Mon nom est Ange. Et je vais mourir. Avez vous déja songé à ce que pense un condamné à mort avant son exécution?
Non. Bien sûr, ils sont morts sans un mot. Fiers et libres malgré ce que l'on veut vous faire croire. C'est pourquoi j'inscris ces mots dans les étoiles. Je les épingle au vent, je les souffle dans l'air. Alors, vous les entendrez.
Qui suis-je? Je suis celle qui a refusé. Celle qui n'a pas renoncé. Celle qui mourra la tête haute. Celle qui de ses chaines sera libérée.
Et je vais mourir.
Un condamné ne pleure pas. Il luit. Quel crime ai-je commis ? Il me semble qu'il serait bon de l'indiquer. J'ai encore quelques heures avant que sur le sol pavé de la cour ne tombe ma lourde tête. Alors, soit. J'écrirai.
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"Angéline. Nous l'appellerons Angéline." Murmura un lunaris crème se tenant fier près de sa compagne qui nettoyait délicatement de sa langue rapeuse sa fille qui venait de naître.
La petite créature frêle et colorée bailla, les yeux clos et, sans même chercher les tétines de sa mère pour se rassasier, elle se laissa sombrer dans un profond sommeil. Sa mère la considérait tendrement, posant ses prunelles jaunes or sur le petit corps tremblant de sa fille, comme pour la réchauffer, elle la rapprocha au plus près de son corps, elle sentait son petit coeur battre contre son ventre chaud, sa poitrine s'abaisser et se soulever régulièrement et son souffle chaud contre sa fourrure immaculée.
"Dors mon enfant, dors ma belle Angéline, le monde est noir, tu seras sa lumière"
Le soleil levant glissait sur le pelage éclatant de la petite créature, il étendait ses rayons dorés sur son pelage azur, offrant à ce dernier des reflets roses orangés.
"Il est l'heure Ange." chuchota la mère de la petite créature endormie. Elle la poussa tendrement du museau. La petite grogna, s'accrochant à son sommeil, mais sa mère insista et l'odeur alléchante du lait chatouillait ses narines. Elle ouvrit un oeil, puis deux, étira son dos et tenta de se mettre debout sur ses pattes engourdies. Elle cherchait entre les poils de sa mère son petit déjeuner, se laissant guider par l'odorat.
Bien vite, elle trouva à tâton les mamelles de sa mère, et but goulument toutes les gorgées qu'elle put. Une fois rassasiée, elle se lécha les babines et bailla à gueule béante.
Bien vite, elle fut attirée par les bruits, les odeurs extérieures, un vent léger vint lui caresser la fourrure, se glissant entre ses poils duveteux.
La jeune se rua à l'extérieur de la tanière, ses pattes de velours foulaient les herbes folles courbant dans le vent matinal. Elle se délectait de tous les rayons baignés de lumière que l'astre diurne pouvait lui offrir, elle le laissait la caresser tendrement, les yeux clos, dressée sur ses pattes, elle savourait l'instant.
La petite aimait chacune de ces journées à se prélasser dans l'herbe, à jouer contre le vent, à rire avec les arbres et à courir dans la plaine.
Et ils sont venus. Le ciel grondait ce jour là, l'azur était d'un rouge écarlate, les nuages semblaient craindre la terre et le vent avait peur. Ils ont pris son père. Alors qu'il tentait de faire face, qu'il tentait en vain de les repousser, ils se sont jetés sur lui, telles des bêtes sauvages assoiffées de sang, l'écume ornait leurs lèvres noires, leurs pupilles rétractées de haine à jamais furent fixées dans la mémoire de la jeune Ange. De fins filets rouge rubis ont orné la fourrure crème du grand lunaris, les muscles bandés roulaient sous son pelage souillé, et jusqu'à ce que ses forces le quittent, il aura combattu pour sa famille. Ils l'on emmené alors que son coeur battait encore faiblement dans sa poitrine.
Un grand destrinos s'est alors rapproché de la jeune. Le regard déterminé, noir, l'armure qu'il portait soulignait ses muscles puissants. A sa vue, la petite lunaris plaqua les oreilles contre sa nuque ; malgré la peur qui dévorait son ventre, elle ne put s'enfuir, la terreur avait glacé ses pattes ; impuissante, elle regardait le destrinos mauve avancer d'un pas vif vers elle.
La lunaris immaculée jaillit soudain de nulle part devant l'immense colosse menaçant. Il eut un rictus amusé devant la créature intrépide, cette dernière intima l'ordre de fuir à sa fille. Ange, tétanisée, se réfugia dans son terrier. Elle contemplait, effrayée, la scène qui s'offrait à elle. Le poil dressé sur son échine, les crocs découverts et luisants, sa mère défiait de ses prunelles or vif la massive silhouette meurtrière. Elle banda ses muscles et d'un bond, se jeta sur l'encolure mauve de l'assassin.
Le sang avait teinté à vie les yeux effrayés de la petite Ange. Sa mère gisait là, sur le sol froid, le sang s'écoulait abondamment de ses plaies. Le vent la saluait une dernière fois, glissant dans son pelage pur, emportant avec lui son âme blanche. Ses yeux vitreux se clorent. Une dernière fois.
Et sur le museau tremblant de la belle, les larmes avaient coulé. Incessamment. Un désir de vengeance avait naquis en son coeur ; elle jura le restant de sa vie de protéger toutes créatures qu'elle rencontrerait et de retrouver le destrinos qui avait emporté son père et tué sa mère.
Le temps était passé, la lunaris avait grandi, elle s'était entrainée, elle était courageuse, froide, puissante. Elle avait tenu sa promesse.
Ange avait voulu le défier, la soif de vengeance coulait dans ses veines, la rage de vaincre, de défendre, protéger, gonflait son coeur. Elle avait échoué et sa dépouille gisait là sur la place pavée. Son sang se mêlait à la pluie, le ciel pleurait sa perte. Le précieux liquide s'écoulait entre les pierres brunes. La courageuse lunaris, à bout de forces parvint à se dresser sur ses pattes, tremblantes, elle rechut sur le sol, ses blessures entravaient chacun de ses muscles, mais elle se releva, encore, et encore.
Elle n'avait plus la force de se battre. Alors, ils l'ont prise et enfermée.
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Les cloches sonnent, il est l'heure, ils vont venir. Je les regarderai. Je ne pleurerai pas et je piperai mot. Je suis fière et libre. Je n'ai pas peur, qu'ils viennent, je ferai face. Mon âme écrit, elle inscrit les mots sur le monde, à la surface claire de l'eau ondulant dans un ruisseau, sur la mousse verdoyante qui orne les pierres. Elle écrit dans le vent qui fait danser les feuilles émeraude, qui rugit dans les arbres, chante sur les plaines.
Ce monde est beau, ce monde est noir, je suis sa lumière, il est ma part d'ombre, et je vais mourir.
par Tsuzurao » 28 Déc 2014 20:00
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