Spoiler: show
Le retour :
La brume de l'aube noyait le paysage qui défilait devant tes yeux. Il était bien trop tôt à ton goût et des bribes de rêves se diffusaient encore sous tes paupières. Hier soir, tu t'étais couchée très tard et la beuverie à laquelle tu avais participé la nuit dernière était loin d'être complètement digérée. Tu sentais au fond de ton ventre que les effets de l'alcool mélangés à ceux du tabac n'étaient pas encore complètement dissipés. Une légère nausée t'envahit soudain lorsque ta voisine ouvrit un paquet de gâteau laissant l'odeur se répandre dans la voiture. Tu étais dans un état second et la moindre odeur était perçu de manière infiniment plus précise. Elle mangeait un gâteau au chocolat et tu respirais l'odeur d’œufs mêlée à celle de la farine ainsi qu'une forte odeur de cacao qui dominait tous le reste. Une odeur d'amande se faisant discrète en arrière plan t'indiqua qu'elle dégustait un brownie. Cette idée te révulsa alors que d'ordinaire tu étais plutôt friande de ce genre de gâteau... Tu avais vraiment trop bu la veille. Tu t'endormis sans même t'en rendre compte...
Maintenant, c'est le paysage que tu contemples à nouveau tandis que ta voisine engloutit goulûment un nouveau gâteau qui te fait enfin envie. Les montagnes t'entourent de leur stature chaleureuse et accueillante, et tu souris lorsque, juste avant l'entrée du train en gare, tu aperçois le massif de la chartreuse. Tu sors du labyrinthe conçut non pas par Dédale mais par les architectes de la SNCF, ta valise à la main et te retrouves face au Néron. Une bouffée de nostalgie t'envahit alors que tu constates à quel point il est vert depuis la dernière fois que tu es venue.
Tu avances maintenant rapidement au milieu de la foule qui se presse sur les trottoirs, évitant les automobiles bruyantes et les vélos impétueux. Tu as l'habitude, la ville tu la connaît par cœur, c'est là que tu as grandit et que tu y as vécu jusqu'à ce qu'un jour, les études t'emmènent plus loin. Mais surtout qu'une dispute de trop te sépare de ta famille pour de longues années. Après de longs mois de galère, c'était un poste de traductrice dans les langues grecs qui t'avait sauvé de la rue. Tu avais reprit goût au beau en lisant d'immenses textes écrits par la main de Sophocle même. Ces longs et fastidieux parchemins te faisaient l'effet de chrysalide pas encore devenu papillon de diamants encore bruts ne demandant qu'à être dégrossit. Et toi, d'un léger tapotement sur un clavier, tu les rends purs et taillés pour le public.
Tu dois énormément au papier. Il a toujours marqué ta vie que se soit sous forme de livre ou de lettre, de manuscrit ou d'imprimé... D'ailleurs, c'est une lettre qui t'a poussé à revenir à Grenoble, ta ville natale. Tu l'as reçu il y a deux jours. Le temps de prendre ton billet, de faire ta valise et tu bondissait dans le train en direction de ce lieu que tu aimes tant. Bien que tu sois intriguée par cette lettre si étrange, tu ne l'as pas appelé, elle t'attends, c'est ainsi.
Ça y est, tu remontes le Cours Jean Jaurès, puis c'est la rue des Arts et tu sonnes à cette porte qui t'es si familière. Elle descend et vient t'ouvrir. La surprise se lit sur son visage. Vous vous dévisagez sans rien dire durant de longues minutes et ta lèvre inférieure se contracte inscrivant la peur sur ton visage. Tu te demandes un instant si tu as vraiment le droit d'être là. Finalement, elle s'approche de toi et te prend dans ses bras, tu l'appelles « Maman » et vous entrez dans l'appartement. Alors qu'elle marche à quelques pas devant toi, tu la contemples de dos. Tu as toujours aimé faire ça, regarder le dos des gens. Elle est plus voûtée qu'avant et tu vois bien qu'elle a pris des hanches et des cuisses. Elle ne mets plus de petites jupes légères mais de longues robes en coton qui lui descendent jusqu'à mi-mollets. Ses cheveux ont blanchis, et tu le vois bien car malgré la couleur qu'elle s'est faite, tu devines la racine poivre-sel au sommet de son crâne. Tu as toujours été plus grande qu'elle et aujourd'hui, alors qu'elle monte lourdement les marches de l'escalier, elle te paraît bien minuscule et bien fragile.
Vous entrez dans l'appartement à proprement parlé et tu découvres que rien n'a vraiment changé depuis que tu es partie. Il n'ont toujours pas acheté de téléviseur, et les rideaux de que tu aperçois aux fenêtres du salon sont bien ceux qui affichent ces oiseaux du paradis qui te faisaient tant rêver quand tu étais petite. Ta mère fait chauffer de l'eau avec la vieille bouilloire qui siffle si bien et vous devisez à voix basse autour d'un thé dans cette petite cuisine qui a toujours l'aspect d'un bazar mal fichu. Une odeur de désinfectant et d’aseptique plane dans l'appartement, mais tu n'oses pas demander d'où cela vient. Tu mets un sucre dans ton thé, elle n'en mets pas et se justifie à propos d'un certain cholestérol. Tu souris tendrement, cherchant à la rassurer et tu lui prends la main. C'est ta mère tout de même.
Des pas retentissent dans le petit escalier qui mène à la chambre conjugale, contrairement à tes attentes, ce n'est pas ton père qui apparaît dans l'encadrement de la porte mais un homme en blouse blanche. Il a le regard grave et le geste soigneux et lent. Ta mère se lève et toi avec toujours cramponné à sa main. Tu sens confusément qu'elle emprisonne un peu plus ta main dans la sienne et tu comprends qu'elle s'appuie plus sur toi que toi sur elle. Il regarde ta mère avec un regard interrogateur, te dévisage puis finalement se passe une main sur le visage. Elle te lâche la main, s'approche de lui en deux petits pas et semble le supplier du regard. Tu ne comprends plus se qu'il se passe et tu t'approches d'elle, elle pourrait tomber... Il fait un signe négatif de la tête et elle s'échappe de la main que tu tendais vers son bras pour courir vers l'escalier : elle disparaît de ta vue. Tu la suis comme dans un rêve et tu pénètres dans la chambre de tes parents. Rien n'a changé depuis que tu es partie, non, rien n'a bougé. Ni le vieux réveil à ressorts, ni l'éternel livre poser en cours de lecture sur le matelas, il y a juste en plus deux verres à dentier en plus et... cet homme qui dors paisiblement dans le lit de tes parents.
Il semble sourire un peu, il est paisible, il pourrait continuer de dormir ainsi éternellement. Mais les cris et les pleurs de ta mère vont sûrement le réveiller. Pourtant, il ne trésaille même pas et soudain ta mère vient s'écrouler dans tes bras et inonde ton cou et tes joues de larmes. Au milieu de ses sanglots, tu finis par comprendre les mots interrompus par des hoquets de douleur et des reniflements désespérés :
« Ton père est mort. »
La brume de l'aube noyait le paysage qui défilait devant tes yeux. Il était bien trop tôt à ton goût et des bribes de rêves se diffusaient encore sous tes paupières. Hier soir, tu t'étais couchée très tard et la beuverie à laquelle tu avais participé la nuit dernière était loin d'être complètement digérée. Tu sentais au fond de ton ventre que les effets de l'alcool mélangés à ceux du tabac n'étaient pas encore complètement dissipés. Une légère nausée t'envahit soudain lorsque ta voisine ouvrit un paquet de gâteau laissant l'odeur se répandre dans la voiture. Tu étais dans un état second et la moindre odeur était perçu de manière infiniment plus précise. Elle mangeait un gâteau au chocolat et tu respirais l'odeur d’œufs mêlée à celle de la farine ainsi qu'une forte odeur de cacao qui dominait tous le reste. Une odeur d'amande se faisant discrète en arrière plan t'indiqua qu'elle dégustait un brownie. Cette idée te révulsa alors que d'ordinaire tu étais plutôt friande de ce genre de gâteau... Tu avais vraiment trop bu la veille. Tu t'endormis sans même t'en rendre compte...
Maintenant, c'est le paysage que tu contemples à nouveau tandis que ta voisine engloutit goulûment un nouveau gâteau qui te fait enfin envie. Les montagnes t'entourent de leur stature chaleureuse et accueillante, et tu souris lorsque, juste avant l'entrée du train en gare, tu aperçois le massif de la chartreuse. Tu sors du labyrinthe conçut non pas par Dédale mais par les architectes de la SNCF, ta valise à la main et te retrouves face au Néron. Une bouffée de nostalgie t'envahit alors que tu constates à quel point il est vert depuis la dernière fois que tu es venue.
Tu avances maintenant rapidement au milieu de la foule qui se presse sur les trottoirs, évitant les automobiles bruyantes et les vélos impétueux. Tu as l'habitude, la ville tu la connaît par cœur, c'est là que tu as grandit et que tu y as vécu jusqu'à ce qu'un jour, les études t'emmènent plus loin. Mais surtout qu'une dispute de trop te sépare de ta famille pour de longues années. Après de longs mois de galère, c'était un poste de traductrice dans les langues grecs qui t'avait sauvé de la rue. Tu avais reprit goût au beau en lisant d'immenses textes écrits par la main de Sophocle même. Ces longs et fastidieux parchemins te faisaient l'effet de chrysalide pas encore devenu papillon de diamants encore bruts ne demandant qu'à être dégrossit. Et toi, d'un léger tapotement sur un clavier, tu les rends purs et taillés pour le public.
Tu dois énormément au papier. Il a toujours marqué ta vie que se soit sous forme de livre ou de lettre, de manuscrit ou d'imprimé... D'ailleurs, c'est une lettre qui t'a poussé à revenir à Grenoble, ta ville natale. Tu l'as reçu il y a deux jours. Le temps de prendre ton billet, de faire ta valise et tu bondissait dans le train en direction de ce lieu que tu aimes tant. Bien que tu sois intriguée par cette lettre si étrange, tu ne l'as pas appelé, elle t'attends, c'est ainsi.
Ça y est, tu remontes le Cours Jean Jaurès, puis c'est la rue des Arts et tu sonnes à cette porte qui t'es si familière. Elle descend et vient t'ouvrir. La surprise se lit sur son visage. Vous vous dévisagez sans rien dire durant de longues minutes et ta lèvre inférieure se contracte inscrivant la peur sur ton visage. Tu te demandes un instant si tu as vraiment le droit d'être là. Finalement, elle s'approche de toi et te prend dans ses bras, tu l'appelles « Maman » et vous entrez dans l'appartement. Alors qu'elle marche à quelques pas devant toi, tu la contemples de dos. Tu as toujours aimé faire ça, regarder le dos des gens. Elle est plus voûtée qu'avant et tu vois bien qu'elle a pris des hanches et des cuisses. Elle ne mets plus de petites jupes légères mais de longues robes en coton qui lui descendent jusqu'à mi-mollets. Ses cheveux ont blanchis, et tu le vois bien car malgré la couleur qu'elle s'est faite, tu devines la racine poivre-sel au sommet de son crâne. Tu as toujours été plus grande qu'elle et aujourd'hui, alors qu'elle monte lourdement les marches de l'escalier, elle te paraît bien minuscule et bien fragile.
Vous entrez dans l'appartement à proprement parlé et tu découvres que rien n'a vraiment changé depuis que tu es partie. Il n'ont toujours pas acheté de téléviseur, et les rideaux de que tu aperçois aux fenêtres du salon sont bien ceux qui affichent ces oiseaux du paradis qui te faisaient tant rêver quand tu étais petite. Ta mère fait chauffer de l'eau avec la vieille bouilloire qui siffle si bien et vous devisez à voix basse autour d'un thé dans cette petite cuisine qui a toujours l'aspect d'un bazar mal fichu. Une odeur de désinfectant et d’aseptique plane dans l'appartement, mais tu n'oses pas demander d'où cela vient. Tu mets un sucre dans ton thé, elle n'en mets pas et se justifie à propos d'un certain cholestérol. Tu souris tendrement, cherchant à la rassurer et tu lui prends la main. C'est ta mère tout de même.
Des pas retentissent dans le petit escalier qui mène à la chambre conjugale, contrairement à tes attentes, ce n'est pas ton père qui apparaît dans l'encadrement de la porte mais un homme en blouse blanche. Il a le regard grave et le geste soigneux et lent. Ta mère se lève et toi avec toujours cramponné à sa main. Tu sens confusément qu'elle emprisonne un peu plus ta main dans la sienne et tu comprends qu'elle s'appuie plus sur toi que toi sur elle. Il regarde ta mère avec un regard interrogateur, te dévisage puis finalement se passe une main sur le visage. Elle te lâche la main, s'approche de lui en deux petits pas et semble le supplier du regard. Tu ne comprends plus se qu'il se passe et tu t'approches d'elle, elle pourrait tomber... Il fait un signe négatif de la tête et elle s'échappe de la main que tu tendais vers son bras pour courir vers l'escalier : elle disparaît de ta vue. Tu la suis comme dans un rêve et tu pénètres dans la chambre de tes parents. Rien n'a changé depuis que tu es partie, non, rien n'a bougé. Ni le vieux réveil à ressorts, ni l'éternel livre poser en cours de lecture sur le matelas, il y a juste en plus deux verres à dentier en plus et... cet homme qui dors paisiblement dans le lit de tes parents.
Il semble sourire un peu, il est paisible, il pourrait continuer de dormir ainsi éternellement. Mais les cris et les pleurs de ta mère vont sûrement le réveiller. Pourtant, il ne trésaille même pas et soudain ta mère vient s'écrouler dans tes bras et inonde ton cou et tes joues de larmes. Au milieu de ses sanglots, tu finis par comprendre les mots interrompus par des hoquets de douleur et des reniflements désespérés :
« Ton père est mort. »