Icecatcher était née dans un pays chaud, d’où sa couleur sable. Enfin, non, elle était née pas si loin que ça de son lieu de vie actuel, donc plutôt un pays froid mais où il poussait quand même des arbres sur les berges des rivières, parfois à galet, d’autre à sable, d’où sa couleur.
A vrai dire elle n’était pas du tout destinée à devenir shaman, pas plus qu’à quitter son clan de naissance. Seulement, les esprits en avaient décidé autrement, une maladie inconnue avait tué tout son village, à commencer par leur propre shaman. Comme elle était la seule survivante, tous les clans aux alentours l’avaient rejetée de peur de mourir, rejetée jusqu’aux terres glacées où rien ne pousse. Ce qui était faux, elle l’avait appris entre temps, sous la neige poussaient des herbes rases très nutritives pour qui sait les exploiter. Ce qui bien sûr n’était pas son cas puisqu’elle était une carnivore. C’étaient les Deereindir qui s’en chargeaient la majorité du temps, très peu des autres espèces herbivores avaient des pelages assez épais pour vivre là. A part les animaux comestibles comme les bœufs musqués, les lions de mer et autres mammifères aquatiques. Icecatcher avait un faible pour les cachalots, elle n’avait pas la moindre idée de ce dont ces animaux pouvaient bien se nourrir mais ils avaient toujours une couche de gras qui la faisait saliver… Mais je digresse.
Elle avait donc marché de longs jours qu’elle n’avait pas comptés avant de voir au milieu de l’immense plaine de glace autre chose qu’une crevasse. De loin, elle avait cru que c’était un champignon comme il en poussait chez elle sur les tronc des arbres qui pourrissent mais non, c’était un petit dôme de glace. Un igloo pour être précis mais elle apprendrait son nom bien plus tard.
Icecatcher avait d’abord cru que c’était une formation naturelle vu qu’il n’y avait pas de porte mais avait été surprise quand un grand minousha au pelage particulièrement abondant lui avait sauté dessus.
Elle avait cru son heure venue et était persuadée qu'elle allait finir en repas de minou mais non, le vieil ermite l’avait seulement prise par la nuque pour l’emmener à l’intérieur de l’igloo. Il lui avait jeté dessus une peau de bœuf très chaude et servi un bol de nourritures fumante, beaucoup de graisse et très peu de viande mais après des jours de jeûne elle ne s’était pas plainte. Il n’avait rien dit, rien demandé et elle apprendrait seulement le lendemain que c’était son mode de vie. Au petit jour, si on peut appeler ça comme ça (mais dans cette partie du monde, les notions de « jour et nuit » n’étaient pas les mêmes que partout ailleurs). Il l’avait emmenée au village le plus proche, à 20H de marche. « Il » n’avait pas de nom, tous ceux qui avaient tenté de lui en donner un étaient mort, on l’appelait donc seulement par son mode vie, l’ermite. Il l’avait donc conduite jusqu’au conseil des anciens, avait grogné, littéralement, aucun mot n’était sortit de ses babines, et, dernier geste de gentillesse, lui avait laissé la peau de bœuf avant de disparaître de sa vie.
Étonnamment les premiers mots n’avaient pas été des questions pour connaître son histoire, mais du réconfort pour avoir passé du temps avec le vieux minousha. Pourtant, malgré toutes les années qui étaient passées depuis, elle avait encore près d’elle cette peau de bœuf et le souvenir de ce premier repas chaud. Puis étaient venues les questions, mais les réponses étaient restées dans sa gorge, autant à cause de la peur que du froid. Les explications avaient dû attendre plusieurs semaines que le shaman d’un autre village trouve le bon remède. A vrai dire au début elle avait beaucoup bougé, passant d’un village à un autre sans trop comprendre pourquoi. La barrière de la langue, son traumatisme, son jeune âge, les ressources limitées. Quand elle avait enfin pu parler elle était si loin de chez elle que personne ne crut son histoire d’arbre et de sable. On la prit pour une folle ou pour une victime et au final, elle avait simplement choisi la seconde option. Mieux vaut être une victime du froid resté' trop longtemps toute seule avec le vieux grincheux minousha que la seule survivante d’une maladie inconnue obligée de fuir son pays.
Icecatcher avait donc fini par trouver un nouveau lieu de vie, dans un village assez grand et dont le shaman était sur le déclin. Un djaalin qui lui avait demandé si devenir shaman sous son apprentissage lui plairait. A cette époque elle n’avait pas compris qu’un refus entraînerait un nouveau départ. C’est juste qu’elle aimait bien l’affable shaman du village qui l’avait gentiment accueillie. Elle était curieuse aussi des savoirs et de l’autorité que semblaient avoir ces individus sur la vie des gens et sur celle du village. Icecatcher n’apprendrait que bien plus tard quelle mauvaise réputation avait son maître et pour quelle raison encore plus mauvaise c’était… Figurez-vous que ce pauvre mâle était simplement amoureux d’une autre shaman d’un village proche et qu’ils se fréquentaient. Le malheur voulut que les relations soient interdites aux shamans. D’où le besoin d’apprenti puisque c’était un titre intransmissible. Sans doute parce qu’elle venait de loin et que même après tout ce temps elle n’avait pas toute leur culture quand elle l’avait appris, cela n’avait rien changé à l’affection qu’elle portait à ses deux maîtres. Il faut dire que l’un l’avait élevée, l’autre l’avait soignée et tous les deux l’avait éduquée. Car oui, c’était elle, petite trouille, qui avait soigné sa gorge et émis l’idée de la confier au dja’ vieillissant. Contrairement à lui elle avait déjà un apprenti, qui avait très mal vécu de ne pas être seul détenteur des connaissances de la trouille, comme le voulait la tradition. Beaucoup de monde avait râlé pendant des années, mais comme Icecatcher était devenue aussi résiliente que son maître et qu’elle n’empiétait pas sur les fonctions de son homologue, les gens avaient fini par se lasser.
De ses jeunes années, avant la glace, elle n’avait que des souvenirs et un attrape-rêve en écorce souple. Pour survivre au froid elle avait dut accepté un rituel bizarre qui cristallisait le froid qu’elle ressentait en givre collant a son pelage. Chaque fois qu’elle en détachait un bout elle avait un peu plus froid, mais se laisser complètement recouvrir c’était se changer en statue inerte et mourir. C’était là presque toute la magie des shamans et ce qui lui avait valut son nouveau nom, Icecatcher.
Les shamans ne faisaient presque pas de magie, quelques incantations et runes, mais le reste était connaissances, écoute et liens. Les shaman ne savaient pas faire pousser les plantes, dans la majorité des cas, mais connaissaient seulement leurs utilisations. Ils avaient donc besoin de l’aide des herbivores pour se réapprovisionner. Ils n’étaient pas non plus chasseurs, dans la majorité des cas également, et avaient donc besoin de l’aide de la troupe pour récupérer des os, des cornes, des plumes. Ils étaient donc aussi un lien entre toutes les fonctions du village car peu de gens peuvent parler aux conseil des anciens - et il y a souvent des rivalités mesquines dans un village. Mais tout le monde a besoin du shaman, tout le monde parle au shaman et par la force des choses, le shaman connaît tout le monde, reste neutre et permet de mettre en relation des gens qui d’ordinaire ne se croisent pas. Dans le village et d’un village à l’autre le shaman était le lien qui n’avait pas le droit de s’unir, pas le droit de faire de boucle car alors, il aurait eu un camp.
A vrais dire Icecatcher aimait bien cette règle, elle aimait prendre soin des bébés des autres, servant occasionnellement de nounou ou de médecin mais elle n’avait jamais eu envie d’en avoir.
On disait par ici que c’était le cas de tous les shamans, pourtant les femelles avaient bien leurs chaleurs et les mâles leurs ruts mais aucun d’entre eux ne semblaient pour autant céder aux phéromones dans l’air. De là à savoir qui du phénomène ou de la loi avait existé en premier, c’était comme l’œuf et la poule, jamais personne d’accord… Quand à ses deux amants de maîtres, visiblement personne n’avait pensé que c’étaient leurs esprits qui s’était trouvés et non leurs phéromones, et Icecatcher avait gardé ses idées pour elle. Pourtant c’était ces pensées qui la poussait à jouer aux marieuses à la place de celle ou celui à qui revenait cette tâche habituellement. Elle s’était d’ailleurs mis en conflit avec plusieurs villages le temps de faire accepter un couple plus qu’un autre aux anciens. Mais elle ne s’était jamais trompée, et les gens avaient fini par l’écouter. C’est comme cela qu’elle avait trouvé sa place aux fils des ans et malgré la mort de ses maîtres. Elle était Icecatcher, la shaman-marieuse, victime du froid et personne n’avait besoin de savoir que ça n’avait pas toujours été son destin.
par Lyls » 12 Mai 2023 21:18
Je vous laisse libre de choisir si c'est une fille ou un garçon. ^^
J'ai faillit oublier de poster!!! 
