Garden, le Premier
En des temps lointains, trop éloignés pour qu’une créature, aussi ancienne soit-elle ne s’en souvienne, vivaient les Dieux Primordiaux, bien confortablement installés dans leur Château Céleste.
A sa mort, leur mère, Gaïa, leur offrit à tous les sept une terre, dont ils devraient s’occuper « ensembles ».
Les sept jeunes Dieux savaient parfaitement travailler en accord, dans une sorte de communion astrale qui les unissait, et ainsi, en dix jours, ils créèrent Gothicat, un monde ou magie et imaginaire sont étroitement liés.
La plus jeune des sœurs, Elyelle, Déesse de la Terre demanda alors timidement :
-Comment allons-nous peupler notre paradis ?
Et là, ce fut la cohue. Chaque Dieu invoqua un millier de raison de choisir sa voie plutôt qu’une autre, chacun d’eux raillant ses frères et sœurs et, de fil en aiguille, chacun des Dieux se retira dans son coin, la question de la jeune Déesse restant perdue dans un chaos dont l’écho perdurait.
Chaos qui dura. Plus le temps passait, plus les Dieux, autrefois tous si proches, se battaient, s’appropriant chacun une contrée, la modifiant selon ses envies et ses désirs. Bientôt, le monde de Gothicat fut découpé en sept territoires bien distincts : une terre de cendre et de feu, ou Caldelin régnait en maître ; une immensité baignée de lumière d’où Artisian veillait sur ses « ennemis », autrefois frères ; un océan sans fond où se cachait Atalia de toute l’agitation terrestre ; une lande, noire et lugubre ou Sangorah maudissait les autres Dieux ; une magnifique plaine balayée par les vents qu’Aquilion lançait pour s’amuser ; un vaste désert, dans lequel Chamsin, le plus vieux et le plus sage se recueillait. Et, au milieu de tout ça, une petite forêt verdoyante dans laquelle Elyelle attendait.
Elle attendait le retour au calme, l’harmonie des temps anciens.
Un soir, elle pria.
Le lendemain matin, elle prit son courage à deux mains, réunis les autres Dieux et leur parla :
« Mes frères, mes sœurs, écoutez. Cette nuit, notre mère m’est apparue dans un songe. Je sais comment nous pourrons nous entendre de nouveau. »
Puis elle marmonna quelques mots à voix basse. Les autres Dieux la regardèrent, les yeux plein d’espoirs mais dans lesquels se cachaient tout de même une pointe de réticence.
Elyelle s’avança la première, au centre de la clairière et dit
« Moi, Elyelle, la plus jeune des Déesses nées de Gaïa, invoque mon don de vie, pour créer »
Aussitôt, une petite boule verte apparut en l’air, et pris vite la forme d’un fantome. La jeune déesse se rassit.
Caldelin et Atalia se levèrent à leur tour, s’avancèrent vers l’apparition et, d’une seule voix, clamèrent :
« Nous, que les éléments séparent. Nous, que la fraternité unis, nous réclamons notre droit de créer. Notre puissance unie, nous créerons une créature plus forte que n’importe quel acier ! »
Une fois de plus, un drôle d’effet se produisit. La créature fut comme enveloppée d’une coque d’acier. Les deux Dieux retournèrent vers leur sœur, et s’assirent à ses côtés.
Alors, Sangorah & Artisian se levèrent, s’avancèrent vers la boule d’acier, et murmurèrent à l’unisson :
« Nous, Dieux des Ténèbres et de la Lumière, invoquons notre droit suprême à l’immortalité. Ton endurance et ta vitalité te viendront de la Lumière comme des Ténèbres, ainsi, tu ne seras jamais faible. »
Sangorah ajouta : « Grâce à moi, tu ne craindras plus jamais la nuit. Aussi, peu importe la noirceur des ténèbres qui t’entourent, tu n’auras jamais à les affronter. Les Ombres fuiront devant toi.»
Artisian, à son tour, dis quelques mots « Et grâce à moi, la lumière sera immortelle dans ton cœur, ainsi, la vaillance et le courage feront partie de toi, quoi qu’il arrive. »
Tous deux se rassirent. Puis, Aquillion, le plus jeune des frères se leva, souffla sur l’acier, et la boule difforme pris l’apparence d’un loup de fer :
« Moi, Aquillion, Dieux des Vents et de la Beauté t’ordonne de te vêtir d’un pelage plus beau que le ciel nocturne nimbé d’étoile, plus beau que le soleil se levant sur la mer. Tes yeux flamberont, aussi doré et doux que de l’ambre au soleil. La fougue de la jeunesse ne te quittera jamais plus ! »
Le jeune Dieu se rassit, visiblement satisfait de son travail.
Enfin, Chamlin, le plus vieux des sept frères et sœurs se leva, et dit à son tour :
« Mes frères et sœurs ont fait un travail remarquable. La seule chose que je peux t’offrir à présent est le savoir, la sagesse primordiale qui m’appartient. Aujourd’hui, je te l’offre. »
Gaïa apparut alors, fantomatique et légère, embrassa la truffe de l’animal et disparu, comme si elle avait fusionné avec la bête.
Chaque Dieu pensa alors « Mère… »
La puissante créature se redressa sur ses pattes, tendant, haute et fière, sa tête sage. Il ouvrit les yeux, et son regard mordoré se posa sur Elyelle. Elle posa sa main sur lui, et aussitôt, le pelage de l’animal se métamorphosa : son aspect gris métallique laissa place à une douce fourrure, bien fournie, verte comme les pins au printemps. Çà et là, quelques striures et arabesques blanches venaient éclaircir la sombre forêt de son pelage. Elyelle le regarda dans les yeux, sourit, et souffla :
« Garden… »
Le premier Lunaris était ainsi né.
Les Dieux se réjouirent de leur travail si parfait, et décidèrent de créer une multitude d’autres créatures pour lui tenir compagnie.
Bien qu’ils en conçurent de magnifiques, aucune d’elle n’égala jamais la puissance et la fierté de ce jeune Lunaris, qui bientôt, devint roi, guidant son peuple avec la plus grande sagesse qui soit, l’âme de Gaïa encrée à jamais en lui.
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