de nourrir Ezer ?
- Entendu ! »

Elles filèrent à la tâche. Même Osasun qui n’avait pas participer à l’opération semblait épuisée. L’elfe remarqua alors que Pigné le fixait timidement, caché derrière une chimère.

« Tu veux m’aider ? »

Le petit dragon hocha la tête et s’approcha. Azken lui sourit et il s’approcha de la première chimère, elle ne semblait plus toute jeune. Ses yeux étaient clos, son corps détendu. L’elfe s’agenouilla devant elle.

« Bonjour, tenta-t-il. Je m’appelle Azken et toi ? »

Deux yeux pâles se levèrent vers lui. Ils semblaient si vides, presque morts.

« Je ne sais plus.
- Tu as oublié ?
- Je crois. »

Azken posa avec douceur sa main sur la tête de l’animal difforme et la caressa. Il y avait tant de tristesse dans sa voix, il en avait presque pitié.

« Tu as mal quelque part ?
- Je ne sais pas. Je ne sens plus rien.
- Ça ne m’aide pas beaucoup. Mes amis t’ont soignée ?
- Je crois. La petite elfe a été gentille avec moi.
- Tant mieux, tu essaies de te reposer ?
- Non, j’essaie d’oublier un peu plus.
- Il ne faut pas. C’est important de se souvenir, même des plus mauvais moments. Ça fait mal au début, et puis on prend du recul et on avance.
- Tu es sage.
- Raison de plus pour m’écouter alors. Je vais aller voir tes amis, d’accord ? Essaie de dormir et appelle-moi si tu as mal !
- Entendu. Repose-toi aussi, jeune homme.
- Merci. »

Azken lui accorda une dernière caresse. Les deux yeux se refermèrent paisiblement. Au moins, celle-ci était gentille, elle n’avait pas refusé le contact. Mais elle faisait de la peine. Il ne savait pas ce qu’elle avait vécu, mais du peu qu’il en savait, il ne préférait même pas l’imaginer. Finalement, oublier n’était peut-être pas une si mauvaise idée…

Il s’approcha de la deuxième chimère, plutôt petite, couchée sur le flanc. Elle se redressa en le voyant, le regard sombre.

« Bonjour… je m’appelle Azken et toi ? »

Un grognement agressif lui répondit. Le petit dragon qui était resté en retrait sauta en avant et montra à son tour les crocs.

« Eh ! Du calme Pigné ! Sois gentil. »

Les deux quadrupèdes se fixèrent quelques secondes avant que la pression redescende. Azken en profita pour s’agenouilla au côté du dragon. Il le rassura d’une caresse avant de tendre sa main prudemment vers la chimère. Les yeux de cette dernière lançaient des éclairs haineux.

« Je ne te veux pas de mal, juste te soigner. Est-ce que tu souffres ? Je peux t’aider. »

L’autre claqua ses crocs à quelques centimètres des doigts de l'elfe qui retira sa main.

« Je t’en prie. Fais-moi confiance ! Je ne te veux que du bien. Est-ce que mes amis t’ont déjà appliqué des soins ?
- Oui. Va-t’en !
- Qu’ont-ils fait ?
- Pars ! Laisse-moi ! »

La voix de l’animal commençait à s’enrouée de peur. Dans son regard, la crainte avant remplacé la colère. Cela ne faisait pas peur à Azken. Il avait besoin de gagner sa confiance.

« Tu as mal quelque part ?
- Oui, céda l’autre.
- Montre-moi ! Je te promets que ça ira. Je vais t’aider. »

________________________________________________________________________

Azken continua le tour des chimères, la plupart refusait le contact. Si elles étaient rarement agressives, elles tremblaient littéralement de peur en le voyant. Le médecin peinait à obtenir des réponses et il ne récolta que très peu de prénoms. En revanche, il offrit de nombreux soins en plus de ceux prodiguer par Osasun et Grimgrim. Toutes les deux avaient bien travailler, mais certaines blessures demandaient une attention plus particulière. Mais ce qui avait le plus choqué le blond, c’était toujours ce manque de vie, cette tristesse profonde qui les habitait. Les chimères n’étaient pas réputées pour leur joie de vivre, mais de là à ce qu’elles paraissent éteintes…

[Changement de narrateur : Azken]

Je m’accroupie auprès d’une chimère à la crinière beige. Elle semble dormir.

« Bonjour. »

Pas de réponse. Je tends ma main vers elle, toujours rien. J’aimerai bien la réveiller sans qu’elle se sente agressée pourtant. J’effleure son pelage. Elle a le sommeil profond. Je caresse sa tête plus franchement, elle est bouillante. Je ne sais pas si c’est anormal pour un chimère, je ne suis pas vétérinaire, mais ça ne me dit rien de bon. Je la secoue légèrement. Elle entrouvre les yeux.

« Comment tu t’appelles ? Tu as mal quelque part ? »

Ses yeux sont vitreux, et couchée sur le flanc comme elle l’était, c’était plutôt inquiétant. Je me suis tournée vers Pigné qui se tenait un peu en retrait.

« Va chercher Osasun ! Dis-lui que c’est urgent ! »

Le petit dragon détale. J’espère que la magie de l’elfe va l’aider, au moins qu’elle est l’air… un peu moins mourante.

« Helin. »

Je la regarde. Elle s’appelle Helin… c’est la sœur d’Ezer. C’est celle dont Hegal avait annoncé la disparition il y a un mois. En un mois, elle était bientôt dans un état pire que les autres.

« Je vais t’aider, d’accord ? Ça va bien se passer. »

Je ne sais pas si je cherche à la rassurer ou à me rassurer. Elle referme les yeux. Je glisse ma main le long de son pelage couvert d’entailles, de brûlures, de plaies. Certaines sont infectées. Cela peut expliquer sa fièvre. Je me lève, je vais aller chercher de quoi régler ça. J’espère qu’elle tiendra bon. Osasun arrive.

« Azken, m’interpelle-t-elle.
- Tu peux t’occuper d’elle le temps que j’aille chercher deux ou trois trucs ? Ses blessures se sont infectées.
- Entendu ! »

________________________________________________________________________

La nuit tombe. Je viens à peine de finir mon tour. Je suis complètement usé, je n’ai pas encore eu le temps de me reposer. Je me redresse sous le regard attentif de Pigné. Il ne m’a pas lâché. Je crois qu’il a besoin de se rendre utile après nous avoir sagement attendu ici pendant que nous procédions à l’évasion des chimères.

« Tu viens manger ? appela Sua.
- J’arrive ! »

Il aurait pourtant fallu que je vérifie l’état d’Ezer avant… j’imagine que je le ferai après. Et il faut que je vérifie si tout va bien pour les stocks avec Grimgrim et Osasun. Trop tôt pour souffler.

Je m’assois à table en dernier. Un moment de répit avant de repartir. Je me rends compte que je n’ai pas si faim.

« Elles vont toutes s’en tirer ? demanda Zorigaitza.
- Normalement. Il y en a quelques unes dans des états plus inquiétants que d’autres, mais ça devrait aller. J’ai eu le temps de toutes les voir. Le problème, ce que j’ai l’impression qu’elles ont peur de nous, difficile d’avoir leur confiance.
- Ça s’explique, rebondit Koreh. Après l’enfer qu’elles ont vécu, elles ont de quoi se méfier. Je m’en veux presque de pas avoir mis mon nez là-dedans plus tôt. Et Ezer, comment va-t-il ?
- Je n’ai pas eu le temps d’aller le voir, j’irai après manger.
- Si tu as besoin d’aide pour quoique ce soit, n’hésite pas ! proposa Txiki. Honnêtement, tu as l’air complètement crevé.
- Je sais mais il faut aussi qu’on vérifie les stocks avec Osasun et Grimgrim. Ils ont prit un sacré coup.
- Ça peut attendre demain matin, non ? fit la phytopode. On a déjà fait une liste des plantes et des ingrédients manquants. Et puis, il y a une grande partie que l’on peut trouver dans de simple herboristerie.
- Ça va coûter une fortune dans les quantités où on en a besoin… il vaut mieux qu’on s’en occupe nous-mêmes. C’est moins dangereux en plus. Après le coup qu’on vient de faire, les soldats vont nous attendre au tournant.
- Ça va nous prendre plus de temps. On en a suffisamment ?
- Si on commence dès ce soir, on en aura. Et si effectivement on n’y arrive pas, il sera toujours possible de se tourner vers ta proposition.
- Comme tu voudras ! Moi qui me réjouissait de ne pas me coucher trop tard ce soir…
- On aura le temps de se reposer après. »

Ce n’est pas le moment de lésiner sur les efforts. Des grasses matinées et des longues nuits, nous en ferons tout ça fini.

« Est-ce qu’il y a besoin que nous partions dans la nuit pour que tu aies tout demain matin ?
- Je ne sais pas. Je vais voir la liste d’abord… »

J’ai du mal à finir mon assiette. Je me sens vraiment à plat. Je dois vraiment avoir une sale tête. Mais il faut tenir. Je crois qu’il y a des billes de Zerifi à l’infirmerie, je pense que je vais en prendre, ça va me tenir éveillé.

Le repas fini et la table débarrassée, je rejoins l’infirmerie. Les filles me rattrapent. Nous passons une heure à déterminer ce qu’il nous faut en priorité, quel remède préférer en fonction de sa composition et de son efficacité, combien il en faut. Il faut également écrire des notes pour ceux qui iront les chercher les ingrédients : le lieu et les détails. Nous faisons attention à n’envoyer personne trop loin.

Finalement, je me penche enfin sur Ezer, et malgré la Zerifi que j’ai pris, mes yeux pèsent lourd. Aucune de ses blessures ne semblent s’être rouverte, il n’a qu’une petite fièvre. Rien d’inquiétant. Je changerai ses bandages demain.

Avant d’aller définitivement me coucher, je jette un coup d’œil à l’extérieur. Les chimères sont allongées, calmes. J’espère qu’elles se remettront vite. Nous n’avons nulle part où les abriter et le début de la nouvelle saison approche. Enfin, j’imagine que ce n’est pas le plus urgent pour l’instant.
Je me tourne vers l’infirmerie. Les filles sont parties mettre toutes nos notes dans la pièce principale pour que dès leur réveil, les autres puissent s’en servir pour ramener des ingrédients. Je leur ai dit d’aller se coucher après. J’espère que nous n’avons rien oublié.

J’éteins la lumière de la pièce et rejoins mon lit. Je m’y suis jeté tout habillé.

« Azken ?
- Hm ?
- Si tu as besoin d’aide, vraiment, n’hésite pas. Il faut que tu te ménages, on y connaît rien en plantes en soin mais peut t’aider à ne pas courir partout.
- Merci Txiki. »

Je me suis endormi après ce bref échange.

________________________________________________________________________

Un bruit me réveille. Je sens un souffle chaud contre ma joue et me redresse d’un coup. Qui est-ce ? Je ne vois personne… une chimère ?

« Helin ne va pas bien, il faut que l’aide.
- Koreh ?
- C’est moi.
- J’arrive… Qu’est-ce qu’elle a ?
- Elle tremble beaucoup et elle a beaucoup de fièvre. Je suis inquiet. »

Je me doute que tu es inquiet… j’enfile mes chaussures et sort silencieusement de mon lit. Il fait encore nuit. Quelle plaie… j’aurais aimé dormir. Je passe par l’infirmerie et prend une bille de Zerifi avant de rejoindre la fameuse chimère. Toujours couchée sur le flanc, elle est agitée de frissons et de spasmes. Je vérifie ses blessures. Aucune ne semblait s’être rouverte. Je m’arrête en revanche sur les brûlures. Tout autour, sa peau a rougi et des plaques se sont formées… je réfléchis. Qu’est-ce que j’ai mis là-dessus ? De la pommade je crois, à base de plantes sauvages. Elle aurait pu faire une réaction ? La tuile… il va falloir que je vérifie toutes les chimères sur lesquelles j’ai utilisé cet onguent, au cas où.

« Koreh, tu peux aller me chercher ma couverture s’il te plaît ?
- Tu vas dormir là ?
- Très drôle.
- Ma question était sérieuse. »

C’est ça le pire. Bon, qu’est-ce que je fais ? Il doit y avoir une plante qu’elle ne tolère pas. Est-ce que je risque qu’elle refasse une réaction ? Je regarde les autres chimères. À première vue, aucune ne semblait avoir de problème mais on est jamais sûr avec ces bestioles-là… dois-je plutôt réveiller Osasun ? Elle s’était déjà occupée d’Helin tout à l’heure, j’ai peur que ça n’ait que peu d’effets…

En tout cas, je ne peux pas la laisser comme ça. Je rejoins l’infirmerie. Qu’est-ce que je peux lui donner ? Elle refusera probablement d’avaler quoique ce soit, ça limite les choix. A-t-elle au moins manger depuis qu’elle est ici ? Je ne m’en suis pas occupé, j’espère que Grimgrim et Osasun ont été plus prévenantes que moi de ce côté-ci. Je fouille dans l’armoire de l’infirmerie pour m'inspirer. Je tombe sur une fiole pleine d’un liquide brun. Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Je l’ouvre. Ça sent fort la Poloë. C’est pour apaiser… je peux m’en servir. Helin aura le repos plus tranquille. En revanche, je ne trouve pas grand-chose pour sa fièvre… rien qui ne passe pas par voix orale. Ou je dilue avec de l’eau ? Peut-être qu’elle acceptera un liquide ? Ça ne coûte pas grand-chose d’essayer.

Je retourne auprès de Helin. Koreh est revenu avec ma couverture.

« Couvre-la ! »

Il s’exécute. J’ouvre une bouteille dans la laquelle j’ai écrasé un Solea, un petit fruit rouge immangeable cru, mais très efficace cuit contre la fièvre. J’ai mélangé avec de l’eau et un peu de sucre pour que ça passe mieux. J’espère que ça, ça ira. Je n’ai pas grand-chose d’autre à proposer. Dans le doute, je préfère en faire sentir le contenu à Koreh. Ils doivent tolérer à peu près les mêmes choses, s’il ne sent rien de dangereux alors ça limitera la casse.

« Tu le boirais ?
- J’imagine. »

C’est rassurant je suppose. Je m’assois au niveau de la tête de Helin. Je la caresse un peu, pour la rassurer.

« Helin ? Tu m’entends ? J’ai besoin que tu avales un truc. »

Je n’ai pour seule réaction qu’un énième frisson. Avec douceur, je soulève sa tête et écarte ses mâchoires. Son seul effort est d’avaler, pourvu que ça aille. Doucement, je fais glisser le liquide dans le fond de sa gorge… ça a l’air de passer. Avec patience, je lui donne tout le contenu de la bouteille. Je la repose au sol… j’espère qu’elle ne va le revomir d’ici une heure ou deux. C’est ma dernière crainte.

Je débouche la fiole de Poloë et la dépose devant sa truffe. Ça sent vraiment fort ce truc, je ne comprends pas qu’on ne le préconise pas contre les rhumes.

« Je ne peux rien faire de plus, Koreh. La suite ne dépend que d’elle…
- Merci Azken.
- C’est mon boulot. »

Je le regarde. Il est sagement assis, son regard est calme et aiguisé. Le vent nocturne agite sa crinière claire. À aucun moment, on ne devinerait son inquiétude pour sa sœur. D’ailleurs, je n’ai jamais senti de doute chez lui, ni pendant la mission, ni au contact d’humains. Pas que ça soit extraordinaire, mais venant d’une chimère, c’est un comportement rarissime.

« Au fait, pour les petits, qui est leur mère ?
- Ils sont orphelins. Les trois parents sont morts à leur naissance.
- Trois ?
- Les chimères ne pratiquent pas la reproduction sexuée. Tu considères qu’il y a des chimères mâles et des chimères femelles, mais la vérité est que nous sommes toutes asexuées. Lorsqu’Ezer fait une distinction entre moi, Hegal et Helin, c’est que son esprit a éprouvé le besoin de nous ranger dans des cases au contact des humains.
- Je vois… mais comment cela se passe pour la reproduction ? Ça n’explique pas comment on peut avoir trois parents.
- Secret de chimères.
- Un de plus je suppose.
- Oui. Crois-moi, le monde s’en porte mieux.
- Je te crois. Bon, je retourne me coucher… je suis claqué. Tu veilles sur Helin ?
- Bonne nuit.
- Bonne nuit. »

________________________________________________________________________

Je me retourne. J’ai froid. Je tâte mon lit, tente d’attraper ma couverture et me souviens que je l’ai prêtée. Il fait jour, autant se lever à ce stade. Je me rendormirai.

Txiki dort toujours alors silencieusement, je récupère des vêtements propres et me dirige vers la salle de bain. Le froid matinal me réveille. Le soleil vient à peine de se lever. Le couloir est vide. Je crois qu’ils dorment encore tous.

Je fais une rapide toilette durant laquelle je me récite les tâches du jour. Il faut que je vérifie que Helin va bien, qu’elle est la seule avoir mal réagi à la pommade, que je m’assure qu’elles mangent toutes bien, que rien ne s’est infecté, que je refasse les bandages d’Ezer et en fin de journée, il faudrait préparer les remèdes avec ce que tout le monde aura ramené. Cela fait déjà une belle liste et je sens que je vais pouvoir y rajouter des choses. Enfin, il faut tenir le coup.

Je rejoins l’infirmerie, récupère une bille de Zerifi pour oublier un peu la fatigue et me rend auprès de Helin. Koreh est allongé contre elle. Ils dorment tous les deux. Ils sont mignons. La blessée ne semble plus trembler. Je pose délicatement mes doigts sur son front. Elle est toujours chaude en revanche. Je ramasse mon pot de Poloë qui a perdu de son odeur – ou c’est moi qui m’habitue. Je n’ai pas le souvenir d’avoir mis cette plante dans ma liste d’ingrédients, je devrais peut-être.

Je fais brièvement un tour des chimères, elles dorment ou somnolent. Je les laisse, autant qu’elles se reposent sans avoir le stress de ma présence. Je vais plutôt vérifier l’état d’Ezer et leur préparer de l’eau pour lorsqu’elles auront soif.

Je range le pot dans l’armoire et me tourne vers mon patient humain. Lui aussi a de la fièvre, son front est chaud. Pour autant, son sommeil a l’air calme. Il n’est pas utile que je lui fasse avaler quoique ce soit dans l’immédiat, ça attendra son réveil. Je rassemble des bandages, qui vont rapidement manquer à ce rythme, et du désinfectant, heureusement que ça, j’en prévois toujours la dose.

De manière générale, les blessures d’Ezer sont plus nombreuses qu’inquiétantes. Je pense que c’est en partie du à la taille de son animal. Comme il perd du volume en repassant à sa forme humaine, les plaies et les hématomes perdent aussi en surface et profondeur. Pour autant, il avait quand même perdu beaucoup de sang pendant la fuite. Je ne sais même pas ce que Grimgrim et Osasun lui ont fait avalé hier. Je leur demanderai tout à l’heure. Après avoir refait tous les bandages, tout désinfecté à l’alcool une deuxième fois, je pose un verre d’eau sur la table de chevet en prévision du moment où il se réveillera.

La porte derrière s’ouvre. Je me tourne, surpris. C’est Txiki…

« Déjà levé ? sourit-il.
- Comme tu peux le voir.
- Tu n’as pas dormi dans la chambre ? Ta couverture n’y est plus…
- Je l’ai prêté à une chimère.
- Ah… tu as mangé ?
- Non.
- Tu manges avec moi ?
- Je prépare de l’eau pour nos pensionnaires et j’arrive.
- Attends, je vais t’aider ! Ça ira plus vite ! »

Nous avons préparé différents seaux d’eau. Nous les avons posés à l’extérieur, sur le côté de la porte. J’irai les disposer au milieu des chimères tout à l’heure, lorsqu’elles seront bien réveillées. Je préfère éviter de les paniquer dès le matin.

Puis, nous allons petit-déjeuner. Zorigaitza, Nomnos, Sua et Zizare s’étaient réveillés entre temps et étaient installés à une table. Nous nous installons avec eux.

« Salut.
- Bonjour !
- Bien dormi ? me demande Nomnos.
- Peut mieux faire. Koreh m’a réveillé, il y avait une chimère dont l’état était inquiétant.
- Ça a été ? s’enquit Zorigaitza.
- Ça a l’air d’aller mieux ce matin. Je pense que son corps a mal réagi à une plante qu’il y avait dans la pommade pour les brûlures.
- Je vois. J’ai remarqué que vous aviez laissé des fiches sur le comptoir. Nous irons vous chercher tout ça dans la journée, ça ira ?
- J’aimerai en avoir le plus possible ce soir. Je pourrais commencer les remèdes qui ont besoin de repos.
- Entendu.
- Comment avez-vous nourris les chimères hier ?
- Kerme a été chassé pour celles qui sont carnivores. Les herbivores se sont contentés de l’herbe au sol. On a également essayé de leur donner des fruits pour compléter leurs repas. Elles sont très méfiantes, elles ont mis du temps avant d’accepter la nourriture et ont peu mangé. Quelques-unes ont refusé de s’alimenter et d’autres n’étaient suffisamment en forme, alors on a fait ce qu’on à pu, expliqua Sua.
- Il y a beaucoup d’herbivores par rapport aux carnivores ?
- Je ne sais pas. C’est difficile de les repérer, d’autant plus qu’elles n’ont pas l’échange facile.
- D’accord.
- C’est dommage qu'Ezer soit cloué au lit, il aurait pu leur parler plus facilement que nous. Koreh est assez distant.
- Hm. »

Je pense que malgré tout, c’est difficile pour Koreh de voir les siens dans cet état. J’ai l’impression que les chimères ont des liens très forts entre elles, et je pense qu’il a du mal à ne pas se faire rattraper par les ondes négatives de ses camarades. Ça peut expliquer qu’il se montre distant. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra les interroger sur leurs habitudes alimentaires.

Grimgrim et Osasun nous rejoignirent, encore endormies.

« Salut !
- Bonjour.
- Bonjour.
- Comment ça va ?
- Ça va bien.
- Désolé de vous solliciter de si bon matin, mais qu’avez-vous donné à manger à Ezer hier ?
- Du jus de fruit, il y a un problème ?
- Aucun, c’était pour savoir.
- La même aujourd’hui ?
- Oui. »

Je me lève, j’ai fini de manger. Je vais aller voir si nos amies sont réveillées.

« Tu y retournes ?
- Oui. »

Je rejoins l’infirmerie. Je regarde la table, elle est en désordre. Les remèdes utilisés hier n’ont pas été remis dans les armoires. Il faut dire qu’on était claqués après l’inventaire…

« Bonjour Azken. »

Je sursaute et lève les yeux. Il y a une chimère penchée au-dessus d’Ezer. Je ne l’ai jamais vue auparavant… comment connait-elle mon prénom ?

« Excuse-moi de t’avoir surpris. Comment va Ezer ?
- Euh… ça va, il devrait s’en remettre.
- Je suis soulagée alors. »

Qui est-elle ? Elle ne semble pas agressive, pas effrayée. Sa voix est douce et agréable. Mais surtout, comment est-elle arrivé ici ? Les autres chimères lui ont dit ?

« Qui êtes-vous ?
- Ah, je ne me suis pas présentée, désolée. Je suis Hene, la maman de Hegal, Koreh, Ezer et Helin mais aussi la reine des chimères.
- C’est vrai que Hegal devait aller vous prévenir…
- Oui, elle est avec Koreh et Helin. Nous venons tout juste d’arriver. C’est toi qui t’occupe des soins avec Osasun, n’est-ce-pas ?
- Oui et Grimgrim…
- Merci beaucoup !
- C’est mon boulot…
- Tu te trompes ! »

Elle saute et se plante juste devant moi. Ses yeux étaient dépareillés… l’un est fendu à la verticale, tandis que l’autre l’est à l’horizontale.

« Ni toi ni l’Œil du Corbeau n’aurait du avoir à assumer cette tâche. Je confuse que cela ce soit passé ainsi, je suis en partie fautive. C’est mon rôle de les protéger et j’ai échoué. Maintenant, si tu le veux bien, je vais faire le tour de mes camarades. J’espère qu’ils ne vous ont pas posé trop de soucis. »

Elle est sortie, son ton n’avait pas changé. Drôle de créature… elle semblait presque joyeuse… je devrais peut-être prévenir Zorigaitza qu’elle est ici. Et puis, comment se fait-il qu’elle nous connaisse si bien ? Est-ce que Hegal avait été si bavarde à notre sujet ?

Je sors également, toutes les chimères ont la tête levée vers leur reine. Celle-ci est assise au milieu des corps, silencieuse, les oreilles tendues en avant. Peut-être qu’elles communiquent entre elles ? Autant en profiter pour leur distribuer l’eau. Discrètement, je dépose les seaux près d’elle. Il n’y a pas pour tout le monde, alors j’essaie de les répartir pour qu’ils soient le plus accessible possible. Au pire, j’espère qu’elles demanderont avant de se laisser mourir de soif.

Soudain, un hurlement s’élève. Je me tourne vers Hene, sa tête pointe vers le ciel, les babines entrouvertes. Le sol tremble, l’eau s’agite. Elle est carrément effrayante… son chant n’est que colère. Je frissonne et me fais tout petit. Sa haine est écrasante comme si un ouragan de menaces s’abattait.

Elle est rejointe par les chimères rescapées, un chœur triste et las mais pas moins puissant. Leurs émotions sont poignantes, ruisseau clair, violent torrent. Le temps se suspend, chaque note envahit l’espace. Incapable de me libérer de cette terrible symphonie, je subis chaque son.

Finalement, le concert se tasse, le chef d’orchestre se tut. Les blessées l’imitent timidement. Leurs yeux sont humides, dégoulinant comme la pluie. Rapidement, des chants leur répondent, plus légers, soulagés, à peine plus joyeux. Ils inondent le Continent comme ils ne l’ont jamais fait auparavant. Je baisse les yeux, mes mains tremblent, elles se tâchent de gouttes. Il ne pleut pas pourtant. Mes genoux flanchent, leurs sentiments sont de la torture. Leur douleur est un océan sans fin qui déverse à travers leurs voix. Comment pourrais-je soigner ça ? C’est impossible.
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Messagepar New Mentali » 07 Juin 2020 10:47

[Changement de narrateur : Ext. ]

Ezer se réveilla dans la soirée. Il avait chaud, très chaud, trop chaud. Il était carrément fiévreux. L’esprit embrumé, il constata qu’il était à l’infirmerie. Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Il remarqua Azken, assis devant le plan de travail, en train de préparer un mélange à l’odeur immonde, le regard vague. Ses cernes indiquaient qu’il n’avait pas eu beaucoup de répit ces derniers jours. D’ailleurs, depuis combien de temps dormait-il ? Le garou n’avait du tout envie d’y réfléchir, il avait faim, soif et se sentait mal.
Il remarqua alors qu’un verre d’eau était posé sur la table de chevet… il tenta de se redresser, une douleur lui arracha un gémissement. Azken se tourna vers lui, visiblement surpris.

« Evite de bouger, tu risques de rouvrir tes blessures. »

L’elfe abandonna son travail pour rejoindre le garou. Il lui donna le verre, l’autre le vida.

« Comment tu te sens ?
- Plutôt mal dans les faits, répondit Ezer d’une voix enrouée.
- Sinon tu ne serais pas cloué au lit.
- Et toi alors ? Avec la tête que t’as, tu pourrais presque me rejoindre.
- Je vois que tu ne vas si mal que ça…
- J’ai chaud. »

Azken posa sa main sur le front d’Ezer. Il ne mentait pas.

« Je vais te donner quelque chose pour la fièvre, bouge pas.
- Comme si je pouvais…
- Même cloué au lit tu es insolent, c’est incroyable… »

Quelque part, c’était la preuve qu’Ezer était en bonne voie de guérison.

« Depuis combien de temps je suis là ?
- Une journée, mais ça en fait deux que tu pionces.
- Oh, d’accord. »

Soudain, Ezer se souvient. Il se redressa brusquement, inquiet.

« Et les chimères ?! Comment elles vont ? »

Une violente douleur lui arracha un nouveau gémissement. Il fut contraint de se rallonger et se recroquevilla sur lui-même, souffrant.

« Je t’ai dit de ne pas bouger ! »

Azken récupéra un Solea et rejoignit Ezer. Celui-ci se tenait le côté et visiblement, ça piquait. L’elfe retira la couverture.

« Fais-moi voir ! »

Ezer dégagea ses mains, laissant apparaitre un bandage rouge sang. L’elfe fulmina quelques insultes, heureusement qu’il l’avait prévenu.

« Les chimères, comment elles vont ?
- Elles vont bien ! Commence par guérir avant de t’occuper d’elle ! Avale ça ! »

Azken lui donna le petit fruit rouge avant d’aller chercher de nouveaux bandages et de quoi désinfecter. Il s’enfila une bille de Zerifi au passage, pour le moral.

« Je te préviens, je vais manquer de patience alors tu as intérêt de filer droit, sinon je te promets que je te laisse te débrouiller tout seul. »

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Ce n’est qu’après une semaine qu’Ezer fut autorisé à se lever. Azken lui a fermement conseillé de ne pas forcer et il avait promis de s’y tenir. Pour la première fois depuis la mission, il rejoignit les chimères qui elles aussi avaient bien récupéré. Pas suffisamment pour que l’elfe se repose, mais elles avaient fini par accepter celui-ci. C’était bien le seul d’ailleurs, Osasun et Grimgrim étaient souvent accueillis par des grognements. Les autres, ce n’était même pas la peine d’en parler. Chacun s’était fait à la situation.
La première chose que fit le garou, c’est de rejoindre Helin qui avait repris du poil de la bête, bien que toujours clouée à terre. Il se jeta à son cou. Elle ne semblait pas moins heureuse de le revoir. Koreh et Hegal se joignirent au câlin.

« Je suis heureux que nous soyons réunis.
- Grâce à vous trois, ronronna Helin.
- Grâce à nous tous, corrigea Hegal.
- Je crois que nous formons une bonne équipe, conclut Koreh. »

De loin, Azken les surveillait. Leur retrouvaille le fit sourire. Ils les enviaient un peu, il était loin d’être aussi proche avec son frère et sa sœur. Peut-être qu’il devrait quand même aller les voir quand toute cette affaire sera finie ?

« Ils sont mignons, n’est-ce-pas ? »

Azken sursauta. C’était Hene.

« Oui. Ils s’aiment beaucoup.
- Je suis fière d’eux. Ils ont tous trouvé leur voie, et aujourd’hui, je n’ai plus grand-chose à leur apprendre. Tu sais, c’est la plus belle chose pour une mère que de voir ses enfants s’épanouir.
- J’imagine…
- Tu verras quand tu auras des enfants ! C’est épuisant mais le résultat est gratifiant ! s’amusa la reine.
- Je peux vous poser une question ?
- Bien sûr !
- Comment en êtes-vous arrivé à adopter Ezer ? Je veux dire, les chimères sont très distantes des humains et vous avez un nombre de secrets incalculable à garder…
- Les circonstances ont beaucoup joué. Ezer n’était qu’un nourrisson lorsque je l’ai recueilli, je n’allais pas le laisser à lui-même. Tu sais, un enfant est un enfant, peu importe son espèce. Et puis, j’espérais que sa présence efface la méfiance de l’humain chez mes propres enfants. J’ai la conviction que nous pouvons tous vivre ensemble, et c’est ce que je leur ai toujours dit à tous les quatre.
- Je vois…
- Si aujourd’hui cette conviction a été malmenée, je m’y accroche toujours. J’aimerai que mes enfants vivent dans un monde paisible où ils peuvent s’épanouir, et cela n’est pas possible si les peuples ne coopèrent pas. C’est l’héritage que je veux leur laisser. Ainsi, il est aujourd’hui de mon devoir que justice soit rendue, en tant que reine pour mon peuple mais aussi en tant que mère, pour mes enfants et leur avenir.
- Qu’allez-vous faire ?
- Je connais les responsables de cette affaire. Je les dénoncerai et je m’assurerai qu’ils ne s’en tirent pas comme ça. Dans les faits, j’aimerai qu’ils soient condamnés mais aucun texte ne punit ce genre de crime. Je veux dire, ce qu'ils ont fait n’est ni un meurtre, ni du vol, ni une guerre. C’est au-dessus de tout ce qui est aujourd’hui condamnable. De plus, en tant que représentante d’un peuple mineur, je n’ai pas une voix si importante au Conseil. Ce sera difficile de réclamer justice lorsque la justice est régie par les coupables.
- Qui sont les coupables exactement ?
- L'empereur, ses conseillers, ainsi qu’un groupe de chercheur. Il y a plus d’une décennie, un archéologue ainsi qu’un connaisseur en matière de magie ont monté un projet. Après avoir étudié les ruines de l’Ancien Monde, ils ont conclu que les habitants de cette ère maîtrisaient bien mieux la magie bien mieux que nous aujourd’hui et que leur civilisation était bien plus avancée. De plus, ils ont retrouvé des fresques dépeignant des chimères ainsi que des boîtes à musique dont les mélodies ressemblaient aux nôtres. Ils étaient clairs pour eux que nous détentions des secrets sur l’Ancien Monde et qu’en étudiant notre magie, ils obtiendraient la possibilité de mieux comprendre comment nos ancêtres se sont élevées. Ce projet a été présenté à l’empereur et ses conseillers avec la mise en avant des progrès techniques que le monde pourrait faire si on parvenait à déchiffrer les ruines et notre magie. À ce moment-là, il n’était ni question d’enlever qui que ce soit, ni de se livrer quiconque à la torture. Les conseillers ont voté pour à la majorité sous réserve que les chimères soient consentantes. C’est après que la situation a dégénérée. Les deux chercheurs et leurs équipes ont obtenu le droit de s’installer dans les souterrains sous le château. Ils ont alors commencer leurs enlèvements sans laisser de traces grâce une combinaison de magie astucieuse. Personne n’a vérifié leurs agissements jusqu’au premier rapport. L’empereur et quelques conseillers sont descendus dans le souterrain. Cela ne faisait qu’un an, il n’y avait que deux chimères vivantes et deux cadavres. Les chercheurs se sont alors expliqués. L’empereur aurait simplement dit : « Les chimères sont nombreuses, faites à votre guise tant que cela ne se sait pas et que vos rapports restent aussi bon que celui-ci. ». Et les choses ont continué. La vérité, c’est que j’aimerai beaucoup voir ces rapports, tant parce que qu’ils ont découvert m’intéresse que parce qu’ils constitueraient une preuve incontestable de ce qu’il s’est produit. Les preuves sont mon dernier obstacle. Je n’ai que les témoignages de mes compagnons. Tout ceux qui ont fouillé le château n’ont rien trouvé et je pense qu’à présent, ces documents ont été brûlés ou soigneusement rangés.
- Les chercheurs sont toujours en vie ?
- Certains oui. Si je leur fais du mal, on me le reprochera. Zorigaitza m’a proposé que l’Œil s’en charge mais j’ai refusé. Il est difficile pour moi d’accepter votre aide avec la réputation que vous traînez. Ils seraient capables de m’accuser de trahison.
- Le prochain Conseil est dans trois semaines. Vous allez attendre jusque là ?
- Non. Je vais demander la publication d’un article dans le journal.
- Vous ne passerez pas la censure.
- Sauf s’il n’y en a pas.
- Vous comptez demander aux Pirates ?
- Exactement. C’est parfaitement illégal, mais je pense que c’est une faute mineure par rapport à ce qui s’est passé. Je pourrais m’en défendre.
- Je vois…
- Le but est de ne pas laisser les braises s’éteindre jusqu’au prochain conseil. J’ai beaucoup discuté avec Zorigaitza. Je peux difficilement saluer vos actes sans me faire insulter de traîtresse, bien que je vous sois redevable, et nous nous sommes entendus pour que je ne me positionne pas. En contrepartie, il se présentera au conseil avec moi. Je prendrai également Helin avec moi, si elle accepte. J’aimerai qu’elle témoigne, je ne lui en ai pas encore parlé et je ne l’y obligerai pas.
- Quand cet article paraîtra ?
- Après demain, je l’espère. »

Hene était déterminée. Elle savait ô combien il était important qu’elle fasse entendre sa voix. Elle se répétait son texte pour entretenir sa colère, trois semaine c’était long. Elle n’avait cependant pas le pouvoir de convoquer ses égaux plus tôt. En revanche, elle pouvait expliquer la situation à tous par le biais du journal continental « Le Pirate ».

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Ezer toqua à la porte du bureau de Zorigaitza. Il redoutait le Conseil qui avait lieu dans deux jours. Il en connaissait les tenants, les aboutissants et surtout les dangers.

« Entrez ! »

Le garou poussa la porte et la referma derrière lui.

« Je ne te dérange pas ?
- Non. Qu’est-ce que je peux faire pour toi, Ezer ?
- Je ne sais pas. Je crois que je cherchais juste un peu de compagnie.
- C’est bien la première fois que tu rentres dans ce bureau sans une idée derrière la tête.
- C’est possible.
- C’est le Conseil qui te préoccupe ?
- Ouais. Je sais qu’on a toutes les cartes en main, pour autant je ne le sens pas trop.
- Tu parles pour les chimères ou pour nous ?
- Pour les chimères. Je veux dire, Helin va témoigner, les Pirates ont accepté de publier les articles de Maman, ils lui ont même fourni de vieux rapports sur les recherches menées… on ne peut pas rêver meilleure situation pour les accuser. Leur défense est carrément minable en plus… prétendre que toutes les chimères étaient consentantes, annoncer que c’était pour trouver un remède à la Canker, c’est n’importe quoi. Même les Pirates ont démenti leur version et si cela vient d’eux, alors personne ne peut rien dire.
- Les Pirates ont pris des risques. L’empire doit leur vouloir. Ils risquent d’être accusé de prendre partie, ce qui est contre leurs valeurs.
- Ils le seront à tord. J’ai relu plusieurs fois leurs articles, ils ne font qu’énoncer des faits. Ils ne peuvent pas moins orienter leurs textes. Là où il y a plus de risques pour eux, c’est qu’on découvre qu’ils ont volé et refilé les rapports des recherches.
- D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas annoncé plus tôt la vérité alors qu’il la connaissait avec certitude.
- C’est là je pense que tu fais erreur. Ils étaient au courant des recherches et de l’existence des rapports. En revanche, je ne suis pas sûr qu’ils saisissaient parfaitement la situation. Je veux dire, ils n’ont pas vu les chimères, n’ont peut-être jamais trouvé la salle où elles étaient enfermées et ne faisaient pas de lien avec d’autres événements. Je pense qu’ils n’avaient pas assez d’éléments pour dénoncer quoique ce soit.
- Ça se tient.
- Il ne reste qu’une question à laquelle je n’ai pas de réponse.
- Laquelle ?
- Lorsque nous cherchions au château avec Koreh, nous avons découvert la salle où elles étaient enfermées grâce à un tunnel peu large et inutilisé. Il a été creusé depuis une dépendance et c’est un cul de sac qui s’arrête sous la salle en question. J’ai la certitude qu’il a été creusé par quelqu’un qui en connaissait l’existence. Mais qui ? Pourquoi ? Quand ? Je n’en ai pas la moindre idée.
- En effet, c’est intriguant.
- Enfin, j’imagine que c’est un détail. Ça ne devrait pas changer grand-chose à l’issue de cette affaire.
- Je ne pense pas.
- D’ailleurs, quel rôle tu joues ? Je veux dire, Maman accuse, Helin témoigne… et toi ?
- Aucun. Je n’ai normalement pas à prendre la parole. Je n’interviens que si quelqu’un attaque l’Œil du Corbeau. Si je les accompagne, nous faisons finalement bande à part.
- Je vois. Tu as répété ton texte ? sourit Ezer.
- Plus ou moins. C’est difficile d’anticiper les attaques, mais tant que je réponds franchement, ça ira. Nous avons moins à perdre que les chimères.
- Je n’en doute pas. On fait un jeu ?
- Un jeu ?
- Je n’ai qu’à t’attaquer comme ils le feront probablement au Conseil, et tu réponds.
- Pourquoi pas ! s’amusa le meneur. »

Ezer se racla la gorge et rassembla ses talents d’imitateur. Il n’avait jamais assisté à un Conseil, n’ayant que les échos de sa mère et ses sœurs qui elles, s’y étaient déjà rendues.

« L’Œil du Corbeau n’est qu’une organisations de malfaiteurs ! Si quarante chimères ont été tuées, combien de personnes cette organisation a assassinées ?! Les bombes dans les usines d’Ous, c’était eux, l’assassinat de la famille Kamintan, c’était eux, le gaz toxique au festival de Lurra, c’était eux ! Et je ne vous parle là que d’une infime portion de leur crime ! Si l’on accuse l’empereur, ses conseilles et les chercheurs, permettez-moi de pointer du doigt ce groupe de malfrat aujourd’hui représenté. Si quelqu’un doit être condamné, c’est eux !
- L’empire fait plus de victimes que l’Œil du Corbeau n’en fera jamais ! Tous ces événements sont survenus suite aux ingérences du pouvoir en place. Trouvez-vous normal que certains se font de l’argent sur des réseaux de prostitution, d’esclaves et de drogue quand d’autres sont mis à mort pour avoir volé un croûton de pain afin de nourrir leurs enfants ? Ceux que nous visons sont des gens pourris et malveillants. Nous tuons seulement si cela peut sauver des vies, sans torture ou douleur. Nous ne sommes pas les plus à blâmer aujourd’hui. Ceux qui doivent être condamnés sont ceux qui ont souillé le Continent du sang de leur propre peuple ! Ils ont usé des pires tortures sur ceux qu’ils ont juré de protéger ! C’est de la trahison ! Aucun motif n’est recevable pour ce genre de crime ! »

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Et le jour du Conseil arriva. Hene, Helin et Zorigaitza étaient partis à l’aube. Puis, discrètement, Ezer et Hegal s’étaient lancés sur leur pas. Tous deux s’inquiétaient, et ils préféraient se rendre sur place pour assurer les arrières de leurs camarades. Le plus gros risque était que Zorigaitza se fasse attaquer avant ou après le Conseil. Ils allaient donc veiller à son intégrité physique de loin…

La reine des chimères, sa fille et le chef d’une des organisations clandestines les plus connues du Continent arrivèrent dans l’après-midi au château. Hene semblait de bonne humeur, comme souvent. Elle ne laissait rien paraître de la pression qu’elle avait aujourd’hui. Tout son peuple comptait sur elle, elle ne pouvait pas les décevoir. De plus, elle allait se battre pour ses valeurs, ses convictions. Jusqu’ici, elle avait été très tolérante, mais c’était fini maintenant. Ils avaient été trop loin.
Zorigaitza était nerveux de revenir au château. Cela faisait au moins deux décennies qu’il n’avait pas assisté à un Conseil, c’était avant qu’il ne se fasse écarté du pouvoir. Allait-il revoir son frère ? Comment celui-ci allait-il réagir ? Probablement mal. Ils ne s’étaient jamais entendus. Contre toute attente, il ne se sentait pas si coupable que ça d’accuser son propre père et ses copains. Après tout ce qu’il avait vu, il n’y avait pas à hésiter. Il savait que son combat était juste et justifié.

Helin était silencieuse. Elle avait tellement ressassé ce qu’elle avait vécu. Elle n’allait pas fléchir devant le monde. Sa douleur était vive, mais elle avait répété son texte. Il n’y avait pas de doutes à avoir.

Ils furent accueillis par quelques gardes et un conseiller. Ces derniers se figèrent en reconnaissant Zorigaitza. Pour plaisanter, celui-ci leur fit coucou de la main.

« Il est avec moi, les rassura Hene.
- Mais…
- Je ne vous demande pas votre avis. »

Elle avait avancé vers eux, menaçante. Ils reculèrent devant ce saut d’humeur. Si les chimères restaient un peuple mineur, Hene n’en était pas moins reine. Et devant l’hésitation de chacun, elle soupira et fit signe à ses deux complices de la suivre. Elle connaissait le chemin, cela faisait des centaines de fois qu’elle l’empruntait.

À leur passage, les soldats louchaient sur le brun, bien encadré par les deux chimères. Sans oser intervenir, ils se regardaient avec inquiétude. Qui allait se désigner pour prévenir tout le monde ? Qui allait se lancer dans sa capture ? C’est ainsi que le trio rejoignit la salle du Conseil sans accrochage. C’était presque trop facile.

La salle était immense, lumineuse. Plusieurs meneurs étaient déjà là. Le conseil ne commençait qu’en fin d’après-midi mais beaucoup aimait se retrouver avant pour des discussions plus officieuses. À la table, Zorigaitza reconnut le chef des pandis, le roi et la reine des harpies, le président du conseil des elfes. Seul un personnage lui était inconnu : un homme seul dont la peau était parsemée d’écailles. De quelle espèce était-il ?

« Bonjour tout le monde, salua Hene. »

Elle était détendue, comme à chaque conseil. Rien ne semblait indiquer qu’elle allait délibérément attaquer le roi pour des crimes aussi graves que ceux commis. Elle s’installa sous les retours de salutations de ses homologues à sa place, au bout de la table, en face de l’homme isolé. Hene se tourna vers lui.

« Excusez-moi, je crois que nous ne nous sommes jamais rencontrés. Vous représentez les dragons ?
- C’est exact. Je m’appelle Dagondan, ravi de vous rencontrer.
- Je suis Hene. Je suis honorée de vous connaître ! C’est votre premier Conseil, je me trompe ? Soyez le bienvenu !
- Merci beaucoup, votre amabilité me touche. J’avais peur qu’on me voit comme un arriviste, les dragons sont si peu présents.
- On ne peut pas être bon partout, se moqua gentiment la chimère avant de reprendre un semblant de sérieux. Le Conseil a été créé pour garantir l’égalité et le dialogue entre les espèces, il est normal de vous y accueillir comme n’importe qui d’autre !
- C’est vrai. Mais j’ai cru comprendre que ces dernières années, le Conseil a perdu ces valeurs essentielles entre les peuples. De nombreuses guerres en témoignent.
- Vous venez corriger ça ?
- Pas vraiment… je viens surtout vous écouter.
- Oh vraiment ? Vous allez me rendre nerveuse !
- Vous avez fait trembler le Continent, accusé publiquement le plus haut placé en ce monde et certains de ses sujets, je ne pense pas qu’un auditeur de plus vous fasse peur.
- Effectivement, mais j’avoue que je ne m’attendais pas à ce qu’un dragon se déplace pour m’écouter. J’espère simplement être à la hauteur de l’intéressement que vous me portez ! sourit la chimère.
- Je suis sûr que vous le serez, ma chère. »

Zorigaitza était assez impressionné par l’aisance de Hene avec cet inconnu qui représentait le plus puissant des peuples. Si les dragons ne se mêlaient pas des affaires du Continent, personne n’ignorait leur force et leur magie colossale. On racontait que d’un souffle, ils pouvaient détruire des villes entières.

Il remarqua alors qu’il était fixé, et pas par des regards accueillants. Les autres leaders et leurs conseillers ne semblaient pas ravis de le voir. Finalement, président du conseil elfique manifesta ouvertement son mécontentement.

« Est-ce qu’il était vraiment utile de ramener un criminel ici ? lança-t-il à Hene non sans agressivité.
- Nous en reparlerons lors du Conseil cher ami, fit-il d’une voix légère.
- Ton comportement est inadmissible… comment peux-tu permettre à ce traître d’assister à une réunion aussi importante que celle-ci ! Tu es complètement irresponsable !
- Je ne reviendrai pas sur ma décision. Chaque chef a le droit à deux invités pour le soutenir et le conseiller lors du Conseil, tout est en règle.
- J’espère que tu as conscience qu’il va se servir de toutes les informations qu’il va entendre pour mieux nous poignarder par derrière ! »

Hene se tourna vers Zorigaitza. Elle ne pouvait pas vraiment le défendre sans s'engager à ce stade.

« Rassurez-vous, répondit le brun, je n’ai pas besoin de venir ici pour savoir ce qu'il s’y dit. »

Dans les faits, le Conseil n’était pas une source d’informations très consistance pour l’Œil. Le journal des Pirates leur apportait bien plus de matière à traiter. De plus, les décisions prises ici s’observaient sans trop de problèmes à leur application.

« Garde ton insolence, sale rat ! Je ne comprends même pas comment on a pu te laisser rentrer ici. »

Zorigaitza ne répondit pas, il se fichait pas mal qu’on l’insulte ou qu’on le traîne dans la boue. Aujourd’hui, il y avait des sujets plus importants à traiter. Il s’était couché hier soir en se disant qu’ils allaient tourner une page de l’histoire ce jour, mais cela ne se ferait pas en dispute stérile.

Un nouvel arrivant pointa le bout de son nez : le chef des villages caprins. Celui-ci était accompagné de deux collègues. Il salua les présents d’un geste de main. Son regard s’arrêta sur Zorigaitza, mais il ne fit aucune remarque et alla s’asseoir à sa place. Il ne semblait ni contrarié ni fâché et se lança dans une discussion avec les deux harpies.

Zorigaitza se tourna vers Helin, elle semblait anxieuse, les oreilles rabattues en arrière. En se sentant observée, elle leva la tête.

« Je vais bien, ne t’inquiète pas. C’est simplement que c’est la première fois que je vais prendre la parole devant tout le monde et pas pour parler d’un sujet facile. Ça ira, je me suis entraînée avec mes frangins. »

Trois hommes entrèrent dans la salle. Helin se raidit en les reconnaissant : l’empereur Guratza, son fils hériter et le premier conseiller.

« Bonjour à tous ! salua le souverain. Soyez les bienvenus à ce nouveau Conseil. »

Tous répondirent, même Hene et sa bonne humeur. Seul Zorigaitza et Helin restèrent silencieux, l’un par discrétion et l’autre par haine. La jeune chimère avait la brusque envie d’en découdre maintenant, mais elle se retint, pétrissant le sol de ses pattes. Chaque chose en son temps…
Guratza passa devant le meneur de l’Œil et s’arrêta devant lui.

« Je peux savoir ce que tu fais là ?
- Il m'accompagne, répondit Hene.
- Je vois. »

Et il passa son chemin, le regard froid. Zorigaitza n’avait pas bronché, il n’avait pas peur. Il savait pourquoi il se battait aujourd’hui, et s’il fallait être culotté pour triompher, alors sa présence ici avait du sens.

« Vous laissez passer ça ? s’insurgea l’elfe attablé. Les criminels n’ont pas leur place ici ! On devrait profiter de l’avoir ici pour le capturer et l’envoyer à la potence !
- C’est contre les règles du Conseil. Nous verrons cela quand il sera terminé.
- Cela fait des années et des années qu’il coure dans la nature en semant le trouble partout il passe et lorsqu’on a l’occasion que justice soit rendue, on ne la saisit pas ! C’est scandaleux !
- Il a raison, ajouta le roi des harpies. Faire un Conseil en sa présence, c’est insensé. C’est les chefs de nation qui se rassemblent ici, pas les criminels.
- Je comprends votre mécontentement.
- Et ? s’enquit l’elfe.
- Voyez ça avec Hene. »

La chimère haussa un sourcil. Il pourrait assumer ses responsabilités d’empereur l’autre quand même… enfin, au moins il ne piétinait pas encore tout à fait les règles du Conseil.

« Pas la peine de débattre ! sourit la reine. Je ne change toujours pas d’avis.
- Pauvre folle ! L’âge te rend complètement malade ! clama l’elfe.
- Quoi ? Que dites-vous ? J’ai des rides dans les oreilles, j’entends mal, mima Hene pleine d’insolence.
- Je te promets que tu n’en tireras pas comme ça !
- C’est une menace ou mon audition me fait encore défaut ?
- Pas la peine de t’exciter Hene, gronda l’empereur.
- Désolée, ce doit être l’impatience qui me gagne. »

Sa bonne humeur était une provocation à elle seule. L’atmosphère se tendit dans un drôle de silence. Zorigaitza la trouvait très virulente pour un avant Conseil. Pour autant, il la trouvait égale à elle-même. Après un mois presque de discussion et d’échanges, il s’était habitué à son tempérament doux, joyeux et insolent. Elle avait encore de l’énergie à revendre malgré des décennies de règne. Elle était déjà reine à la naissance du meneur et il n’avait aucune idée de l’âge qu’elle pouvait avoir, ni d’ailleurs de l’espérance de vie d’une chimère.

Le brun se risqua à traîner son regard dans la pièce. Il commençait à se dire que sa présence portait plus préjudice à Hene qu’autre chose. Il avait prévu que cela provoquerait des tensions mais pas si vite. Au-delà de ça, il était très étonné du comportement de son père. Si celui-ci avait été aussi froid qu’une porte prison, il n’avait pas protesté plus que ça. Pas que les règles l’y autorisaient mais il se serait attendu à quelque chose de plus dissuasif vis-à-vis d’Hene. De plus, il semblait parfaitement calme, comme s’il ne craignait rien de ce qui allait se produire. Derrière lui, Azmin, l’héritier du trône, semblait plus nerveux. Debout — seuls les chefs s’asseyaient —, il se balançait lentement d’un jambe à l’autre.

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Les autres meneurs arrivèrent et s’installèrent. Lorsque chacun fut assis, la réunion pu commencer.

« Je vous remercie de vous être déplacés pour ce nouveau Conseil. Puisse la volonté de rendre le Continent un lieu paisible nous guider dans nos choix. Commençons par notre habituel tour de table ! »

Il se tourna vers son voisin de droite, le président du conseil elfique.

« Dernièrement, notre peuple a été secoué par des manifestations et des protestations de la part des ouvriers. Cela a déréglé quelque peu notre économie, mais la situation reste sous contrôle. Grâce à notre armée, nous avons pu calmer les tensions. La situation rentre dans l’ordre. »

D’un regard, il offrit la parole à son voisin d’en face, un autre elfe qui représentait le peuple elfique et féerique de l’île du sud.

« Cette année la pêche est bonne et le temps est doux. Cependant, ces derniers mois, on nous a signalé que des fées remonteraient des projets pour leur indépendance. Cela fait très longtemps que nos deux espèces cohabitent et il n’est toujours pas question de briser cette entente. Nous devons rester unis pour affronter l’avenir. Ainsi, j’ai demandé aux castes d’être vigilantes et de surveiller ces individus qui restent minoritaires. Rien d’inquiétant donc. »

D’un signe de tête, il autorisa le chef des villages caprins à continuer.

« Nos récoltes n’ont pas été aussi bonnes qu’espérées. Les insectes ont ravagé certains de nos champ et nous craignons un hiver difficile. En contrepartie, ce mois-ci, deux nouvelles usines ont ouvert à Oux et les travaux du port avancent bien. Nous espérons qu’ils seront finis au retour de la belle saison. »

Puis d’un geste de main, il invita le chef des pandis, le Grand Nomade, à poursuivre.

« Il n’y a aucun problème à signaler de notre côté. Le désert s’est montré clément et notre commerce prospère. »

Le roi des nains prit la suite.

« Nous avons effectué un agrandissement du port de Bomn en vue de nouveaux partenariats commerciaux. Nous sommes en train de développer des bateaux plus résistants et plus grands. Cela nous permettrait à terme des échanges de plus grandes ampleur. Bien sûr, nous en avons confectionné un prototype et souhaitons le tester en lui faisant faire le tour du Continent. Bien sûr, nous n’envisageons pas cela sans votre autorisation à tous au préalable et il ne partira pas avant plusieurs essais dans nos eaux. Celle-ci nous apporte d’ailleurs suffisamment à manger, et les récoltes nous garantissent de passer la saison froide à l’abri de la famine. »

Il conclut là-dessus et offrit la suite au roi des harpies.

« Notre peuple se porte bien malgré quelques violentes tempêtes. La nourriture a pu être protégée et nous avons réussi à redonner un abri à tous ceux qui ont perdu le leur. »

La reine des harpies poursuivit.

« Au sud, les montagnes nous nourrissent suffisamment. Nous envisageons sereinement la saison froide. Nous craignons cependant la nouvelle saison, nous avons remarqué que les Ouzres ont eu des portées nombreuses cette année. Ils vont hiberner, mais nous craignons qu’ils pillent notre nourriture lorsqu’ils se réveilleront. Nous comptons les dénicher avant que cela n’arrive et réguler leur population. Nous récupérerons leur peau à des fins commerciales. »

Cela dit, elle se tourna vers le Messager, représentant des tribus féeriques du nord.

« Le temps s’est refroidi très tôt cette année, le gibier s’est vite caché. Nous jugeons nos réserves suffisantes. Les selkies nous aident en nous troquant de la viande contre des peaux. »

Il se tourna vers son homologue des dragons.

« Je vais commencer par me présenter, je m’appelle Dagondan, je suis le Cadet depuis peu. »

Le Cadet était l’individu qui s’occupait des affaires avec les autres espèces. Il est choisi au cours d’un tournoi où il s’avère être le plus faible.

« Les dragons n’ont aucune intention de venir se mêler des affaires du Continent, à moins qu’à l’unanimité ils le jugent utiles. Ma présence ici n’est cependant pas totalement désintéressée. »

Il se tourna vers Hene, lui laissant la parole. C’était la dernière à parler. Sa bonne humeur ne s’était pas tarie avec les annonces de ses homologues.

« Il y a une onze ans, une chimère a disparu. Puis, une deuxième. Puis, bien d’autre jusqu’à maintenant. Cinquante-cinq de mes semblables se sont volatilisés du jour au lendemain, sans laisser de trace, à intervalle régulier. Il y une lune de ça, ma fille, Hegal, m’a réveillée au milieu de la nuit. Que m’a-t-elle dit ? « Nous les avons retrouvées. Helin est mourante. Ezer a des problèmes. » et je l’ai suivie. Elle m’a menée jusqu’à quinze des cinquante-cinq disparus, plus deux petits. Toutes étaient malades, meurtries, misérables. Vous vous demandez peut-être ce qu’il s’est passé ? Helin, que vous connaissez puisqu’elle m’accompagne toujours aux Conseils, est la dernière chimère qui a été enlevée. Je pense qu’elle peut vous conter son histoire. »

Hene se tourna vers sa fille avec le charisme d’une reine et la douceur d’une mère. Helin leva les yeux vers la petite assemblée. Elle était devant les plus puissants de ce monde, sur un sujet inconfortable, complètement nerveuse. Son texte ne fut qu’un blanc. Incapable de s’en souvenir, elle inspira et se laissa guider par ses mots.

« Un matin, deux hommes sont apparus dans ma tanière. Ils m’ont prise par surprise, m’ont endormie grâce à un sort. Lorsque je me suis réveillée, j’étais enfermée. L’odeur de la mort, du sang, des déjections, de la peur était étouffante, l’air lourd et chaud, oppressant. Invivable. Dans ma cellule où je ne pouvais pas faire deux pas sans que ma truffe ne rencontre un mur, il y avait une deuxième chimère nommée Gheta. Elle est morte le jour d’après. J’ai vécu avec son cadavre froid et sanglant un mois. »

Sa voix tremblait. Son corps tremblait. Son cœur tremblait. Ses émotions vibraient.

« Chaque jour, des hommes, des chercheurs venaient. Ils forçaient une chimère, parfois deux, à utiliser leur magie. Si elle refusait, ils la battaient jusqu’à ce qu’elle coopère. Et vous savez quoi ? Elles pleuraient, hurlaient, souffraient, elles m'ont déchirée. Leur douleur était la mienne et nous pleurions à nous en brûler les yeux. Et finalement, mon tour est venu. Ils m’ont demandé d’utiliser un sort qui permet de créer la vie à partir de la magie. J’ai refusé. »

Elle s’arrêta une seconde pour regarder l’assemblée. Personne ne semblait s’émouvoir de son récit, mais elle ne perdit pas confiance.

« Ils m’ont battue et lorsque je leur ai parue suffisamment faible, ils ont ouvert la cellule. J’ai été plaquée contre le sol couvert d’excrément. Mes ailes ont été brisées. J’ai failli m’évanouir sous la douleur. J’avais peur. Peur de mourir. Mais ils m’ont forcée à rester éveillée. Et comme vous pouvez le constater, ils ont fini leur œuvre. »

La voix de la chimère s’est brisée. Elle du prendre une grande inspiration pour trouver le courage de continuer.

« Ils m’ont laissé à moitié morte, là. »

Puis, son regard s’est tourné vers Zorigaitza.

« Finalement, l’Œil du Corbeau a mis son nez dans cette affaire et est venu nous libérer. Nos cellules se trouvent dans les souterrains, pas très loin d'ici. Nous avons été évacuée en lieu sûr et cette organisation que vous méprisez tant nous a soignées et nourries. »

Ses yeux défièrent les élites présents d’en faire autant. Hene ramena l’attention à elle.

« Merci Helin. Maintenant que vous en savez un peu plus sur le crime que je dénonce, vous devez vous demander qui sont les coupables. Enfin, si vous avez lu « Le Pirate », vous devez avoir quand même une très vague idée de la réponse. »

Elle planta son regard de celui de l’empereur avec une féroce animosité.

« J’accuse l’empereur Guratza ici présent, les trente conseillers d’il y a onze ans ou qui étaient au courant de cette affaire, ainsi que les chercheurs qui ont monté cette mascarade, d’avoir permis l’enlèvement et le meurtre de quarante chimères et d’avoir détruit l’existence de dix-sept autres. C’est un crime inacceptable. Ils ont trahis leur propre peuple et toutes les valeurs que nous, rois, reines et élus de ce monde, essayons de protéger ! »

Silence.

« J’imagine que j’ai le droit de parler maintenant que tu as fini ton cirque, Hene ?
- Je vous en prie, gronda la reine. »

L’empereur s’avança sur sa chaise richement parée.

« Je vais compléter ton histoire avec mes informations. Effectivement, des spécialistes en archéologie et sur l’Ancien Monde sont venus me voir pour monter un projet. Ils sont passés devant les conseillers et moi-même. Ils étaient persuadés que les chimères avaient un lien avec les ruines et les vestiges de l’Ancien Monde, en revanche, à aucun moment ils n’ont mentionné de faire d’expérience sur tes sujets. Ainsi il a été convenu qu’en échange des résultats de leur recherche, qui devait se dérouler essentiellement dans les ruines et non dans les souterrains de Lurra, nous leur fournirons des financements et quelques hommes. Rien de plus. Si cela ne s’est pas déroulé comme prévu, nous n’en sommes nullement responsables. En revanche, ce dont tu m’accuses est très grave, mais j’imagine que tu le sais mieux que quiconque. Ainsi j’aimerai que tu appuies tes propos avec des preuve. »

Hene se tourna vers Zorigaitza. Celui sortit des documents de sa sacoche et les tendit à la reine.

« J’ai ici plusieurs rapports de l’équipe de spécialistes en question à votre intention et celle de vos conseillers. Excusez-moi mais ils parlent beaucoup de mon peuple plutôt que des recherches qui devaient se dérouler dans les ruines. Si quelqu’un les a lu, ça aurait du lui sauter aux yeux ! Et puis, vous étiez au courant de ce qui se passait dans les souterrains, je me trompe ?
- Je n’ai jamais lu ces rapports, on ne dirait pas mais j’ai peu de temps pour ce genre de loisir. De plus, je ne suis jamais descendu dans les souterrains pour vérifier ce qui s’y passait. Je n’en connaissais même pas l’existence avant que cette affaire soit déclarée.
- Ce n’est pas ce que m’ont dit les victimes. Mais soit. En revanche, si vous financez un projet, il me semble qu’il est de votre devoir de vous assurez que les bénéficiaires respectent leurs engagements ! Et puis, si vous ne pouviez pas, je suis sûre que l’un de vos subordonnées auraient pu jeter un coup d’œil pour vous. Enfin, c’est facile de se cacher derrière l’ignorance et les autres ! Je suis certaine que vous n’êtes pas aussi idiot que vous ne le laissez paraître.
- Trouve-moi idiot si cela te fait plaisir. En revanche, j’ai plusieurs questions. Pourquoi avoir attendu onze ans avant d’intervenir ? Il me semble que ce délai a coûté la vie à beaucoup de chimères. Pourquoi ne pas avoir parlé de ces disparitions au Conseil ?
- Parce qu’il nous a fallu onze ans pour trouver la vérité. Comme je l’ai dit, les enlèvements ne laissaient pas de trace : pas une empreinte, pas de sang, rien. Ces disparitions se faisaient à intervalle espacé et régulier. J’en ai parlé au Conseil il y a neuf ans en comprenant que tout cela était calculé. Cependant, personne n’y a prêté gare, nous avions d’autres problèmes à régler. Onze ans, c’est le temps qu’il a fallu à l’Œil du Corbeau pour être au courant de l’affaire et qu’il la résolve.
- Où as-tu trouvé ces rapports ?
- Une vielle fée me les a gentiment donnés. Elle m’a dit qu’il venait de ce château, qu’ils ont été volés dans l’étagère des affaires traitées. »

Elle posa un regard insistant sur l’empereur. Si les documents avaient volé dans cette pile de documents, alors le rapport avait forcément été lu. La vieille fée, qui n’était autre que la cheffe des Pirates, n’avaient pas pu mentir. Les Pirates ne mentent jamais.

« Dans quel objectif m’accuses-tu ? Qu’est-ce que tu es venu chercher au juste ?
- La justice. Je demande l’ouverture d’un procès pour juger la part de responsabilité de chacun des acteurs de cette histoire et les punir selon la loi. »

L’empereur et la chimère s’affrontèrent du regard.

« Tu es drôlement culottée de demander un procès lorsque tu ramènes un criminel de la pire espèce ici.
- La pire espèce ce sont les irresponsables et ignorants. »

L’ambiance était tendue.

« Peut-être pourrions-nous… discuter ? »

Tous se tournèrent vers celui qui avait parlé. Dagondan. Il arborait un air gêné de prendre la parole alors qu’il représentait un peuple désintéressé, pour la première fois depuis longtemps.

« Je veux dire… peut-être que chacun pourrait donner son avis sur ce qui a été dit ? Vous entendre vous disputer à deux, ça manque d’intérêt, sans vouloir vous offenser. »

L’empereur se rassit dans le fond de siège.

« Vous avez la parole, fit-il à l’assemblée. »

Silence. Dagondan choisit alors de se lancer.

« Je pense que nous avons tous entendus l’incroyable symphonie que nous offert les chimères il y a un peu moins d’une lune. Au vue des déclarations faites ce jour, je pense qu’il est important de ne pas négliger la douleur de tout un peuple. Nous sommes là pour nous entraider, alors essayons d’apaiser leur peine au mieux. Je n’ai cependant pas de solutions miracles à vous proposer, mais il doit y avoir quelque chose que vous avez l’habitude de faire dans ce genre de cas ? »

Son ton se voulait réconciliateur. Hene lui jeta un regard mauvais. Personne n’avait de solutions miracles face à un crime de cette ampleur ! Elle ne serait apaisée que lorsque justice sera rendue !

« Ouvrir un procès est un peu excessif à mon goût, reprit le représentant des elfes à l’Ouest. Je veux dire, quarante morts en onze ans, ce n’est pas extraordinaire… c’est sans doute ce que nous vivons tous les jours.
- Je ne pense pas que Hene se plaigne du nombre de victimes, remarqua le Messager à demi voix.
- De plus, les elfes sont bien plus nombreux que les chimères. S’ils en meurent quarante, il en nait plus chez vous, ajouta la reine des harpies.
- Quarante, c’est toujours quarante, répliqua l’elfe. C’est parce qu’elles sont moins nombreuses que leur vie à plus de valeur.
- Et quelle solution proposes-tu alors ? Je veux dire, il est difficile de rester impassible après ce que nous venons d’entendre.
- Une compensation financière me paraît plus appropriée qu’un procès qui fragiliserait l’équilibre du Continent.
- Je n’ai que faire de votre argent, gronda Hene.
- Tu préfères des marchandises peut-être ? C’est vrai que l’argent, c’est pas encore arrivé chez vous, mais ça aurait pu être l’occasion, répliqua-t-il avec dédain.
- Je ne veux pas de compensation matérielle, garde ton bois et ton métal. Il n’y a que toi que ça ravit.
- C’est ce dont les pauvres essaient de se convaincre, fit-il ironiquement. »

Zorigaitza se dit qu’il était vraiment insupportable. En revanche, il n’avait pas tord sur l’idée qu’un procès fragiliserait le Continent, surtout avant la saison froide. Le monde avait besoin d’une figure d’autorité pour le diriger et cette figure d’autorité devait jouir du plus de temps possible pour le diriger.

« Si chacun dit la vérité, commença le Grand Nomade, ce dont je ne doute pas, il sera difficile de satisfaire tout le monde. Mais dans la mesure où quelqu’un a délibérément et en toute conscience nuit aux chimères, il est normal que cette ou ces personnes soient punies. D’autant plus que si comme accuse Hene, c’est l’empire qui est coupable, alors la faute est d'autant plus grave. Si compensation il y a, je suis d’avis pour quelle soit morale.
- Tu es pour ce procès ? demanda la reine des harpies.
- Hm… difficile à dire. La saison froide est toujours tendue pour tout le monde. Est-ce raisonnable de planifier un évènement de cette ampleur maintenant ? Pour autant, n’est-ce-pas une erreur de rester passif devant un tel crime ?
- Est-il envisageable d’ouvrir ce procès à la fin de la saison froide ? Celle-ci permettrait d’établir très précisément les tenants et les aboutissants des événements, ainsi que de rassembler toutes les preuves, déclara le roi des nains.
- Qui effectuerait ce travail ? s’enquit le Grand Nomade.
- Formons une équipe. Chacun d’entre nous désignera une personne de confiance pour mener les recherches. Ce groupe nous présentera les résultats dans deux conseils, et nous pourrons envisager ou pas d’ouvrir un procès. Cela nous permettra de ne faire aucun jugement hâtif, d’avoir une certitude sur ce qui s’est passé, et de passer une saison froide sereinement.
- Ce n’est pas une mauvaise idée…
- Dans ce cas, pourquoi ne pas ouvrir aussi un procès pour les crimes de l’Œil du Corbeau ? C’est bien de dénoncer les plus hauts placés, mais il faudrait aussi s’occuper des vermines, remarqua toujours le même elfe.
- Disons que c’est un sujet différent dont nous traiterons probablement après celui des chimères ? remarqua le nain.
- Admettons. »

Le nain se tourna vers l’empereur. Celui-ci reprit alors la main.

« Quelqu’un a des objections à monter ce dossier et à la tenue du procès au retour des beaux jours ? »

Silence dans la pièce. Hene savait qu’elle ne pourrait rien obtenir de plus de suite, mais elle craignait que la saison froide soit suffisamment longue pour que cette affaire se noie.

« Je demande à ce que les chercheurs qui travaillaient sur le projet soient enfermés jusqu’au procès ou jusqu’au Conseil ou nous prendrons la décision de ne pas le tenir, finit-elle par déclarer.
- Faisons un vote, répliqua l’empereur. Cependant, si nous les enfermons, il faudra le justifier. C’est-à-dire que nous les considérons d’ores et déjà coupables. »

Il laissa un temps pour que celui qui a un argument à ajouter l’ajoute. Personne ne prit la parole alors il reprit :

« Lèvent la main ceux qui sont pour enfermer ces chercheurs ! »

Hene déploya une aile, Dagondan leva son membre écailleux, le Messager dressa son bras dissimulé sous la fourrure, la reine des harpies étira ses plumes vers le plafond, son congénère l’imita, le roi des nains vota également pour, le chef des villages caprins se joignit à eux ainsi que l’elfe venant de l’île du sud et le Grand Nomade. L’empereur leva également la main.

« Qui est contre ? »

Le président du conseil elfique se manifesta silencieusement.

« Bien, à la majorité, ces chercheurs seront enfermés pendant la saison froide, jusqu’à la prise de notre décision.
- Je demanderai à une chimère de vérifier que cette décision est respectée, avertit Hene.
- Si cela peut te rassurer. Quelqu’un a d’autres remarques ? Suggestions ? Questions ? »

Silence dans la pièce.

« Je vous propose que le groupe soit formée d’ici sept jours. Chacune des personnes choisies, une par peuple, se retrouveront ici au zénith. Cela convient-il à tous ? »

Certains opinèrent du chef, d’autres se contentèrent d'un silence approbateur.

« Qu’il en soit ainsi. »
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Messagepar New Mentali » 07 Juin 2020 13:38

Annexe 1 - Personnages


Je compléterai cette partie au fur et à mesure que les personnages apparaissent.

Composition de l'Œil*


- Zorigaitza : fondateur de l'organisation, ex-héritier du trône impérial (il s'est fait déshérité). Salamandre-garou. Quelqu'un de sérieux qui passe beaucoup de temps à écrire (notamment des lois ou sur ses idées pour que le monde tourne mieux). Compréhensif et charismatique, reste peut-être un peu trop souple parfois ce qui rajoute des risques.
- Nomnos : co-fondateur, ami d'adolescence de Zorigaitza. Nain, ex-commerçant. Grand bricoleur, sérieux et calme. Met un point d'honneur à surveiller Zorigaitza. Un peu bourru mais pas très contrariant. Bon esprit critique.
- Ezer : membre. Panthère-garou. Élevé dans une famille de chimère, il comprend leurs chants. Malin, aime les blagues, bon tacticien. Quand il est sérieux, c'est généralement pas une bonne nouvelle pour ses camarades. Plutôt fédérateur, c'est quelqu'un de cool sur qui on a envie de s'appuyer. N'aime pas l'eau, peur de la mort.
- Sua : membre. Caprin. Sauvé par l'Œil adolescent, il a rejoint l'organisation. Cool et sympa, capable de rester ferme. Peut-être un peu timide avec les inconnus. Toujours prêt à filer un coup de main. Sait fabriquer des explosifs.
- Osasun : s'occupe des soins. Elfe. Sauvée par l'Œil jeune, elle a une magie rare et prisée (magie de soin). Très timide et réservée. Serviable, admire les gars de l'organisation pour leur franchise et leur courage. Aime secrètement Ezer (elle ne lui dira jamais en plus dans mes plans). Pas sportive et sans magie offensive, elle est la plus faible du groupe et fait donc peu de mission de terrain. Elle tient l'infirmerie.
- Zizare : membre, monture aérienne (très utile vu la taille du Continent). Harpie. Ne parle jamais. Bonne chasseuse, très protectrice de ses compagnons. Reste la plupart du temps dans son coin ou à faire des rondes dans les airs.
- Oun : monture, membre. Griffon des neiges. Joueur, il garde la fierté et la fougue des griffons. Loyal et courageux, il pourrait avec tendance à foncer un peu vite dans le tas. Amical avec ceux qu'il connait, sinon peut se montrer très agressif.
- Arrano : monture. Aigle. Pas encore trop réfléchi en précision à son caractère. Il porte un kit de premier soin autour du cou.
- Erortzen : membre. Avec Kerme, ils doivent être les deux plus vieux (pas de beaucoup). Caprin. Porte un démon (je préciserai si ça t'intéresse). Calme mais réservé, il se confie surtout à Ezer (ils se retrouvent souvent de nuit, le soir). Il a les reins solide même si son existence n'a pas été paisible. Il manque peut-être un peu de confiance en lui.
- Kerme : membre, ex-soldat. Pandi. Sérieux et calme, il est plutôt souriant. Très doué pour les imitations (surtout les féminines :')), met toujours plein de poils dans le bain. Il aime amuser la galerie de temps en temps, surtout quand les choses deviennent trop tendues. Réfléchi.
- Txiki : membre, ex-fermier. Hippalectryon-garou. Très proche de Sua qu'il trouve cool. C'est un gars gentil et serviable, qui ne se prend pas la tête. Il aime partager sa bonne humeur. Aime Lur.
- Lur : membre, 14 ans. Corneille-garou. Brillante en tout point, elle est très appréciée pour sa vivacité tant que pour son esprit critique. Toujours pleine de positivité, elle est toujours prête à s'engager. Elle mourra deux semaines environ avant l'arrivée d'Azken à l'Œil.
- Pigné : membre. Dragon.
- Azken : membre. Elfe. Herboriste et médecin. Issu de la noblesse elfique. Ezer lui a quelque peu forcé la main pour qu'il soit arrivé chez l'Œil. Un grand râleur dans l'âme, pas super sociable non plus (quoique son séjour à l'Œil va grandement l'arranger de ce côté-là), bref faut le supporter au début. Cela n'entache en rien la force de ses convictions et l'énergie qu'il mettra pour les porter. Il tient toujours parole. Il garde quelques manies de noble...
- Grimgrim : membre. Phytopode. Elle rêve de révolution pour que sa race obtienne les mêmes reconnaissances que toutes les autres espèces. À l'Œil, on l'a considère comme membre à part entière (de toute façon aux moindres faux pas, elle pique son scandale sur l'égalité des espèces) même si les petits nouveaux sont toujours très étonnés de cela. Elle est vive et combative. Très accrochée à ses idéaux, elle peut se montrer très hargneuse.

*Cette composition est effective à l'arrivée d'Azken à l'OEil. Elle est susceptible d'être modifiée.



Ezer



Nom complet : Ezer ILUNA
Date de naissance : printemps 70
Espèce : Panthère-garou
Occupation : Membre de l'OEil du Corbeau

Hegal



Nom complet : Hegal
Date de naissance : printemps 70
Espèce : Chimère
Occupation : Traîne sa truffe dans les coins où il ne faut pas, proche de la reine des chimères et de l'OEil

Helin & Koreh

Spoiler: show

Koreh est celui avec le pelage sombre.


Nom complet : Helin & Koreh
Date de naissance : printemps 70
Espèce : Chimères
Occupation : Prétendante aux trônes de reine des chimères & vit sa vie dans son coin

Zorigaitza

Spoiler: show


Nom complet : Zorigaitza
Date de naissance : hiver 57
Espèce : Salamandre-garou
Occupation : Criminel au grand coeur je suppose ?


Azken



Nom complet : Azken EAZ
Date de naissance : printemps 77
Espèce : Elfe
Occupation : Herboriste noble, rejoint l'OEil du Corbeau


Tara

Spoiler: show
Sans design pour le moment.


Nom complet : Tara EAZ
Date de naissance : été 83
Espèce : Elfe
Occupation : Jeune noble, s'engagera pour les droits des femmes.


Sua



Nom complet : Sua MENDI
Date de naissance : automne 68
Espèce : Caprin
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau


Erortzen

Spoiler: show


Nom complet : Erortzen HOSTA
Date de naissance : hiver 51
Espèce : Caprin
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau, porteur de démon


Grimgrim

Spoiler: show


Nom complet : Grimhellgo BALT
Date de naissance : été 62
Espèce : Phytopode
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau


Osasun

Spoiler: show


Le dessin avec le nom "Atea", c'est qu'une fois elle a du prendre une autre identité, c'est pas son design habituel.


Nom complet : Osasun OPARI
Date de naissance : été 74
Espèce : Elfe
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau, s'occupe des soins


Zizare

Spoiler: show
Zizare n'a pas encore de design mais c'est une harpie qui ressemble à une harpie :)


Nom complet : Zizare
Date de naissance : printemps 78
Espèce : Harpie
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau


Pigné



Nom complet : Pigné
Date de naissance : été/hiver 93
Espèce : Dragon
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau


Txiki

Spoiler: show


Nom complet : Txiki UHIN
Date de naissance : printemps 77
Espèce : Hippalectryon-garou
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau


Nomnos

Spoiler: show


Nom complet : Nomnos BANN
Date de naissance : hiver 56
Espèce : Nain
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau

Kerme

Spoiler: show
Ses vêtements sont son uniforme lorsqu'il était encore un soldat.


Nom complet : Kerme FALC
Date de naissance : hiver 52
Espèce : Pandi
Occupation : membre de l'OEil du Corbeau, ex-soldat.

Kaosa

Spoiler: show
À venir


Nom complet : Kaosa ILUNA
Date de naissance : printemps 68
Espèce : Panthère-garou
Occupation : bergère et Pirate



Dessins de groupe Est-ce que vous les reconnaissez tous ?

Spoiler: show
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Messagepar New Mentali » 08 Juin 2020 12:27

Annexe 2 - Espèces


Cette partie ne contient que les espèces principales. Je monterai peut-être un vestiaire par la suite. Ici, "les espèces humaines" désignent les garous, les elfes, les fées, les selkies, les harpies, les caprins, les pandis et les nains. Les espèces ne sont pas interfertiles.

Note : le Continent désigne le continent sans l'île de Capri et l'île des nains ou des selkies (même si par abus de langage, tout le monde dit Continent en comptant toutes les îles). Le Monde Connu désigne ainsi l'ensemble de la carte.

Les garous

Ezer, Txiki ou Zorigaitza illustrent bien cette partie. Les garous possèdent deux apparences "principales" et passent de l'une à l'autre naturellement. Ils se transforment avec les vêtements, et tous les objets qu'ils considèrent bien à eux. (La magie va considérer que ces objets sont une extension d'eux si le sentiment d'appartenance est suffisamment fort. )
La première est leur forme humaine, où ils vont cependant garder quelques attributs plus ou moins marqués ou nombreux de leur animal de base.
La deuxième est leur forme animale, celle de leur animal de base.
Ils peuvent également prendre l'apparence d'autres animaux dont ils comprennent la physionomie et le comportement. Cela se fait donc généralement avec de l'observation et de l'entraînement.
Dans tous les cas ci-dessus, le garou conserve la magie de son animal de base.

Prenons un exemple avec Txiki ! Txiki est un hippalectryon-garou, il peut donc se transformer naturellement en hippalectryon. Sous sa forme humaine, il en garde les oreilles de cheval et la force (dans la limite du crédible, c'est pas Super Man non plus).
De plus, il peut se transformer en kinki (sorte de lémurien poilue), un animal qu'il a côtoyé dans sa jeunesse.
Concernant sa magie, les hippalectryons peuvent prédire le sens du vent, Txiki en hérite donc.

Les garous sont omnivores et leur territoire est majoritairement dans des zones tempérées avec cependant quelques territoires froids. Les animaux de base sont donc souvent des habitants de ces régions.

Pour eux, les règles de la reproduction sexuée s'appliquent indépendamment de l'animal de base de l'individu. L'enfant aura au hasard soit l'animal de la mère ou du père.

Politiquement parlant, c'est un royaume. Le roi des garous a également le titre d'empereur (du Monde Connu). Les raisons à ça sont historiques et quelque peu égoïstes.
Le roi s'entoure de trente conseillers qu'il désigne lui-même et qui l'aident dans sa tâche.


Les pandis
Spoiler: show


Les pandis sont un peuple nomade qui vit principalement dans des zones arides et désertiques. Ce milieu hostile a développé chez eux une bonne endurance et une résistance aux températures extrêmes. Ils sont plutôt pacifiques mais très rancunier.

Niveau magie, les pouvoirs les plus communs sont ceux associés au sable, à la terre et à la chaleur. Cela n'empêche en rien quelques pouvoirs plus atypiques. Ils sont d'ailleurs plutôt bon manieurs de magie.

Les pandis vivent en tribu, chacune d'elle possède un chef. Tous les six ans, les chefs se réunissent pour désigner un représentant parmi eux qui se rend au Conseil.
L'entente entre les différentes tribus est bonne, il n'est pas rare qu'à leur rencontre, elles échangent des biens ou fêtent des retrouvailles.

Ils sont réputés pour leur tissu fin et de très bonne qualité. De plus, ils entretiennent de nombreux échanges commerciaux avec les nains avec lesquels ils s'entendent bien. On observe cependant quelques petites tensions avec les harpies du Nord qui ont tendance à empiéter sur leur territoire pour chasser.


Les harpies
Spoiler: show


Les harpies sont réputées pour leur agressivité et leur tempérament ardent. Elle n'en reste pas moins l'espèce humaine la plus grande, les plus grands individus pouvant atteindre dans les deux mètres cinquante.
Avant tout de grandes chasseuses, elles restent omnivores. Elle vivent soit dans le montagne pour celles au Centre (ou du Sud selon ancienneté de la carte), ou sur un archipel froid pour celles du Nord.

Celles du Centre sont dirigées par une reine déterminée par des affrontements parfois violents. Leur commerce tourne autour des coquillages, des plumes et des bijoux.
Ce ne sont pas de très bonnes utilisatrices de magie, mais ce sont souvent des sorts liés au vent. Elles sont de robustes acrobates aériennes avec pour seul prédateur les Rokh.

Au Nord, les terres sont souvent frappées par de violentes tempêtes. Les habitantes se sont donc rabattues au fil des ans sur la pêche pour compenser des récoltes faibles et des chasses aléatoires. Plutôt excentrées du reste du continent, elles font très peu de commerce. Elles sont dirigées par un roi.

Tous les trois ans, les harpies du Nord et du Centre se retrouvent sur la frontière entre les garous et les pandis. La tradition veut que le roi et la reine s'accouplent. Cet événement est très attendu des harpies des deux côtés, mais provoque beaucoup de tension avec les pays voisins.


Les dragons

Les dragons sont le peuple le plus puissant du Monde Connu. Ils restent cependant dans leur coin.

Ils vivent dans les montagnes au nord, sous d'épaisses écailles et un froid sec. Principalement carnivore, ils étendent leur territoire sur un archipel que leurs aïeuls ont eux-mêmes fait jaillir de la mer (ou du moins les histoires le content). Très territoriaux, rares sont ceux qui ont eu la chance de voir au-delà des monts tranchants qui les séparent du reste du monde.

Réputés pour leur absentéisme inégalé au réunion du Conseil, ils se sont complètement retirés de la vie politique du Continent. Cela changera néanmoins avec le scandale des chimères ou le Cadet décidera de sortir du silence.
Niveau organisation, c'est la loi du plus fort, mais avec parcimonie tout de même. Ils existent deux rôles chez les dragons : le Cadet et l'Aîné. Les deux sont désignés suite à un tournoi entre tous les dragons.

Le Cadet est un rôle peu prisé où il y a rarement des candidats. C'est le dragon le plus faible qui est choisit pour le remplir dans le cas où personne ne veut s'en occuper. Il consiste à s'occuper des affaires avec "l'extérieur". C'est lui qui fait le lien entre les autres pays et les dragons par exemple ou qui devrait se rendre au Conseil.
L'Aîné est rôle que tous les petits dragonnets rêvent que jouer. C'est le dragon le plus fort et il "dirige" l'île. Il a pour rôle de protéger les siens, les aider, surveiller les frontières, etc.
Le Cadet et l'Aîné collaborent pour le bien de leur congénère. Cependant les deux n'ont aucun pouvoir de décision sur leur camarade. La spécificité des dragons est que chacune des décisions prises à l'échelle du territoire ou du peuple doit être unanime. Heureusement, ils ne sont pas si nombreux (quelques centaines d'individus). Comme leur espérance de vie est de plusieurs siècles, il a peu de changement de système politique ou de courant de pensées.

Les fées
Spoiler: show


Les fées sont divisées en deux peuples : l'un au Nord, indépendant, l'autre au Sud, annexé par les elfes.

Au Nord, les fées arborent des ailes aux couleurs claires, bleutées, et se cachent sous d'épais manteau de fourrure. Elles vivent essentiellement de la chasse dans leur forêt de glace. Elles sont très proches des selkies et échangent souvent avec eux. Les deux peuples s'entendent à merveille. Elles peuvent cependant manifester une certaine adversité à l'encontre des autres peuples humains.

Leur magie touche essentiellement au froid et à la glace, parfois des vents. Les exceptions sont rares.

Elles vivent essentiellement en petit village. Ce sont de fière guerrières en tout cas. Elles sont représentées au Conseil par le Messager. Celui-ci a un rôle très important en plus ça. Ils voyagent entre les villages et aident les habitants, il prend connaissance de leurs problèmes et agit en conséquence. C'est quelqu'un de sage. Il n'est pas si simple de devenir Messager puisque le processus à long et tient souvent de la chance.
D'abord, il faut avoir été béni par les dragons (ils sont un peu considérés comme des divinités là-bas ; c'est souvent le Cadet qui s'occupe des bénédictions). Puis, dès ses trois ans, l'enfant est confié au Messager actuel. Celui-ci l'élèvera jusqu'à ses quatorze. Il prendra alors prendre la relève de son mentor s'il le souhaite (généralement la question ne se pose pas).

Au Sud, la situation est très différente. Les fées et les elfes vivent sur la même terre et cohabitent plutôt bien dans les faits.
Le régime politique peut s'apparenter à une démocratie puisque les elfes vont élire des représentants (ou du moins ceux qui ont accès à une urne dans l'immense forêt qu'est le territoire) qui eux-mêmes éliront un président parmi eux. Sont éligibles les elfes de plus de dix-sept ans, sont électeurs les elfes de plus de quinze ans. A aucun moment les fées n'interviennent dans ce processus et ne sont donc pas représentées au Conseil, n'ont aucun droit de décision sur leur propre terre et on leur demande pas spécialement leur avis non plus. Cela créé de nombreux tensions depuis quelques décennies et les fées menacent de prendre leur indépendance par la force, ce qui ne plaît pas du tout aux elfes. BREF C'EST LE CACA.

Sinon c'est un peuple très accueillant, plutôt tolérant et plein de joie de vivre. Sa magie est lié à la nature et aux plantes de manière générale. Leurs ailes arborent souvent des couleurs chaudes ou vives. Le peau est également plus mâtes que leur congénère du Nord (avec lesquels elles ne partagent plus grand chose).

Mon masculin de fée est fae (il parait que c'est plutôt féetaud mais je trouve ça très moche et de toute façon c'est un monde fantasy, j'invente ce que je veux pour mes noms de peuples :'))


Les caprins

Les caprins ne sont ni plus ni moins des hommes avec des pattes, des oreilles et des cornes de chèvres. Erortzen et Sua en sont de parfaits représentants.

Ils vivent sous un climat tempéré, dans un paysage riche en relief. Ils ont la réputation d'être d'agiles grimpeurs de montagnes, mais aussi de bons buveurs. C'est un peuple droit et franc de manière générale.

Ils sont organisés en village (qui peuvent être minuscules comme immenses) et chacun possède un chef. Ceux-ci se réunissent tous les ans un peu avant la saison froide, et tous les cinq ans désignent un nouveau représentant pour le Conseil. Il est appelé le Chef des Villages Caprins.

Leur commerce tourne autour de leurs ressources minières.

Niveau magie, ils manipulent surtout les éléments du feu et de la roche.


Les elfes

Peuple de conquérants, ils peuvent se montrer un peu hautains. Ils aiment bien avoir le contrôle et n'hésite pas à déclencher des conflits. Ils savent qu'ils sont une grande puissance commerciale et politique et n'hésite pas à s'entourer d'alliés de taille. Enfin, cela concerne surtout la classe noble et bourgeoise. De nombreux elfes plus sylvestres sont ravis de vivre en paix dans leur forêt.

Au Sud, comme expliqué chez les fées, c'est un président qui représente le territoire.
A l'Ouest, c'est une oligarchie où les quelques nobles les plus fortunés se retrouvent autour du Conseil Elfique. L'un d'eux est choisi pour aller au Conseil. Ils dirigent souvent le pays pour leur intérêt personnel et la lutte pour le pouvoir est souvent rude.

Niveau magie, c'est plutôt diversifié, même si on reste sur des magies élémentaires. Les exceptions sont rarissimes.

Les chimères

Peuple disséminé sur tout le Monde Connu, elles ont énormément de secret à cacher sur leurs origines et celles du monde notamment. Chacune connait d'elles connait l'importance de les taire et elles portent ce fardeau. Elles fuient d'ailleurs toutes les ruines de l'Ancien Monde (entouré de beaucoup de rumeur, des ruines prouvent cependant son existence, c'est la période antérieure à toutes les traces écrites que l'on possède mais ça reste très flou même pour les historiens).

Leurs sorts les plus communs sont l'invisibilité et la télépathie mais elles maîtrisent bien souvent un panel de sorts complexes assez impressionnants. Elles en connaissent d'ailleurs un rayon dans le domaine mais elles ne partagent pas facilement leur savoir.

Les chimères pratiquent la reproduction magique, à défaut de pouvoir faire celle sexuée (elles sont asexuées). C'est un sort dangereux et incertain, plutôt mal connu.

Hene, Hegal, Helin et Koreh se ressemblent car ils sont de la même famille mais les chimères sont des fusions de différents animaux. Elles peuvent avoir des apparences trèèèèès variées.

Les nains
Les selkies
Les phytopodes
Spoiler: show

C'est un personnage, mais Grimgrim est aussi un bon exemple de phytopode.
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Messagepar New Mentali » 08 Juin 2020 15:58

Annexe 3 - Chronologie et histoire du Continent


Cette frise est très globale, celle que j'utilise est beaucoup plus détaillée, mais je vais éviter de vous noyer sous les informations.

An 0 -
Naissance de Frigiza. Il est issu d'une famille de berger modeste. C'est un garou.

An 16 -
Frigiza décide de partir en voyage découvrir le monde. C'est en effet quelqu'un de très curieux et ouvert d'esprit. Il n'a pas peur des conflits qui règnent (et les évitent d'ailleurs). Il va rencontrer de nombreuses personnes de différentes espèces avec des manières de penser très différentes de la sienne. Les voyageurs sont rares et il laissera souvent son nom dans les endroits où il passera, d'autant plus qu'il s'arrête souvent pour aider et discuter (c'est aussi la raison pour laquelle il est parti).

An 18 -
Durant son voyage, Frigiza rencontre Adga, une dragonne qui voyage elle aussi. C'est la Cadette de l'époque et tous les deux se lieront d'amitié. Cela permettra à Frigiza de rencontrer des personnages importants tels que des chefs. Il laissera d'ailleurs une très bonne impression et dans les années suivantes, il gagnera beaucoup de popularité.

An 28 -
Invention de l'imprimerie.

An 30 -
Odaku, une fée, créé le groupe Pirates. C'est une organisation libre, qui a pour but d'informer les habitants de tout le Continent de ce qu'il s'y passe. Il y a trois objectifs à cela : prôner la vérité contre les croyances non fondées et les magouilles obscures, informer les habitants pour qu'ils développent un avis critique sur ce qui les entoure et ainsi favoriser la mise en place d'une démocratie et pour finir, encourager une entente entre les différentes espèces.

An 31 -
Frigiza, au cours de ses nombreux voyages, a rencontré de nombreux dirigeants et personnages importants et s'est lié d'amitié à eux. Il va alors leur proposer à tous de se réunir ensemble, en mettant leurs différents de côté. Le premier Conseil est né. Il se passe sous la présidence de Frigiza et se veut être un lieu d'échange et de discussion.
Franc succès, le Conseil sera reconduit, officialisé avec des règles précises. Il entraînera la mise en place d'un calendrier et d'un système métrique commun la même année. Frigiza en gardera la présidence avec l'accord unanime de tous.

An 35 -
Création des Castes et d'une armée continentale.
Les Castes sont des bases militaires disposées dans tout le continent (grande ville + point de tension souvent) pour assurer la paix localement. Par extension, les soldats veillent sur les habitants et sont en droit d'arrêter quiconque troublant l'ordre public. Pour les plus grandes, elles peuvent aussi jouer le rôle de laboratoire de recherche, ou de centre de formation pour les jeunes soldats.

An 38 -
Naissance de Guratza, le fils de Frigiza (qui avait déjà un fils adoptif de quatorze ans, Mizu).

An 39 -
Ouverture des frontières des différents territoires.

An 40 -
Mort de Frigiza. C'est alors Mizu qui reprendra le flambeau de son père adoptif. Ses idéaux sont très proches et malgré son jeune âge, il se montrera capable.

An 43 -
Une maladie atteint les elfes et les fées et provoque de nombreux morts. Le dilemme de fermer les frontières se pose : appuyer les valeurs du Conseil et leur volonté de vivre ensemble jusqu'au bout ou bien se laisser vaincre par l'épidémie. Les frontières seront fermées. Les connaissances en médecine et de la maladie étant peu avancées, les moyens déployés furent faibles. Cela sera rattrapé par des dons matériels pour relancer les elfes et les fées.

An 45 -
Dans la continuité de beaucoup de salons et expositions, un grand salon des sciences est ouvert à Atka, la capitale elfique. Il attirera beaucoup de curieux et marquera définitivement l'importance de la connaissance dans une société.

An 49 -
Invention des premiers moteurs.

An 50 -
Mise en place de FAUCON, un réseau continental. Sa raison d'être et la livraison de lettres et de petits objets. C'est le premier service commun à tout le continent !

An 51 -
Mizu meurt d'un assassinat programmé par l'avide de pouvoir, Guratza qui deviendra roi des garous.

An 52 -
La Grande Famine frappe le Continent et fragilise l'autorité du Conseil. Guratza en profite et se proclame empereur. Cette décision ne choque pas vraiment l'ensemble des leaders puisqu'il conserve le rôle que jouait Mizu et Frigiza (et ne gagne qu'un titre finalement même si il va gratter plus avec les années). Adga s'oppose cependant à cette décision. Elle est en train d'enquêter sur la mort de Mizu et elle commence à cerner le coupable.

An 53 -
Adga termine son enquête et à même rassembler toutes les preuves nécessaires pour déclarer Guratza coupable. En revanche, Guratza sait qu'elle lui tourne autour depuis un moment et qu'elle en sait trop. Adga aura alors la prévoyance de partager son enquête avec les Pirates. Elle mourra quelques jours plus tard, empoisonnée. Les Pirates ne perdront pas de temps pour trouver des renseignements et inculperont par un article Guratza du double meurtre de Mizu et d'Adga.
L'empereur déclarera alors le Pirate comme clandestin et illégal et le journal sera forcé de se cacher pour continuer ses activités. Une nouvelle loi paraîtra comme quoi les journaux appartiennent désormais au Continent et une commission de censure verra le jour.

Ans 54 à 57 -
Début de la Guerre des Vents. La famine guette de nouveau et les terres de la Vallée des Vents ne sont pas exploitées. De grosses tensions éclatent en guerre entre les pays frontaliers pour la conquête de ce terrain. Le Conseil peinera à trouver des accords qui satisfassent tout le monde.
La Vallée des Vents sera déclarées "terre libre", c'est-à-dire que quiconque souhaitant y vivre le peut s'il ne nuit pas aux autres.

An 57 -
Naissance de Zorigaitza, fils aîné de Guratza.

An 60 -
Invention des premiers véhicules magiques.

An 61 -
Parution de lois sur l’utilisation de la magie.

Ans 64 à 66 -
Les fées du Sud réclament de pouvoir se présenter comme président et de voter tout comme les elfes. Les négociations n'aboutissent pas, cela déclenche des conflits qui sont réprimés dans la violence.

An 69 -
Début d'une croissance industrielle forte. Création de routes. Provoquera un exode rural fort dans les prochaines années.

Ans 71 à 73 -
Un grande famine frappe le territoire des caprins. Zorigaitza obtiendra le droit de créer une nouvelle section dans l'armée continentale baptisé le Corbeau qu'il dirigera. Il interviendra avec ses hommes sur le territoire des caprins pour distribuer des vivres, des graines et de l'eau. Son projet sera une réussite après avoir sauvé beaucoup de vies. Ce sera une expérience très enrichissante pour lui et permettra à chacun de constater ses qualités de leader.

An 75 -
Zorigaitza est écarté du pouvoir par son père.

An 75 à 77 -
Deuxième Guerre des Vents (DGV). Le Corbeau fait une nouvelle intervention non pas dans les conflits, mais pour protéger les habitants de la Vallée des Vents. Il s'entourera de personnes avec les mêmes idéaux que lui, construisant peu à peu un moyen d'arrivée à ses fins malgré qu'il se soit fait écarter du pouvoir.

An 78 -
Zorigaitza avec quelques copains (notamment de l'armée), il fait assassiner de nombreux conseillers de l'empereur qui sont plutôt pourris. Cela fait, il se replie avec ses hommes, sauf que dans leur fuite, ils se font rattraper par des soldats. C'est un beau massacre.
Seuls Zorigaitza, Nomnos et quelques rescapés s'en sortiront. Suite à cet événement, le Second Œil est créé avec les fameux quelques rescapés tandis que Zorigaitza et Nomnos font bande à part et fonde l'OEil du Corbeau.

Ans 80 et 81 -
Nouvelles demandes d'indépendance des fées. Toujours pas de succès...

An 82 -
Deux unités de Pirates sont capturées ainsi que quelques personnes soupçonnées. Tout ce petit monde est exécuté publiquement.

An 83 à 85 -
Grande sécheresse chez les pandis qui entraîne des périodes de famines assez violentes, provoquant pas mal de morts. Le Conseil n'a apporté qu'une aide mineure et un intérêt assez faible pour ce peuple qui se plaint peu.

An 85 -
Une grande saison des glaces touche les elfes et les garous, l'hiver est rude pour beaucoup malgré des réserves de nourritures suffisantes.

Ans 85 à 87-
Les elfes et les selkies (qui ne sont pas représentés au Conseil) se déclarent la guerre. Après de violentes batailles, la partie continentale du territoire selkie est annexée par les elfes.

Ans 89 à 91 -
Les selkies se révoltent contre l'occupant elfique, cela se termine en bain de sang.

An 93 -
C'est l'année où débute l'histoire de mon projet donc j'imagine que je ne vais pas spoiler de trop ?
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