~ Parmi les croyances partagées au sein de la population de Gothicat, celle concernant les divinités n’était jamais remise en question. Il était certain, avec des preuves, que sept grands Dieux et Déesses peuplaient leurs terres et leur apportaient aussi bien des bonheurs que quelques malheurs.
Jamais personne n’avait réellement pris le temps de se pencher plus sur la question : sept contrées, sept divinités, le compte semblait bon, et chacun s’identifiait plus à un être en fonction de son lieu de vie.
Mais Vésuve, un Neptulys terrestre gris comme la suie, ne saurait se contenter de cette explication. Depuis son plus tendre âge, il vénérait le feu, la lave, les pierres volcaniques, et surtout, il encensait ces cratères qui regroupaient chacun des éléments cités : les volcans.
Ses parents, en voyant son intérêt pour ce sujet, lui avaient dit de s’intéresser à Caldelin, le Dieu du Feu. Et il était vrai que ce Dieu représentait parfaitement des éléments admirés par Vésuve, mais au fond de lui, le Neptulys avait toujours été convaincu que cette entité n’était pas celle qu’il devait vénérer. Alors, il s’était lancé dans des recherches, longues et profondes, se plongeant dans ses documents anciens, oubliés, certains s’effritant presque entre ses pattes griffues.
Cela dura de longues années, pendant lesquelles il apprit de nombreux savoir. Cependant, une énorme patience était nécessaire pour trouver ce qui l’intéressait. Et ses efforts payèrent, puisqu’il finit par trouver, dans une vieille plaque de bois, légèrement calcinée, au milieu d’autres documents rares dans des archives peu connues, une mention d’autres divinités. Bien plus que les sept connues ! Et à côté de chaque nom, une mention de lieu… Le sang de Vésuve ne fit qu’un tour : grâce à ses nombreuses lectures, il avait appris que chaque volcan, chaque petit cratère, avait un nom, et il en reconnut un dans cette liste. Le Neptulys se précipita, traversa les terres d’Infermo, et mis encore quelques jours à trouver le cratère exact qu’il recherchait. Il était très ancien, peu visible sous la masse de magma séché que des volcans plus récents et plus importants avaient laissée, mais pourtant, son œil acéré et sa passion lui permirent de trouver. Aux pieds de cet antique cratère fissuré et inactif, le Neptulys avait finalement trouvé ce qu’il cherchait : un nom, un titre et une fonction, gravés de manière éternelle dans la roche volcanique. Velch, Dieu des volcans, du feu, et des pierres de lave. Vésuve tenait enfin la preuve que Caldelin ne régnait pas seul sur les terres d’Infermo : d’autres divinités, presque comme des apprentis, étaient en charge de secteurs en particulier. Bien évidemment, le représentant de la contrée était plus puissant, mais Vésuve lui préférait nettement ce dénommé Velch, car il était moins… généralisateur, si ce terme pouvait s’employer. C’était une divinité entièrement consacrée à ses volcans adorés !
Sans plus attendre, Vésuve décida de s’installer sur ce lieu de terre asséchée par la chaleur et se mit très rapidement à investir l’endroit : des flambeaux autour de cette preuve, l’illuminant d’une vive chaleur. Des cratères de volcans à proximité et même, parfois, des coulées de lave formant comme des rivières ardentes autour de son nouveau sanctuaire. Il créait de toute pièce un temple, mais en plein air, gorgé de toutes ses passions, et des éléments représentés par Velch. La lave, la roche, le feu, les volcans, tout était là, et chaque jour Vésuve tenait ce lieu, le gardant avec un intérêt sacré et renseignant les quelques créatures qui osaient s’aventurer aussi profondément dans les terres bouillonnantes d’Infermo.
Les années défilèrent, sans que jamais le Neptulys ne laisse tomber sa tâche de gardien. Il se considérait même comme un néocore, terme qu’il avait découvert durant ses très nombreuses années de recherche, et qui signifiait « Gardien d’un temple ». En se chargeant de la propreté, de la décoration et surtout du culte même, Vésuve correspondait à cette définition, et ce titre l’emplissait de fierté, comme si enfin il avait trouvé ce qu’il devait faire et où il devait être. Un sentiment d’accomplissement total gonflait sa poitrine.
Sans même s’en rendre compte, ses écailles se parèrent d’une teinte de plus en plus foncée : son gris initial devenait d’un noir volcanique, craquelé et soyeux à la fois. Parfois même, des étincelles crépitaient de son dos, de la lave coulait le long de ses pattes, et ses jours là le Dieu Velch semblait reprendre vie à travers lui.
Une vieille légende racontait que lorsqu’un Dieu était oublié d’une majorité de la population qui le vénérait initialement, alors il disparaissait, s’effaçant tout simplement du monde des divinités. Par la force de sa croyance, Vésuve était convaincu qu’il avait pu ‘redonner vie’ à Velch, permettant à ce Dieu de continuer à prendre soin des volcans.
Finalement, peut-être que Vésuve avait réussi à sa mission, peut-être avait-il sauvé Velch… En l’incarnant. ~